L'obligation d'informer la caution durant l'exécution du contrat de cautionnement en droit de l'OHADApar Fabrice Essone Zang Université Africaine des Sciences de Libreville (UAS) - Master en droit des affaires 2017 |
Section 2 : Réflexion sur l'identité de nature des informations obligatoiresLe caractère limité de la sanction du manquement à une obligation extracontractuelle d'information (Paragraphe 1) nous conduit à nous interroger sur la véritable nature des informations obligatoires (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : la sanction forfaitaire et limitée des obligations extracontractuellesPriver le créancier de sa rémunération (A) est le moyen que le législateur a trouvé pour obliger ledit créancier à respecter son obligation d'information. En dépit de la gravité apparente de cette sanction, en réalité ladite sanction ne ressemble en rien à celles sanctionnant le manquement à une obligation civile (infra), voilà pourquoi nous nous sommes interrogés sur les raisons de cette différence de régime (B). A- La déchéance des intérêts et pénalités périodiques comme sanction du défaut d'information En droit français, le caractère limité de la sanction du manquement à l'obligation d'information ponctuelle est compensé par la possibilité laissée à la caution de cumuler la sanction avec des dommages-intérêts en cas de préjudice subi (1). Toutefois, en droit français du cautionnement, ce cumul de sanctions n'est pas autorisé en ce qui concerne le défaut d'information périodique (2). En droit de l'OHADA, nous ne pourrions procéder que par analogie en faisant des suggestions au vu du manque de documentation sur le sujet. 1) Le possible cumul de sanctions avec celle de l'article 24 L'alinéa 2 de l'article 24 de l'AUS prévoit que la sanction du manquement à l'information ponctuelle de la caution est la déchéance « des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de l'incident de paiement et la date à laquelle la caution en a été informée ». En effet, la caution qui n'aurait pas été informée sur la défaillance du débiteur aurait perdu la chance de se préparer à payer le créancier, ce qui pourrait lui causer un préjudice étant donné 96 que la jurisprudence française a décidé que « le point de départ de la prescription de l'obligation de la caution est le même que celui de l'obligation principale »225, autrement dit que le cautionnement est exigible dès que la dette principale l'est aussi226. Ainsi, la sanction du défaut d'information ponctuelle est très limitée puisqu'elle ne frappe que les intérêts et pénalités de retard, sauf qu'elle ne pose pas de problème d'interprétation. Aussi, en droit français, la sanction du défaut d'information ponctuelle n'est pas exclusive d'autres sanctions telles que la responsabilité civile du créancier en cas d'abus. En effet, en France, le professeur LEGEAIS relève que « la Cour de cassation a considéré qu'un créancier engageait sa responsabilité contractuelle s'il s'abstenait de poursuivre la caution en temps utile »227. En l'espèce, le créancier a été condamné pour avoir laissé s'accumuler les dettes de loyers. En droit de l'OHADA, l'article 24 de l'AUS ne précise guère si la sanction du manquement à l'obligation d'information ponctuelle est exclusive ou cumulative voilà pourquoi nous ne pourrions qu'inciter le législateur OHADA à faire de la sanction du défaut d'information ponctuelle une sanction cumulative en permettant à la caution d'engager la responsabilité du créancier qui voudrait obérer la situation financière de celle-ci en laissant par exemple les dettes du débiteur s'accumuler avant de la saisir. Donc, si en droit de l'OHADA, l'article 24 de l'AUS n'exclut pas expressément l'engagement de la responsabilité du créancier indélicat, l'article 25, par analogie à l'obligation d'information périodique en droit français, ne pourrait peut-être pas permettre d'engager la responsabilité du créancier en plus de la déchéance des intérêts. 2) La sanction personnelle et exclusive de l'information périodique et l'article 25 L'exclusivité (a) et la personnalisation (b) caractérisent la sanction du défaut d'information périodique en droit français. Toutefois, rien ne garantit la reprise desdites caractéristiques en droit communautaire africain. 225 Cass. Com., 19 févr. 1979, Bull. civ. IV, n° 65, p.50. 226 M. Mignot, Droit des sûretés, Coll. Cours, éd. 2008, Montchrestien, n° 387, p. 143. 227 D. Legeais, Op. cit., n ° 237, p. 192 ; Cass. 1re civ., 16 juil. 1998 : JCP E 1999, p. 128, note B. FAGES, préc. 97 a. Le caractère exclusif de la sanction du défaut d'information périodiqueEn droit français, la chambre commerciale de la Cour de cassation française a jugé que « sauf dol ou faute lourde du dispensateur de crédit, l'omission des informations prévues par l'article 313-22 CMF est sanctionnée par la seule déchéance des intérêts »228 ce qui fait de cette sanction une sanction exclusive. Toutefois, le professeur Séverine CABRILLAC prévient qu'en matière d'information obligatoire « la faute lourde n'est guère concevable sauf à qualifier ainsi toute omission de l'obligation »229. Quant au dol, la professeure déclare qu'« il se heurte à des difficultés de preuve quasi rédhibitoires »230. En droit de l'OHADA, la sanction du défaut d'information n'est pas exclusive puisque l'article 25 de l'AUS dispose que la déchéance des intérêts contractuels échus est faite « sans préjudice des dispositions de l'article 29 [dudit] acte uniforme ». Cependant, l'article 29 ne présente que les cas relatifs à l'opposabilité des exceptions inhérentes à la dette et les cas relatifs à la subrogation impossible du fait du créancier. Toutefois, pour des raisons que nous invoquerons infra nous ne sommes pas de ceux qui militent pour un cumul de sanctions en matière d'information périodique de la caution. En conséquence, selon nous, l'engagement de la responsabilité du créancier indélicat ne devrait en aucun cas être cumulé à la déchéance des intérêts dus audit créancier. Mais, nous constatons avec un jugement du Tribunal de grande instance de Ouagadougou231 qu'un simple relevé de compte bancaire peut servir à communiquer l'information périodique en dépit du formalisme de l'article 14 de l'AUS de 1997 et que certaines cautions évoquent le défaut d'information périodique non pas pour réclamer la déchéance du droit aux intérêts du créancier, mais pour annuler une ordonnance d'injonction de payer. L'on s'aperçoit alors que la sanction du défaut d'information périodique semble tellement ridicule que les cautions dans la zone OHADA ne la réclament même pas. Ainsi, afin de pallier à cette indifférence, nous recommanderons au législateur OHADA d'aggraver la déchéance sanctionnant le défaut d'information périodique en étendant la déchéance des seuls intérêts à tous les accessoires de la dette. En effet, le législateur 228 Cass. Com., 25 avr. 2001, Bull. civ. IV, n° 75, p. 72; D.2001, AJ p.1793, obs. V. Avena-Robardet. 229 M. Cabrillac, Ch. Mouly et al., Op. cit., n° 324, p. 233 ; S. Cabrillac fait référence, entre autres, à la décision Cass. Com., 20 oct. 1992, JCP E 1993, II, 390, note D. Legeais. 230 Ibid. 231 TGI Ouagadougou, 27 juin 2007, préc. ; la caution a été condamnée à payer la somme maximale cautionnée en dépit de l'absence de formalisme informatif dans les correspondances envoyées par le créancier. 98 communautaire aurait pu s'inspirer de la sanction prévue à l'article 2293 du Code civil français ancien qui étend la déchéance à « tous les accessoires de la dette, frais et pénalités », d'autant plus que les textes français et africain conditionnent l'obligation d'information périodique à la souscription d'un engagement indéfini... Donc, le caractère exclusif de la sanction du défaut d'information périodique existe en droit français, mais aucune jurisprudence parmi celles que nous avons pu consulter en droit de l'OHADA ne fait état de l'exclusivité de la déchéance prévue à l'article 25 de l'AUS. Toutefois, selon nous, l'exclusivité de la sanction devrait exister en droit de l'OHADA si la juridiction communautaire n'en a pas encore décidé ainsi. Toutefois, le caractère personnel de la sanction, quant à lui, se déduit plus aisément que l'exclusivité de celle-ci. |
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