L'obligation d'informer la caution durant l'exécution du contrat de cautionnement en droit de l'OHADApar Fabrice Essone Zang Université Africaine des Sciences de Libreville (UAS) - Master en droit des affaires 2017 |
MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT REPUBLIQUE GABONAISE UNION-TRAVAIL-JUSTICE Université Africaine des sciences U.A.S En vue de l'obtention du master droit des affaires MEMOIRE Sujet : L'obligation d'informer la caution durant
l'exécution du par : ESSONE ZANG Fabrice Présenté et soutenu publiquement Sous la direction de : Année universitaire : 2015-2016 DEDICACE À Mba Mvé Étienne REMERCIEMENTS Je tiens tout d'abord à remercier Monsieur LOUBA non seulement pour avoir dirigé mon travail, mais aussi pour ses conseils avisés et sa grande disponibilité. Ensuite, mes remerciements vont à l'Université Africaine des Sciences et à tout le corps enseignant, plus particulièrement aux enseignants de la filière de Droit qui m'ont tenu depuis la première année. Je tiens enfin à remercier tous les membres de ma famille et ma grande soeur Prisca en particulier. LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS AUS Acte uniforme portant organisation des sûretés Bull. Civ Bulletin civil CA Cour d'appel Cass. Civ Chambre civile de la Cour de cassation française Cass. Com Chambre commerciale de la Cour de cassation française CCJA Cour commune de justice et d'arbitrage CMF Code monétaire et financier français JCP Juris Classeur périodique OHADA Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires TGI ..Tribunal de grande instance 5 SOMMAIRE
Chapitre 2 : Les obligations d'information au profit de la caution : du droit français au droit de l'Afrique francophone 32 Deuxième partie : Le champ d'application des obligations d'information et réflexions sur les obligations de source extracontractuelle 54 Chapitre 1 : Le manque de précision de l'article 25 de l'Acte uniforme 55 Chapitre 2 : Réflexions sur les obligations d'information au profit de la caution 80 Conclusion .105 6 INTRODUCTIONL'organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) a été créée par la signature du Traité de Port-Louis du 17 octobre 1993 et comprend actuellement 17 pays d'Afrique francophone que sont le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la République Centrafricaine, les Comores, le Congo, la Côte d'Ivoire, le Gabon, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Guinée Équatoriale, le Mali, le Niger, la République démocratique du Congo, le Sénégal, le Tchad et le Togo. L'idée d'harmoniser le droit des affaires des pays de la zone franc vient du constat qu'au sortir des indépendances l'on remarque une stagnation de l'économie africaine due notamment d'une part à une insécurité juridique à cause d'une multitude de législations hétérogènes, disparates, imprécises et mal connues1. D'autre part, cette stagnation est due à une insécurité judiciaire causée par une dégradation de la façon dont est rendue la justice, tant en droit qu'en matière de déontologie, notamment en raison d'un manque de moyens matériels, d'une formation insuffisante des magistrats et des auxiliaires de justice2. Dans les faits, l'harmonisation des législations africaines est réalisée au moyen d'instruments nommés actes uniformes. Le droit de l'OHADA comprend donc une dizaine d'actes uniformes réglementant aussi bien le droit commercial, les sociétés commerciales que les sûretés. Rappelons que « les sûretés désignent les garanties que la convention des parties, la loi ou le juge peuvent accorder au créancier pour le prémunir contre le risque d'insolvabilité de son débiteur »3. En ce qui concerne la nécessité d'une réforme du droit des sûretés en Afrique francophone, P. CROCQ et son équipe font remarquer qu'avant la réforme de 1997, « hormis le Sénégal et le Mali qui avaient procédé à des réformes de leur droit des sûretés, tous les autres États membres de la zone franc connaissaient un droit des sûretés vieillissant de presque deux cents ans »4. Pourtant, les juristes signalent avec justesse que « le droit OHADA des sûretés, en tant 1 Anonyme, Présentation de l'OHADA, p. 2, fichier au format PDF disponible sur www.ohada.com/content/presentations/Presentation-OHADA.pdf 2 Ibid. 3 Ph. Simler, Ph. Delebecque, Droit civil, les sûretés, la publicité foncière, 6e éd., coll. Droit privé, Précis Dalloz, 2012, n° 1, P.1. 4 P. CROCQ, L. BLACK YONDO, M. BIZOUA-BI, O. FILLE LAMBIE, L-J. LAISNEY et A. MARCEAU-COTTE, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, la réforme du droit des sûretés de l'OHADA, Lamy, 2012, n° 3, p. 19. 7 qu'instrument indispensable à la mobilisation des ressources financières, doit nécessairement évoluer de manière ambitieuse et adaptée pour contribuer à rendre la zone OHADA économique attractive »5. Ainsi, l'acte uniforme portant organisation des sûretés (AUS ou AUOS) a été adopté le 17 avril 1997 à Cotonou (Bénin) et est rentré en vigueur le 1er janvier 1998 dans l'ensemble des pays membres. Une modification de l'AUS a été adoptée le 15 décembre 2010 à Lomé (Togo) et est rentrée en vigueur le 16 mai 2011. D'ailleurs, au cours des dix dernières années, la réforme du droit des sûretés n'est pas la seule observable dans le droit de l'OHADA étant donné que l'Acte uniforme relatif au droit commercial (AUDCG) a également été modifié le 15 décembre 2010. Plus récemment, ce sont les procédures collectives et le droit des sociétés commerciales qui ont fait l'objet de nouveaux actes uniformes respectivement le 10 septembre 2015 et le 30 janvier 2014. Tous ces changements témoignent du besoin d'adaptation du droit de l'OHADA aux normes internationales. En effet, à ce sujet P. CROCQ et son équipe affirment que « l'OHADA, de par son originalité institutionnelle et son rayonnement géographique, ne peut demeurer figée sur ses acquis et sourde aux appels du large ; néanmoins, elle ne doit pas se détacher de ses propres racines »6. En outre, le professeur P. CROCQ et son équipe vantent les mérites de l'uniformisation du droit des sûretés en Afrique francophone. Ainsi, selon eux, « il est communément admis que la création d'un droit uniforme des sûretés OHADA par l'adoption d'un Acte uniforme en date du 17 avril 1997 (AUS) a constitué en son temps un progrès considérable et significatif pour les économies des États membres »7. Notre étude porte essentiellement sur le cautionnement qui est une sûreté dont l'importance dans le monde des affaires n'est plus à démontrer. En effet, TROPLONG faisait déjà remarquer en son temps que « L'utilité du cautionnement le met en grande pratique dans les affaires civiles et commerciales ; il facilite les transactions et élargit le crédit ; il ouvre la 5Ibid., n° 2, p. 18. 6 P. CROCQ et al., op. cit., p. 17, n° 1. 7 Ibid., n° 3, p. 19. 8 carrière des affaires à des inconnus ; il favorise des établissements nouveaux et des entreprises utiles qui avorteraient »8. Nous comprenons d'ores et déjà l'importance du cautionnement dans le développement des petites et moyennes entreprises ainsi que celui des petites et moyennes industries dans les États membres de l'organisation africaine. Aussi, notre sujet a pour intitulé « L'obligation d'informer la caution durant l'exécution du contrat de cautionnement : analyse comparative entre le droit français et le droit de l'OHADA ». En procédant à la lecture du sujet, l'on relève d'emblée les termes « obligation », « informer », « caution », « contrat » et « cautionnement ». Arrivé à ce stade, il conviendrait de se poser la question de savoir non seulement ce qu'est une caution et par extension ce qu'est le cautionnement, mais aussi ce que l'on entend par obligation, par contrat ou par informer. Tout d'abord, le mot « obligation » renvoie au « lien de droit entre deux ou plusieurs personnes en vertu duquel l'une des parties, le créancier, peut contraindre l'autre, le débiteur, à exécuter une prestation »9. Ensuite, le dictionnaire Le Robert définit le mot « informer » comme étant le fait de « transmettre des connaissances, des renseignements à quelqu'un ». Puis, Marc MIGNOT définit le « cautionnement » comme étant « le contrat par lequel une personne, appelée caution, s'engage à l'égard d'un créancier à exécuter l'obligation de son débiteur au cas où celui-ci ne l'exécuterait pas lui-même »10. En outre, on entend par contrat, une « convention faisant naître une ou plusieurs obligations ou bien créant ou transférant un droit réel »11. Enfin, concernant l'expression « obligation d'information », Raymond GUILLIEN12 la définissait comme étant « un devoir légal pesant sur le professionnel, vendeur de biens ou prestataire de services, d'informer son partenaire sur les caractéristiques de la chose commercialisée ou de l'opération projetée au moyen, notamment de mentions informatives et 8 Troplong, Traité de droit civil (le droit civil expliqué suivant l'ordre du Code depuis et y compris le titre de la vente -- du cautionnement et des transactions), tome XIVe, éd. Paris, 1846, Charles Hingray, libraire-éditeur. 9 Raymond Guillien et al., Lexique des termes juridiques, 19e éd., Dalloz, 2012, p. 590. 10 Marc Mignot, droit des sûretés, coll. Cours, Montchrestien, éd. 2008, n° 70, p. 29. 11 Raymond Guillien et al., op. cit., p. 227. 12 Ibid., p. 593. 9 de documents annexes ». Dès lors, nous comprenons que si l'idée de l'obligation d'information de la caution prend racine dans l'obligation d'information en général, elle s'en distingue rapidement. En effet, l'obligation d'information de la caution que nous étudions n'est pas à confondre avec le devoir de mise en garde du banquier ou avec le devoir de conseil de celui-ci ou encore avec une obligation de renseignement puisque ceux-ci sont des informations précontractuelles alors que les informations faisant l'objet de notre travail sont communiquées à la caution durant la vie du cautionnement ou, en des termes plus juridiques, durant l'exécution du contrat de cautionnement. Ainsi, notre sujet traite alors du « lien de droit existant entre la caution et le créancier en vertu duquel la caution pourrait contraindre ledit créancier à lui transmettre des renseignements sur la situation financière du débiteur principal ». Une fois la phase définition terminée, ce qui nous frappe le plus, lorsque l'on prend la peine de comparer les dispositions françaises en matière d'obligations d'information avec les dispositions de l'OHADA, c'est la forte ressemblance entre elles. C'est à cause de ce constat qu'une analyse comparative s'est imposée d'autant plus que non seulement la France n'est constituée que d'un seul pays mis à part les territoires et domaines d'outre-mer (DOM-TOM) alors que l'OHADA est une organisation communautaire constituée de dix-sept pays, mais aussi parce que les réalités vécues en France ne sont pas les mêmes que celles vécues en Afrique. De quelle manière se caractérisent donc les obligations d'information durant l'exécution du contrat du cautionnement en droit français et en droit de l'OHADA ? Une telle question peut paraître banale, mais au vu de l'abondante jurisprudence de l'information de la caution en France (il y avait 1073 résultats pour les recherches intitulées « information de la caution » sur le site legifrance.gouv.fr au 2 février 2017), l'on ne saurait se demander si les dispositions de l'AUS ont également engendré un contentieux tout aussi important dans les pays membres de l'organisation africaine et à la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA). En effet, François-Xavier LICARI se fait le témoin d'un véritable phénomène en France : « Si l'information de la caution est aujourd'hui au centre de toutes les attentions, c'est qu'elle se trouve au croisement de deux questions fortement empreintes de politique et de philosophie 10 du droit : d'une part, celle de l'information et de la transparence, «regardées comme la panacée des tensions sociales», et, d'autre part, celle de la protection de la caution, véritable «mot d'ordre» législatif et prétorien de ces vingt-cinq dernières années ».13 Qu'en est-il en droit africain ? L'information de la caution en Afrique est-elle également « au centre de toutes les attentions » ? Loin de nous la prétention de vouloir faire un compte rendu sur l'information de la caution dans les 17 États membres de l'OHADA, nous n'en avons ni les moyens ni les compétences. En revanche, nous voulons cerner les caractéristiques des informations de la caution dans deux ordres juridiques différents d'autant plus que nos recherches nous ont permis de comprendre à quel point le fait de détenir une bonne information dans le monde des affaires pouvait s'avérer crucial. Nous relaterons une petite histoire afin d'illustrer nos propos : « Au lendemain de la bataille de Waterloo, le 20 juin 1815, Nathan Rothschild informé de la défaite napoléonienne bien avant les autorités grâce à son réseau d'espionnage et de courrier, se rend à la bourse de Londres et met en vente tous ses titres. Tous pensent alors que Napoléon est sorti victorieux du combat et chacun, gagné par la panique, suit l'exemple de Rothschild. Au bout de quelques heures, la valeur des actions tombe à 5 cents, c'est alors que Nathan les rachète pour une bouchée de pain... En une nuit, la fortune déjà gigantesque des Rothschild est multipliée par vingt, et obtient de fait le contrôle de l'économie anglaise : c'est un fameux «coup de bourse» ! Ensuite, en 1818 grâce à des agents et à ses réserves «illimitées», il achète une énorme quantité d'obligations du gouvernement français. Ensuite il inonde le marché libre des principales places commerciales d'Europe d'obligation française, ce qui provoque une panique. À Paris, la maison Rothschild s'empare ainsi du contrôle de la France et de ses finances, et à Londres, Nathan Rothschild en contrôlant la «Banque d'Angleterre», exerce une influence directe sur le Parlement britannique »14. 13 F-X. Licari, « Charge de la preuve de l'exécution de l'obligation d'information qui incombe à l'établissement de crédit », JCP G 2002, II 10043. 14 Robert Gil, le fameux « coup de bourse » de Nathan Mayer Rothschild, publié le samedi 25 juin 2011, disponible sur le site http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/le-fameux-coup-de-bourse-de-nathan-96544 , [consulté le 2 février 2017] 11 Au vu de ce qui précède, l'on peut conclure que l'information financière n'est donc pas une banalité, car elle peut causer des préjudices considérables à ceux contre lesquels elle est utilisée. Si Rothschild a pu duper des milliers de personnes grâce à une simple information, le créancier ne pourrait-il pas abuser de la caution en conservant pour lui seul une information capitale ? La réponse est évidemment positive. Afin de mener à bien notre étude, nous tenterons de nous interroger sur quelques critères de distinction ou de ressemblance entre le droit français et le droit de l'OHADA en ce qui concerne les informations obligatoires. Toutefois, il convient de signaler que notre travail comporte très peu de documentations africaines sur le sujet en dépit des efforts fournis avec les maigres ressources dont nous disposions. En effet, les obligations d'information ayant pour bénéficiaire les cautions ne semblent pas intéresser grand monde en Afrique où certains les perçoivent davantage comme une gêne15. Donc, nous verrons tout d'abord des généralités sur les obligations d'information de la caution (Première partie). Puis, d'une part, nous aborderons le champ d'application desdites obligations d'information et d'autre part nous nous interrogerons sur la véritable nature des obligations extracontractuelles (Deuxième partie). 15 Nkou Mvondo Prosper, L'information de la caution dans le nouveau droit des sûretés des États africains, Ohadata D-06-33, p. 29, n 69, fichier au format PDF disponible sur ohada.com ; « la caution bénéficiaire de l'obligation d'information peut-elle y renoncer ? » 12 Première partie : Généralités sur les obligations d'information de la caution Tout d'abord, nous verrons les différents fondements sur lesquels reposent les obligations d'informer le cocontractant qu'est la caution (Chapitre 1). Ensuite, nous ferons une analyse comparative entre le droit de l'OHADA et le droit français afin de mieux comprendre non seulement l'origine, mais aussi la pertinence des informations extracontractuelles imposées par le législateur africain (Chapitre 2). 13 |
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