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Les enjeux politiques et sociétaux de l'étude de la guerre dans l'enseignement et les programmes du secondaire


par Anissa LAICHI
Université de Grenoble Alpes  - Master 2 MEEF 2021
  

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1. Dispositif expérimental de l'étude de la Résistance et de la figure du résistant durant la Seconde Guerre mondiale.

1.1. Objectifs et attendus de ce dispositif.

L'étude de la Résistance et de la figure du résistant dans le cadre de l'enseignement de la Seconde Guerre mondiale témoigne de la « commande » politique dans les programmes d'histoire. En effet, comme nous l'avons abordé en première partie (I/ Etat de l'art), les pouvoirs et débats politiques influencent la mise en oeuvre de l'enseignement de la guerre en histoire. Alors que le mythe résistancialiste a prévalu pendant longtemps dans les mentalités et dans les discours politiques, celui-ci a été revu grâce aux avancées historiographiques et politiques. Ce dispositif illustre l'influence du politique dans les programmes d'histoire. En effet, l'objectif premier de ce dispositif est de construire un enseignement qui prenne en compte ces évolutions historiographiques et politique et donc de déconstruire le mythe résistancialiste car bien qu'il ait été la pensée dominante dans les années 1960, il persiste aujourd'hui encore une représentation selon laquelle une part importante des Français ont résisté, parmi les élèves.

Cet objectif vise donc à déconstruire l'idée d'un engagement unanime des Français dans le conflit qui les oppose aux Allemands nazis. Pour se faire, ce dispositif tend à analyser la diversité des situations parmi les civils et les militaires français durant la Seconde Guerre mondiale. Cette analyse s'appuie sur une série d'interrogations qui portent notamment sur l'inégale répartition de l'engagement des Français, mais aussi sur la diversité des postures prises dans le contexte du conflit mondial.

Les attendus de ce dispositif sont multiples. En effet, il permettrait de questionner la notion de collaboration durant la Seconde Guerre mondiale. Cette dimension du conflit mondial pourrait susciter de vives réactions notamment d'incompréhension, de surprise, ou au contraire du soutien ou de la compréhensibilité. Comme évoqué précédemment, c'est justement ces réactions qui sont à évaluer et à interroger.

Enfin, cet objectif de déconstruction du mythe résistancialiste induit tout de même l'étude de la figure du résistant. De ce fait, ce dispositif permet une analyse croisée avec l'enseignement morale et civique (EMC) au cours de laquelle il s'agit de questionner la nécessaire rébellion ou non contre un pouvoir politique jugé illégitime. En effet, l'enseignement de la Seconde Guerre mondiale à travers la figure du résistant permet en

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outre d'aborder les notions de liberté, d'expression, d'opinion politique qui renvoient ainsi à l'étude des fondements de la Résistance.

Ensuite, le deuxième objectif de ce dispositif sera d'illustrer la portée politique de l'enseignement de la guerre à travers l'étude de la figure du résistant français comme permettant la construction de l'identité de l'élève en tant que français, ainsi que de son rapport à la nation française. En effet, la mise en oeuvre de ce dispositif répond à une finalité civique visant à construire une culture historique, basée sur des faits de Résistance durant la Seconde Guerre mondiale, qui est donc en lien avec l'histoire de la nation française.

Afin d'atteindre cet objectif, ce dispositif vise à étudier la Résistance et les résistants comme des Français et des Françaises qui se sont engagés dans une guerre pour leur pays, la France. De cette manière, le dispositif a pour objectif de faire comprendre les valeurs démocratiques et républicaines aux élèves. De ce fait, le dispositif est le moyen d'interroger le rapport que les élèves ont avec la nation française, et notamment le rapport à l'engagement dans la guerre pour la nation française. De cette manière, le dispositif permet de mesurer ce rapport à travers l'analyse des réactions qu'il suscite ; de l'indifférence, de la fierté, ou de l'antipathie. Les sentiments et l'expression des élèves qui découlent de ce dispositif permettent ainsi de soulever des questions d'actualité. En effet, dans l'hypothèse que ce dispositif soit réalisé en classe réelle, le rapport à la nation et à l'identité française est particulièrement incertain et délaissé. Comme je l'ai précisé précédemment, le collège Olympique est caractérisé par une forte homogénéité des élèves d'un point de vue des résultats scolaires. Ces derniers sont, en majorité, des enfants issus de l'immigration notamment maghrébine et africaine. L'objectif de ce dispositif serait donc d'une part d'interroger l'existence d'un sentiment d'appartenance à une nation ou pas à travers l'étude des motivations républicaines d'un résistant français que nous allons mesurer grâce à un questionnaire effectué en début et fin de séance. Il est attendu que cette dimension du dispositif se solde par des débats.

Enfin, l'objectif final de ce dispositif est de montrer que l'enseignement de la guerre, plus précisément de la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale, a une portée sociétale et notamment civique. En effet, la mise en oeuvre de ce dispositif a pour finalités la formation du citoyen et l'enseignement et la diffusion des valeurs démocratiques. Ces finalités sont en lien avec l'objectif précédemment abordé (l'appropriation des valeurs démocratiques et républicaines). L'objectif est donc d'étudier la notion d' « engagement » et notamment d'engagement auprès des valeurs démocratiques dans un contexte de guerre.

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1.2. Organisation de ce dispositif.

Ainsi, ce dispositif visant à atteindre les objectifs s'étend sur trois séances.

Pour atteindre le premier objectif annoncé, nous allons détailler l'organisation de la première séance. Celle-ci s'inscrit en Histoire et notamment au cours du thème 1 intitulé « L'Europe, un théâtre majeur des guerres totales (1914 - 1945) » avec le chapitre 4 « La France défaite et occupée. Régime de Vichy, collaboration. Résistance ». Il est a noté que les élèves auront acquis des bases notamment en classe de CM2 lors du thème 2 intitulé « La France, des guerres mondiales à l'Union européenne » au cours duquel ils auront abordé les bases de la Seconde Guerre mondiale et notamment l'occupation allemande.

Cette séance s'appuie sur une activité principale qui permet de parvenir à l'idée que tous les individus ont une opinion différente sous le régime de Vichy (résistance, collaboration). Cette activité permet en outre d'interroger la diversité des actions et des postures en temps de guerre.

Cette activité principale permet de travailler un certain nombre de compétences telles que se repérer dans le temps : construire des repères historiques et notamment situer et ordonner des faits historiques chronologiquement et ce à travers l'appréhension de la durée du régime de Vichy ; raisonner, justifier une démarche et les choix effectués notamment se questionner sur la prise de position dans le contexte politique du régime de Vichy, mais également argumenter et justifier des éléments de réponse; analyser et comprendre un document notamment comprendre le sens général d'un document et extraire des informations pertinentes avec l'étude sur corpus documentaire mais également exercer son esprit critique avec l'analyse d'affiches de propagande ; et enfin coopérer et mutualiser dans le cadre de l'activité qui se fait en groupe.

Ce dispositif est mis en place dans le cadre d'une séance qui succède une heure de mise en contexte chronologique de la Seconde Guerre mondiale et de l'instauration du régime de Vichy, ce qui aura permis d'aborder certaines notions fondamentales pour la compréhension des documents telles que collaboration, résistance, régime de Vichy. La séance dure 2 heures ; les 15 premières minutes sont le moment de réponse des élèves à un premier sondage dont la question est « selon vous, à combien s'élève le pourcentage de la population française étant résistante ? ». Nous n'attendons pas une réponse scientifique, mais celle-ci reflètera les représentations des élèves vis-à-vis de la Résistance. Le professeur ramasse les sondages et met en activité les élèves individuellement pendant 45 minutes. Cette première activité consiste à

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répondre à des questions sur un corpus de documents portant sur la Résistance56. Au cours de l'activité, le professeur accompagne les élèves et leur apporte des éléments de compréhension si nécessaire. Puis, une correction collective permet de faire participer les élèves qui proposent des éléments de réponse aux questions sur le corpus de documents. Cette correction, dont les élèves prennent notes, souligne les motivations des résistants ainsi que leurs actions tout en concluant que les résistants ne concernaient pas tous les Français et que leur lutte ne faisait pas l'unanimité parmi les Français.

Le professeur annonce ensuite le passage à la deuxième activité qui dure également 45 minutes. Celle-ci consiste également à étudier un corpus de documents mais par groupe de 3 élèves57. Ce deuxième corpus de documents porte sur la collaboration durant le régime de Vichy. Les élèves doivent donc, en groupe, répondre à des questions sur ce corpus de documents. Le professeur insiste cette fois-ci sur la nécessité de rédiger des phrase et de justifier leurs réponses en citant les documents. A la fin de l'activité, le professeur annonce le passage à la correction collective qui s'appuie sur des réponses synthétiques des élèves à l'oral. En effet, le professeur pose la question suivante à l'oral « avec les réponses aux questions portant sur le corpus documentaire, peut-on affirmer que tous les Français sont résistants ? Pourquoi ? ». Ainsi, les élèves sont interrogés et doivent apporter une réponse synthétique à cette question qui puisse rassembler les éléments de réponses aux questions du corpus documentaire.

Enfin, après la correction collective dont les élèves ont pris notes, un second sondage est distribué aux élèves et est formulé ainsi « selon vous, à combien s'élève le pourcentage de la population française étant résistante ? Aussi, à combien s'élève le pourcentage de la population française ayant collaboré durant le régime de Vichy ? Enfin, est-ce que les activités que nous avons faites ont permis de changer d'avis par rapport au premier sondage ? ». En effet, c'est l'analyse de ces deux sondages qui permet de vérifier si l'objectif du dispositif est atteint.

Pour rappel, l'objectif de ce dispositif expérimental était de déconstruire l'idée d'une France unanime dans la lutte contre l'occupation allemande, ainsi que de démontrer qu'il y ait eu plusieurs postures durant le régime de Vichy. On attend du premier sondage que la majorité des élèves estime le pourcentage de la population française résistante à plus de 30 - 40%. En effet, avant de réaliser ce sondage en classe, j'ai effectué un sondage oral dans mon entourage qui m'a permis de m'attendre à ce que les élèves soient éloignés de la réalité des chiffres

56 Voir Annexe 1.

57 Voir Annexe 2.

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officiels de la Résistance (environ 2% de la population). Pour autant, en réalisant ce sondage, le professeur s'attend également à ce qu'une part minime des élèves puisse évaluer correctement la part de la population française résistante.

C'est le second sondage effectué en fin de séance qui permet de vérifier si l'objectif de ce dispositif est atteint ou non puisqu'on attend à ce que les élèves aient réalisé que les Français n'ont pas tous été résistants, mais qu'en plus certains ont collaboré avec le régime de Vichy. Ceci s'illustre à travers l'écart de pourcentage estimé entre le premier sondage et le second. Dans l'hypothèse où l'objectif est atteint, l'élève aurait surévalué le pourcentage de population résistante dans le premier sondage puis aurait rectifié cette estimation dans le second sondage en abaissant ce taux de pourcentage et en prenant en compte davantage l'hypothèse que les Français aient pu collaborer (ceci se manifestant par le pourcentage important attribué aux Français ayant collaboré). Ainsi, plus l'écart entre le sondage n°1 et le sondage n°2 est important, plus ce dispositif a participé à la remise en cause des représentation de l'élève. A l'inverse, le professeur prévoit également l'hypothèse qu'il y ait un faible écart pour certains élèves, notamment ceux qui auraient saisi la faible proportion des résistants français parmi la population française. Dans ce cas-là, peu probable, ce dispositif participe tout de même à une évolution des représentations puisqu'il vise également à rendre compte de la part importante des Français ayant collaboré avec la régime de Vichy.

Le dispositif se poursuit avec la mise en oeuvre d'une deuxième séance (séance n°2) qui vise à atteindre les deux derniers objectifs énoncés (n°2 et 3). Cette séance s'inscrit également dans le thème 1 « L'Europe, un théâtre majeur des guerres totales (1914 - 1945) et le chapitre 4 « La France défaite et occupée. Régime de Vichy. Collaboration. Résistance ». Cette séance est également en lien avec l'enseignement moral et civique (EMC). En effet, ce lien permet ainsi de travailler deux finalités principales de la classe de 3e qui sont « acquérir et partager les valeurs de la République » et « construire une culture civique ».

Le mise en oeuvre de ce dispositif à travers cette séance permet d'interroger les élèves sur leur rapport à la nation et aux valeurs républicaines. On rappelle que ce dispositif est construit pour être réalisé avec une classe de 3e du collège Olympique dans la banlieue grenobloise. Comme évoqué précédemment, c'est une classe qui est particulièrement homogène d'une part de par la faible mixité culturelle puisque la majorité des élèves est d'origine étrangère et de par leur niveau scolaire. Après observation de cette classe de 3ème , il en résulte que certains élèves sont réfractaires aux valeurs démocratiques. Ainsi, avec la mise en oeuvre de ce dispositif, il s'agit de faire comprendre aux élèves que la Résistance est le

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résultat d'un sentiment patriotique et républicain, que cette lutte s'est déployée dans le cadre d'un engagement de la part des résistants, et enfin que cet engagement s'est traduit par des actions communes et non individuelles.

Cette séance est construite à partir de deux activités principales qui permettent ainsi de travailler certaines compétences telles que raisonner, justifier une démarche et les choix effectués notamment argumenter et apporter des éléments de connaissances dans une argumentation ; analyser et comprendre un document notamment comprendre le sens général d'un document et exercer son esprit critique comme c'est le cas avec des documents qui véhiculent un discours politique ; enfin pratiquer différents langages en histoire notamment pratiquer l'oral dans le cadre d'une présentation orale au tableau.

Cette séance dure 2 heures. La séance débute par un bref questionnaire distribué aux élèves. Sur ce questionnaire figurent deux questions « Selon vous, qu'est-ce que sont les valeurs républicaines et démocratiques ? » et « Selon vous, en quoi sont-elles importantes ? ». La réponse à ce questionnaire ne dure que 10 minutes. On s'attend à ce qu'une majorité des élèves peinent à définir les valeurs républicaines et démocratiques mais surtout à définir leur importance dans notre société. Ensuite, les trois premiers quarts d'heure sont consacrés à un temps collectif à l'oral entre les élèves et le professeur au cours duquel celui-ci projette deux documents qui renvoient à l'appel du 18 juin 1940 du général Charles de Gaulle58. Il s'agit de présenter et discuter de ces documents en vue de faire émerger les idées d'un appel à la cohésion française face à l'ennemi allemand et d'un appel à la lutte pour les valeurs républicaines et démocratiques. Après avoir discuté de ces éléments, que le professeur a pris soin de noter au tableau, il recueille les réactions des élèves vis-à-vis de cet appel du général de Gaulle et notamment vis-à-vis de l'engagement pour les valeurs républicaines et démocratiques. Parmi ces réactions, il serait probable que certains ne comprennent pas cet engagement ce qui traduirait ainsi une distance vis-à-vis des idées républicaines. Aussi, il discute avec les élèves de la forme de la lutte que peut prendre la résistance (doit-elle être armée ou non ?). Dans le cadre du lien établi avec l'enseignement moral et civique (EMC), le professeur fait une synthèse des idées de ce premier temps collectif et aborde la notion de l'engagement. D'ailleurs, cette notion est centrale dans l'enjeu de la classe de 3e qui est de former les élèves à être des citoyens français engagés. Le professeur poursuit son propos en concluant que pour être intégrés dans la société et ainsi agir, les élèves doivent disposer d'une culture commune qui leur permet de se

58 Voir Annexe 3.

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repérer et de comprendre la société française. De fait, le professeur passe au deuxième temps de cette séance qui vise justement à travailler la notion de l'engagement auprès de valeurs républicaines et démocratiques.

Dans ce deuxième temps qui durera également trois quarts d'heure, le professeur distribue un corpus documentaire aux élèves59. Les élèves présentent les documents et interrogent le professeur sur d'éventuelles incompréhensions. La présentation et la lecture communes des documents permet de faire émerger les idées principales de ce corpus documentaire telles que l'engagement des résistants au nom de valeurs républicaines, le caractère communautaire des luttes, mais également les différentes formes que prennent ces luttes.

La consigne adressée aux élèves est la suivante : à partir de ces documents et de ce qui figure au tableau (les idées soulevées du premier temps) , construisez un schéma heuristique avec pour notion centrale « la lutte contre l'occupation allemande durant la Seconde Guerre mondiale ». Les élèves s'aideront également des termes écrits au tableau par le professeur.

Enfin, il reste quinze minutes avant que la séance se termine durant lesquelles les élèves restituent au professeur leur schéma heuristique. Ensuite, les élèves répondent à un deuxième questionnaire réalisé par le professeur. En effet, celui-ci vise à confirmer ou infirmer si l'objectif est atteint après la mise en oeuvre de ce dispositif. Ce questionnaire interroge les élèves quant à leur potentiel compréhension des valeurs républicaines et démocratiques. Sur ce questionnaire figurent les questions suivantes « Pour quels motifs les résistants luttaient ? Pourquoi ? Comment les résistants luttaient ? », « Trouvez-vous cette lutte légitime ? » et enfin « est-ce que cette séance a permis de comprendre l'importance des valeurs républicaines et démocratiques ? ». En effet, c'est en comparant les réponses du premier questionnaire avec les réponses du deuxième questionnaire que l'on vérifiera si l'objectif de cette expérience est atteint ou non. Cette expérience avait pour but de montrer que l'étude de la Résistance permet d'apprendre et de comprendre les valeurs républicaines et démocratiques. On attend des élèves une réponse plus développée dans le deuxième questionnaire ce qui traduirait ainsi de la réussite de cette expérience.

59 Voir Annexe 4.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe