L'obligation d'informer la caution durant l'exécution du contrat de cautionnement en droit de l'OHADApar Fabrice Essone Zang Université Africaine des Sciences de Libreville (UAS) - Master en droit des affaires 2017 |
b. L'évolution de l'information sur l'état de la dette en FranceL'évolution de l'information périodique de la caution s'est effectuée en deux phases. Premièrement, l'article 48 de loi de 1984 évolua (1°). Deuxièmement, l'article 48 fut repris en substance par d'autres lois (2°). 1°) L'évolution de la loi de 1984 D'une part, la loi de 1984 fut l'objet d'un amendement avec l'entrée en vigueur de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999 relative à l'épargne et à la sécurité financière puisque l'article 114 de la loi de 1999 ajouta un alinéa à ladite loi de 1984. Ledit alinéa disposait que « les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette ». Il convient de noter que ce dispositif a été mis en place afin de déroger à l'article 1254 du Code civil français ancien qui impute les paiements partiels effectués par le débiteur principal aux intérêts en priorité -- ledit article de droit commun aurait inévitablement causé la disparition de l'assiette de la sanction du défaut d'information périodique (les intérêts échus). 34 D'autre part, à partir du 1er janvier 2001, l'article 48 de la loi de 1984 (et son amendement) intégra le Code monétaire et financier (CMF) et devint l'article L.313-22 récemment modifié par l'article 84 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016. En outre, nous pouvons relever que si la loi de 1984 ne concernait que les entreprises (débiteurs), les établissements de crédit (créanciers) et les personnes physiques ou morales (cautions), l'article 47-II de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle élargit le champ d'application de l'information périodique de la loi de 1984 aux entreprises individuelles -- les cautions desdites entreprises sont désormais bénéficiaires de l'information périodique. Les dettes garanties étaient alors des dettes professionnelles au lieu de concours financier. Cependant, l'évolution de l'information périodique ne se limita pas à une simple intégration dans le CMF, à un ajout ou à une extension de son champ d'application. En effet, la loi de 1984 donna naissance à d'autres obligations d'information qui reprirent son objet en s'étendant à d'autres situations ou à d'autres catégories de cautions. 2°) Les lois émanant de la loi de 1984 En 1998, non seulement le législateur français reprit en substance la loi de 1984 en l'appliquant à d'autres cautions et d'autres créanciers, mais aussi il fit de l'information périodique de la caution une disposition de droit commun. En effet, l'article 101 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions qui reprit le principe de l'information périodique des cautions devint l'article 2293 du Code civil français ancien. Aussi, l'article du Code civil élargit considérablement le nombre de bénéficiaires de l'obligation d'information -- l'information périodique était désormais due à toute personne physique ayant souscrit un cautionnement indéfini, peu importe la qualité du créancier. Il convient de préciser qu'un cautionnement indéfini est celui dont « la caution garantit des dettes dont personne ne connaît l'étendue, ni souvent la nature ou le montant »79 étant donné que « la caution garantit toutes les dettes qui naîtront entre le débiteur et le créancier, notamment par le compte courant »80. Puis, en 2003, apparut l'article 11-II de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique qui accorda le bénéfice de l'information périodique à un type particulier de 79 M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Op. cit., n° 199, p. 146. 80 Ibid., n° 199, p. 147. 35 personnes physiques : les consommateurs. Le débiteur de l'information de ladite loi est alors le créancier professionnel. Notons que la loi de 2003 a été intégrée à l'ancien Code français de la consommation afin de devenir l'article L.341-6, puis l'article L.333-2 du Code de la consommation de 2016. Donc, l'information périodique de la caution est une obligation d'origine française. Toutefois, la prodigalité du législateur français en matière d'obligations d'information n'est pas perçue d'un très bon oeil. 2) La critique de la multiplicité des obligations d'information périodique en France Tout d'abord, il convient de noter que la doctrine française n'est pas très tendre avec le législateur lorsqu'il s'agit d'obligations d'information en général. Ainsi, au sujet de l'inflation des dispositions imposant l'information obligatoire de la caution, la juriste Séverine CABRILLAC est assez partagée puisqu'elle déclare qu'« astreindre le créancier à informer la caution de l'évolution du risque qu'elle a pris est une idée excellente qui recueille l'adhésion générale. La mettre en page aurait pu être relativement simple »81. Aussi, le professeur de la faculté de Montpellier déplore « la maladresse et la légèreté persistantes du législateur [qui] ont introduit en la matière une inutile complication »82. En effet, le professeur remarque que le législateur « a multiplié les interventions sans se préoccuper de les coordonner et d'élaguer ce qui devenait inutile »83. Quant au doyen SIMLER, il va également dans le même sens que la juriste alors qu'il vantait tout d'abord le mérite des mesures tendant à informer les cautions puisqu'il fait remarquer que « l'empilement et l'enchevêtrement de ces diverses obligations, qui se recoupent partiellement, alors que leurs modalités de mise en oeuvre et leurs sanctions ne sont pas identiques, sont particulièrement regrettables »84. Cependant, certains juristes sont profondément contre l'idée d'une obligation d'information en droit positif. En effet, le professeur François TERRE déclare que « l'information des contractants est sans doute l'un des meilleurs exemples de ce que juge et législateur jouent trop souvent, à l'époque actuelle, leur rôle à contre-emploi. Multipliant au gré des variations de l'opinion et des pressions de certains groupes les dispositions catégorielles, le législateur 81 M. Cabrillac et al., Op.cit, idem, préc. 82 Ibid., n° 317, p. 224. 83 Idem. 84 Ph. Simler, Op. cit., n° 430, p. 443. 36 développe un formalisme informatif minutieux, dont la cohérence n'est pas la qualité première »85. Puis, en ce qui concerne les obligations spéciales d'information de la caution, le professeur va encore plus loin en affirmant que « le cautionnement est désormais l'objet d'une multiplicité d'obligations spéciales d'information qui se chevauchent et s'interpénètrent au gré des inspirations et des improvisations sans que la situation des intéressés en soit améliorée »86. Enfin, allant dans le même sens que le professeur TERRE, le professeur Séverine CABRILLAC, d'abord modéré au sujet des informations obligatoires de la caution, souligne « la pauvreté de l'information légale, figée et déjà périmée lorsqu'elle est émise, ainsi que la légèreté de la sanction qui l'assortit, indice de la futilité que le législateur lui attribue »87. D'ailleurs, madame CABRILLAC se montre aussi amère que le professeur TERRE lorsqu'elle affirme que « l'on s'apitoie non plus sur les cautions négligentes, mais sur les débiteurs et les cautions sérieux, qui doivent pouvoir éviter le coût injustifié d'une mesure dont l'efficacité reste à démontrer »88. Pourtant, au-delà du manque de cohérence dans la mise en oeuvre des obligations d'information des cautions, l'obligation d'information sur l'évolution de la dette cautionnée est très importante en France non seulement au vu de la multiplicité des textes qui la régissent, mais aussi au vu de l'immensité du contentieux relatif à l'information annuelle des cautions. En effet, au 25 janvier 2017, le site legifrance.gouv.fr comptait près de 434 résultats pour les recherches intitulées « information annuelle des cautions ». L'information périodique est donc une obligation d'origine française qui couvre une multitude de cautions, mais dont la mise page est incohérente. Il en est de même pour l'information ponctuelle de la caution. |
|