Chapitre 1 : L'information entre contractants
Si le contrat est une rencontre de volontés, il n'en
demeure pas moins que le plus souvent lesdites volontés sont
contradictoires puisque les parties n'ont pas les mêmes
intérêts. En effet, dans le contrat de vente par exemple, bien que
les parties s'entendent sur le prix et la marchandise, elles n'ont pas le
même objectif : le vendeur veut réaliser un profit alors que
l'acheteur veut satisfaire un besoin.
Le problème qui est posé au législateur
et au juge est donc celui de faire coïncider des intérêts
différents. Ainsi, on constate que l'information entre contractants ne
coule pas de source au vu de la divergence des intérêts des
cocontractants (Section 1), mais que l'information est
fondée sur des éléments que le droit positif ne peut
ignorer (Section 2).
Aussi, l'ancien article 1135 du Code civil français
disposait que « les conventions obligent non seulement à ce qui y
est exprimé, mais encore à toutes les suites que
l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation
d'après sa nature », ce qui sous-entend que lorsqu'un individu
conclut un contrat, il s'engage au-delà de sa propre volonté et
il semblerait que ce soit sur cette idée que le législateur s'est
fondé afin de s'immiscer dans la sphère contractuelle.
Section 1 : la société libérale et
la non-prise en compte des intérêts du cocontractant
Nous verrons que les cocontractants ne sont pas
automatiquement considérés comme des associés du seul fait
du contrat, car chacun se doit de veiller à ses propres
intérêts (paragraphe 1). En effet, le professeur
François Terré fait remarquer que « dans une
société libérale composée d'hommes libres et
responsables, la règle est le devoir de s'informer soi-même
»16. Toutefois, lorsque des conditions sont réunies, il
se peut que des obligations légales d'information soient imposées
à l'une des parties afin de créer, entre les parties, une
égalité juridique (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le principe de la limitation de la
responsabilité contractuelle
Comme la responsabilité civile ou la
responsabilité délictuelle, l'on peut constater des limites
à la responsabilité contractuelle. En effet, il est tout à
fait logique de supposer que la responsabilité d'un contractant ne
saurait être engagée qu'en raison de manquements à des
obligations contractuelles (A). Aussi, c'est dans cette
optique que le principe de
16 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette,
Droit civil, les obligations, Coll. Droit privé, 11e
éd., Précis Dalloz, n° 258, p. 284.
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l'individualisme est réaffirmé, un
individualisme qui veut que chacun veille à ses propres
intérêts (B).
A- La limite de la responsabilité contractuelle aux
engagements réciproques
Le professeur François TERRE affirme que «
longtemps on a enseigné que, sauf obligation légale
précise, nul n'était tenu de renseigner son cocontractant
»17. En matière de cautionnement, on pourrait
déduire que le créancier ne doit donc aucune information à
la caution en dehors de celles que la loi lui impose, sauf si bien sûr le
contrat de cautionnement prévoit une information à la charge du
créancier.
D'ailleurs, cette limite de responsabilité
contractuelle est rappelée dans l'affaire opposant Mademoiselle Fadiga
NADIANI et la Bank of Africa Cote d'ivoire18. En l'espèce,
Mademoiselle Fadiga prétendait qu'en tant que caution elle était
la bénéficiaire d'une information annuelle que lui devait la
BOA-CI, mais dont celle-ci ne s'était point acquittée. Cependant,
le cautionnement de la demanderesse au pourvoi avait été
contracté en 1990, c'est-à-dire 8 ans avant l'entrée en
vigueur du premier acte uniforme portant organisation des sûretés
(AUS). De ce fait, ledit cautionnement n'était pas régi par les
dispositions de l'AUS, mais par celles du droit ivoirien. Aussi, aucune clause
du contrat de cautionnement ne stipulait une obligation d'information annuelle
à la charge de la BOA-CI et au bénéfice de mademoiselle
Fadiga NADIANI.
En outre, la demanderesse au pourvoi excipait d'une
information annuelle alors que ladite information à
périodicité annuelle n'existe pas en droit de l'OHADA, mais en
droit français.
À Mademoiselle Lolita HUPRELLE d'expliquer que «
le créancier doit être tenu d'une obligation d'informer la caution
pour que la non-délivrance de l'information soit fautive
»19.
La responsabilité contractuelle dans une
société libérale est donc réduite aux seules
obligations contractuelles et ledit individualisme isole alors les contractants
en les rendant seuls maîtres de leur destinée. En effet, chaque
contractant doit être responsable et faire preuve de vigilance.
17 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Op.
cit., idem.
18 CCJA, arrêt n° 29 du 15 juil. 2004 aff.
Fadiga NADIANI c/ BANK OF AFRICA Cote d'Ivoire; Ohadata J-04-387.
19 L. Huprelle, « La caution dirigeante
», Thèse Montpellier I, 2014, n° 130, p. 184.
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