Paragraphe 2 : les modalités d'application de
l'information ponctuelle
En droit français et en droit africain, la
défaillance du débiteur porte le nom d'incident de paiement
(A), sauf qu'en droit de l'OHADA, le législateur n'a
pas pris la peine de déterminer avec précision l'incident de
paiement qui devrait être rapporté à la caution
(B).
A- L'incident de paiement caractérisé
Avant 1998, en France, aucun délai n'encadrait
l'information ponctuelle de la caution. D'ailleurs, en droit OHADA, l'article
13 de l'AUS de 1997 ne prévoyait aucun délai non plus : « le
créancier doit aviser la caution de toute défaillance du
débiteur principal et ne peut entreprendre de poursuites contre elle
qu'après une mise en demeure (...) ».
Puis, en France, avec la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998
relative à la lutte contre les exclusions (ajoutée à
l'article 47-II de la loi du 11 février 19994) vient préciser
qu'il n'y a incident de paiement caractérisé qu'à
défaut de régularisation dans le mois. La loi disposait que
« lorsque le cautionnement est consenti par une personne physique pour
garantir une dette professionnelle d'un entrepreneur individuel ou d'une
entreprise constituée sous forme de société, le
créancier informe la caution de la défaillance du débiteur
principal dès le premier incident de paiement non
régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement
(...) ».
Ainsi, de manière corrélative, dans l'AUS de
2010 apparaît l'ajout de la loi française relative à la
lutte contre les exclusions ; l'alinéa 1er de l'article 24
dudit AUS dispose alors que « dans le mois de la mise en demeure de payer
adressée au débiteur principal et restée sans effet, le
créancier doit informer la caution de la défaillance du
débiteur principal (...) ».
Donc, en droit OHADA, comme en droit français, il y a
incident de paiement caractérisé à défaut de
régularisation de paiement dans le mois de l'exigibilité de la
dette. En effet, si les dispositions communautaire et française
diffèrent dans leur énoncé, elles disent la même
chose puisqu'il ne peut avoir mise en demeure du débiteur principal
qu'à condition que la dette soit exigible.
Au sujet de l'exigibilité de la dette, tout d'abord,
l'article 23 de l'AUS de 2010 est très clair, « la caution n'est
tenue de payer la dette qu'en cas de non-paiement du débiteur principal.
Le créancier ne peut entreprendre de poursuites contre la caution
qu'après mise en demeure de payer adressée au débiteur
principal et restée sans effet (...) ».
51
Ensuite, le créancier ne peut pas poursuivre le
débiteur alors que la dette n'est pas exigible114, sauf en
cas de déchéance du terme. Toutefois, l'article 23
précité dispose également que « nonobstant toute
clause contraire, la déchéance du terme accordé au
débiteur principal ne s'étend pas automatiquement à la
caution qui ne peut être requise de payer qu'à
l'échéance fixée à l'époque où la
caution a été fournie (...) ».
En France et en droit de l'OHADA, la défaillance du
débiteur principal est le synonyme de l'incident de paiement
caractérisé. Toutefois, on remarque que le législateur
africain a été vague sur certains points.
B- L'absence de détermination de l'incident de
paiement visé par l'article 24 de l'AUS
Nous notons une imperfection dans l'article 24 de l'AUS de
2010 dès qu'on la compare aux dispositions françaises en la
matière. En effet, le texte ne précise pas de quel incident de
paiement il fait allusion pour déclencher l'information sur la
défaillance du débiteur principal. En effet, cela
sous-entendrait-il que le créancier pourrait choisir l'incident de
paiement qu'il compte rapporter à la caution ? Nous répondrons
à cette interrogation plus bas.
Si l'article 23 de l'AUS exige que toute poursuite de la
caution soit précédée d'une mise en demeure du
débiteur principal restée sans effet, ledit article n'oblige en
aucun cas le créancier d'être diligent et d'effectuer la poursuite
de la caution après un incident de paiement déterminé
comme c'est le cas en France. En effet, l'article 24 alinéa 1er dispose
seulement que « Dans le mois de la mise en demeure de payer
adressée au débiteur principal et restée sans effet, le
créancier doit informer la caution de la défaillance du
débiteur principal (...) ». Le créancier cupide ou indolent
pourrait alors attendre une multitude d'incidents de paiement du
débiteur principal avant de mettre en demeure celui-ci. Le
créancier pourrait alors poursuivre la caution alors que la dette aurait
énormément évolué.
Pourtant, en droit français, afin d'obliger le
créancier à agir dans les temps, le législateur fait
mention du « premier incident de paiement non régularisé
(dans le mois) » dans l'article L.341-1 de l'ancien Code de la
consommation (articles L.333-1 et L.343-5 du nouveau Code de la consommation de
2016) et du « premier incident de paiement caractérisé
susceptible d'inscription au fichier institué à l'article L.333-4
» dans l'article L.313-9 dudit Code (actuel article L.314-17) comme
élément déclencheur de l'information ponctuelle.
114 Ph. Simler, Op. cit., n° 489, p. 513.
D'ailleurs, la caution pourrait engager la
responsabilité du créancier négligent qui attendrait avant
de poursuivre le débiteur principal en temps utile115. En
l'espèce, la Cour de cassation avait jugé que :
« Attendu, [cependant] qu'il résultait des
circonstances de la cause qu'en laissant s'accroître la dette de loyers
des époux X... sans agir en temps utile ni contre eux, ni contre M.
Y..., M. Z... avait privé ce dernier de la possibilité
d'acquitter lui-même les sommes dues et d'exercer, en qualité de
caution subrogée dans les droits du créancier
désintéressé, l'action en résolution du bail qui
lui eût permis, sinon de recouvrer les sommes versées, du moins
d'éviter que les nouveaux loyers ne viennent à
échéance et de limiter, ainsi, le montant de la dette
cautionnée ».
Pourquoi une telle omission de la part du législateur
OHADA qui pourtant s'abreuve dans l'étang du droit français ?
Nous pouvons dire qu'il s'agit en fait d'une omission de report dans l'article
24 de l'AUS de 2010 des dispositions de son prédécesseur. En
effet, l'article 14 (alinéa 1) de l'AUS de 1997 obligeait le
créancier à communiquer à la caution « toute
défaillance du débiteur principal » contrairement à
l'article 24 de l'AUS de 2010 qui est imprécis. L'on observe alors une
régression en droit de l'OHADA.
52
115 Cass. 1re civ. 16 juin 1998, pourvoi n°
96-17.476.
53
Deuxième partie : Le champ d'application des
obligations d'information et réflexions sur les obligations de source
extracontractuelle
Le droit de l'OHADA se caractérise par un conformisme
au droit positif français notamment dans la détermination du
champ d'application de l'information périodique (Chapitre
1) qui, en France, a posé plus de difficulté à
être déterminé que celui de l'information ponctuelle.
Aussi, l'on remarque que certains problèmes relatifs à
l'information de la caution n'ont pas été résolus en
traversant les frontières françaises (Chapitre
2).
54
|