L'obligation d'informer la caution durant l'exécution du contrat de cautionnement en droit de l'OHADApar Fabrice Essone Zang Université Africaine des Sciences de Libreville (UAS) - Master en droit des affaires 2017 |
Paragraphe 1 : la durée de l'information périodique : un silence africainLe texte africain ne précise pas la durée de l'obligation du créancier, mais tout porte à croire que l'extinction du cautionnement ou de la dette mette fin à l'obligation d'information. En effet, les dettes du débiteur sont la raison d'être du cautionnement et le contrat de cautionnement (de toutes les dettes) est la raison d'être de l'obligation d'information périodique, par conséquent s'ils venaient à disparaître, l'obligation d'information disparaîtrait également, c'est le principe de l'accessoire. Ce serait logique. Toutefois, ce raisonnement ne fut pas d'emblée celui de la Cour de cassation française. En effet, en France, plusieurs circonstances particulières ont laissé penser que l'obligation du créancier avait cessé alors même que la dette et le contrat de cautionnement demeuraient : la poursuite de la caution (A) et le décès de celle-ci (B). A- L'obligation d'information périodique et la poursuite de la cautionLa poursuite de la caution est ici entendue comme étant d'une part sa mise en demeure (1) et d'autre part, sa condamnation définitive de payer (2). Notre travail consistera ainsi à montrer le comportement du juge français envers l'information périodique face à ces deux situations. 1) Information périodique et mise en demeure de la caution La Cour de cassation française a adopté deux comportements après la mise en demeure de la caution. Tout d'abord, la haute juridiction a refusé la continuité de l'obligation d'information (a), puis elle a jugé que ladite obligation devait se poursuivre en dépit de la mise en demeure de payer (b).
Ce n'est pas parce que la caution a été mise en demeure de payer que celle-ci a les moyens de désintéresser le créancier au moment où elle a été interpellée. Ainsi, en France, dans l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 25 juin 1991 cité plus haut, la caution avait été mise en demeure de payer le 27 juillet 1987 et elle n'avait pas été informée depuis 1429 jours (près de 4 ans) alors qu'il avait été décidé que le comptage des intérêts de la 98 Cass. Com., 25 juin 1991 : Bull. civ., 1991, IV, n° 233, p. 163. 46 dette au taux légal (intérêts moratoires) avait débuté le 1er août 1987 et la demande de capitalisation des intérêts avait été faite le 26 octobre 1988. On comprend alors que ladite caution aurait dû, si la Cour de cassation française avait reconnu la continuité de l'obligation du créancier, être informée sur l'état de la dette les 31 mars 1988, 1989, 1990 et 1991. Ainsi, le créancier aurait dû informer la caution des intérêts de retard échus en plus des autres accessoires de la dette. Donc, au vu de la dangerosité d'une brusque cessation de l'information périodique avant la fin du cautionnement ou de la dette, la Cour de cassation en 199399 décida alors que « l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 était applicable pour la première fois avant le 31 mars 1985 (...) et jusqu'à l'extinction de la dette ». En effet, la mise en demeure de payer adressée à la caution n'équivaut pas à l'extinction des obligations légales du créancier - le cautionnement n'étant pas résilié. En outre, en France, la Cour de cassation a jugé que ni la mise en demeure ou l'assignation, ni l'ouverture d'une procédure collective du débiteur principal ne suspendent ou n'éteigne l'obligation d'information périodique100. Le droit français impose donc au créancier de poursuivre l'information de la caution jusqu'à l'extinction de la dette, peu importe les incidents qui surviennent durant l'exécution du cautionnement. Cependant, le doute sur la continuité de l'information périodique a pesé lorsque la caution a été condamnée à rembourser la dette. 2) Information périodique et condamnation définitive de la caution Le problème s'est posé avec une décision de la Cour de cassation française de 2005101 qui contredisait la décision de 1993 en révoquant l'idée selon laquelle l'information de la caution est due jusqu'à l'extinction de la dette au motif que ladite information ne saurait perdurer après la condamnation définitive de la caution étant donné que « l'obligation découlant de la condamnation irrévocable de la caution se substituait à l'obligation contractuelle primitive »102. Cependant, un tel raisonnement ne reposait que sur une innovation prétorienne puisqu'aucun texte ne prévoyait une substitution de la condamnation définitive de la caution à l'obligation d'être informé par le créancier. 99 Cass. Com., 2 nov. 1993, Bull. civ. IV, n° 370 et Cass. Com., 30 nov. 1993, Bull. civ. IV, n° 434. 100 Cass. Com., 25 avr. 2001: JCP E 2001, 1276, note D. Legeais. 101 Cass. 1re civ., 13 déc. 2005 : JurisData n° 2005-031474 ; bull. Civ. 2005, I, n° 488. 102 Observation de Ph. Simler sur la précédente jurisprudence ; JCP G 2006, I, 131, n° 6. 47 Ainsi, l'année suivante, en 2006, la Cour de cassation française se réunit en chambre mixte afin de réaffirmer le principe de 1993103. En effet, l'arrêt de la Cour d'appel de Caen alors censuré en 2006 par la chambre mixte retenait que « si l'obligation d'information doit être respectée, même après l'assignation de la caution en paiement, il en va différemment une fois que le jugement condamnant celle-ci au paiement du principal et des intérêts a acquis force de chose jugée »104. La chambre mixte a fait remarquer qu'un tel raisonnement du juge du fond était incohérent puisque la force de chose jugée ne concerne que les éléments ayant fait l'objet de l'instance à savoir la condamnation définitive de payer et non l'information de la caution qui ne peut être révoquée durant l'exécution du cautionnement, ladite information étant d'ordre public. Pourtant le professeur Séverine CABRILLAC soutient la décision de la Cour d'appel de Caen et critique la décision de la Cour de cassation de 2006 en faisant remarquer que « l'information [de la caution] n'a [dans le cas de la condamnation définitive de la caution] aucune utilité »105 étant donné que « la dette ne pouvant plus évoluer que mécaniquement (par application des intérêts de retard applicables à la caution entre sa condamnation et son paiement) et la résiliation étant hors de propos »106. Le professeur de Montpellier fait remarquer qu'en cas de condamnation définitive de la caution, les intérêts contractuels de la dette ne peuvent plus être appliqués et que s'il s'agit de cautionnement indéterminé, la faculté de révocation dudit cautionnement n'a plus lieu d'être. En conséquence, l'information périodique de la caution ne pourrait plus porter sur lesdits intérêts contractuels ni sur la faculté de révocation. D'ailleurs, si une telle information était communiquée à la caution, il s'agirait alors d'une information incomplète, une information viciée. En droit français, l'information de la caution est donc due jusqu'à l'extinction de la dette ou celle de la garantie. L'on ne suggère pas que le droit de l'OHADA s'inspire de ce principe problématique. En revanche, il serait souhaitable que le législateur africain précise la durée de l'information périodique. Toutefois, ledit législateur africain pourrait également et de façon explicite, prendre position sur le devenir de l'information périodique après le décès de la caution. 103 Cass. ch. mixte, 17 nov. 2006 : JurisData n° 2006-035991 ; JCP G 2006, IV, 3410. 104 CA Caen , 6 janvier 2004 105 M. Cabrillac, Ch. Mouly et al., Op. cit., n° 319, p. 229. 106 Ibid. 48 |
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