1. Dispositif expérimental de l'étude de
la Résistance et de la figure du résistant durant la Seconde
Guerre mondiale.
1.1. Objectifs et attendus de ce dispositif.
L'étude de la Résistance et de la figure du
résistant dans le cadre de l'enseignement de la Seconde Guerre mondiale
témoigne de la « commande » politique dans les programmes
d'histoire. En effet, comme nous l'avons abordé en première
partie (I/ Etat de l'art), les pouvoirs et débats politiques influencent
la mise en oeuvre de l'enseignement de la guerre en histoire. Alors que le
mythe résistancialiste a prévalu pendant longtemps dans les
mentalités et dans les discours politiques, celui-ci a été
revu grâce aux avancées historiographiques et politiques. Ce
dispositif illustre l'influence du politique dans les programmes d'histoire. En
effet, l'objectif premier de ce dispositif est de construire un enseignement
qui prenne en compte ces évolutions historiographiques et politique et
donc de déconstruire le mythe résistancialiste car bien qu'il ait
été la pensée dominante dans les années 1960, il
persiste aujourd'hui encore une représentation selon laquelle une part
importante des Français ont résisté, parmi les
élèves.
Cet objectif vise donc à déconstruire
l'idée d'un engagement unanime des Français dans le conflit qui
les oppose aux Allemands nazis. Pour se faire, ce dispositif tend à
analyser la diversité des situations parmi les civils et les militaires
français durant la Seconde Guerre mondiale. Cette analyse s'appuie sur
une série d'interrogations qui portent notamment sur l'inégale
répartition de l'engagement des Français, mais aussi sur la
diversité des postures prises dans le contexte du conflit mondial.
Les attendus de ce dispositif sont multiples. En effet, il
permettrait de questionner la notion de collaboration durant la Seconde Guerre
mondiale. Cette dimension du conflit mondial pourrait susciter de vives
réactions notamment d'incompréhension, de surprise, ou au
contraire du soutien ou de la compréhensibilité. Comme
évoqué précédemment, c'est justement ces
réactions qui sont à évaluer et à interroger.
Enfin, cet objectif de déconstruction du mythe
résistancialiste induit tout de même l'étude de la figure
du résistant. De ce fait, ce dispositif permet une analyse
croisée avec l'enseignement morale et civique (EMC) au cours de laquelle
il s'agit de questionner la nécessaire rébellion ou non contre un
pouvoir politique jugé illégitime. En effet, l'enseignement de la
Seconde Guerre mondiale à travers la figure du résistant permet
en
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outre d'aborder les notions de liberté, d'expression,
d'opinion politique qui renvoient ainsi à l'étude des fondements
de la Résistance.
Ensuite, le deuxième objectif de ce dispositif sera
d'illustrer la portée politique de l'enseignement de la guerre à
travers l'étude de la figure du résistant français comme
permettant la construction de l'identité de l'élève en
tant que français, ainsi que de son rapport à la nation
française. En effet, la mise en oeuvre de ce dispositif répond
à une finalité civique visant à construire une culture
historique, basée sur des faits de Résistance durant la Seconde
Guerre mondiale, qui est donc en lien avec l'histoire de la nation
française.
Afin d'atteindre cet objectif, ce dispositif vise à
étudier la Résistance et les résistants comme des
Français et des Françaises qui se sont engagés dans une
guerre pour leur pays, la France. De cette manière, le dispositif a pour
objectif de faire comprendre les valeurs démocratiques et
républicaines aux élèves. De ce fait, le dispositif est le
moyen d'interroger le rapport que les élèves ont avec la nation
française, et notamment le rapport à l'engagement dans la guerre
pour la nation française. De cette manière, le dispositif permet
de mesurer ce rapport à travers l'analyse des réactions qu'il
suscite ; de l'indifférence, de la fierté, ou de l'antipathie.
Les sentiments et l'expression des élèves qui découlent de
ce dispositif permettent ainsi de soulever des questions d'actualité. En
effet, dans l'hypothèse que ce dispositif soit réalisé en
classe réelle, le rapport à la nation et à
l'identité française est particulièrement incertain et
délaissé. Comme je l'ai précisé
précédemment, le collège Olympique est
caractérisé par une forte homogénéité des
élèves d'un point de vue des résultats scolaires. Ces
derniers sont, en majorité, des enfants issus de l'immigration notamment
maghrébine et africaine. L'objectif de ce dispositif serait donc d'une
part d'interroger l'existence d'un sentiment d'appartenance à une nation
ou pas à travers l'étude des motivations républicaines
d'un résistant français que nous allons mesurer grâce
à un questionnaire effectué en début et fin de
séance. Il est attendu que cette dimension du dispositif se solde par
des débats.
Enfin, l'objectif final de ce dispositif est de montrer que
l'enseignement de la guerre, plus précisément de la
Résistance durant la Seconde Guerre mondiale, a une portée
sociétale et notamment civique. En effet, la mise en oeuvre de ce
dispositif a pour finalités la formation du citoyen et l'enseignement et
la diffusion des valeurs démocratiques. Ces finalités sont en
lien avec l'objectif précédemment abordé (l'appropriation
des valeurs démocratiques et républicaines). L'objectif est donc
d'étudier la notion d' « engagement » et notamment
d'engagement auprès des valeurs démocratiques dans un contexte de
guerre.
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1.2. Organisation de ce dispositif.
Ainsi, ce dispositif visant à atteindre les objectifs
s'étend sur trois séances.
Pour atteindre le premier objectif annoncé, nous allons
détailler l'organisation de la première séance. Celle-ci
s'inscrit en Histoire et notamment au cours du thème 1 intitulé
« L'Europe, un théâtre majeur des guerres totales (1914 -
1945) » avec le chapitre 4 « La France défaite et
occupée. Régime de Vichy, collaboration. Résistance
». Il est a noté que les élèves auront acquis des
bases notamment en classe de CM2 lors du thème 2 intitulé «
La France, des guerres mondiales à l'Union européenne » au
cours duquel ils auront abordé les bases de la Seconde Guerre mondiale
et notamment l'occupation allemande.
Cette séance s'appuie sur une activité
principale qui permet de parvenir à l'idée que tous les individus
ont une opinion différente sous le régime de Vichy
(résistance, collaboration). Cette activité permet en outre
d'interroger la diversité des actions et des postures en temps de
guerre.
Cette activité principale permet de travailler un
certain nombre de compétences telles que se repérer dans le temps
: construire des repères historiques et notamment situer et ordonner des
faits historiques chronologiquement et ce à travers
l'appréhension de la durée du régime de Vichy ; raisonner,
justifier une démarche et les choix effectués notamment se
questionner sur la prise de position dans le contexte politique du
régime de Vichy, mais également argumenter et justifier des
éléments de réponse; analyser et comprendre un document
notamment comprendre le sens général d'un document et extraire
des informations pertinentes avec l'étude sur corpus documentaire mais
également exercer son esprit critique avec l'analyse d'affiches de
propagande ; et enfin coopérer et mutualiser dans le cadre de
l'activité qui se fait en groupe.
Ce dispositif est mis en place dans le cadre d'une
séance qui succède une heure de mise en contexte chronologique de
la Seconde Guerre mondiale et de l'instauration du régime de Vichy, ce
qui aura permis d'aborder certaines notions fondamentales pour la
compréhension des documents telles que collaboration, résistance,
régime de Vichy. La séance dure 2 heures ; les 15
premières minutes sont le moment de réponse des
élèves à un premier sondage dont la question est «
selon vous, à combien s'élève le pourcentage de la
population française étant résistante ? ». Nous
n'attendons pas une réponse scientifique, mais celle-ci reflètera
les représentations des élèves vis-à-vis de la
Résistance. Le professeur ramasse les sondages et met en activité
les élèves individuellement pendant 45 minutes. Cette
première activité consiste à
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répondre à des questions sur un corpus de
documents portant sur la Résistance56. Au cours de
l'activité, le professeur accompagne les élèves et leur
apporte des éléments de compréhension si
nécessaire. Puis, une correction collective permet de faire participer
les élèves qui proposent des éléments de
réponse aux questions sur le corpus de documents. Cette correction, dont
les élèves prennent notes, souligne les motivations des
résistants ainsi que leurs actions tout en concluant que les
résistants ne concernaient pas tous les Français et que leur
lutte ne faisait pas l'unanimité parmi les Français.
Le professeur annonce ensuite le passage à la
deuxième activité qui dure également 45 minutes. Celle-ci
consiste également à étudier un corpus de documents mais
par groupe de 3 élèves57. Ce deuxième corpus de
documents porte sur la collaboration durant le régime de Vichy. Les
élèves doivent donc, en groupe, répondre à des
questions sur ce corpus de documents. Le professeur insiste cette fois-ci sur
la nécessité de rédiger des phrase et de justifier leurs
réponses en citant les documents. A la fin de l'activité, le
professeur annonce le passage à la correction collective qui s'appuie
sur des réponses synthétiques des élèves à
l'oral. En effet, le professeur pose la question suivante à l'oral
« avec les réponses aux questions portant sur le corpus
documentaire, peut-on affirmer que tous les Français sont
résistants ? Pourquoi ? ». Ainsi, les élèves sont
interrogés et doivent apporter une réponse synthétique
à cette question qui puisse rassembler les éléments de
réponses aux questions du corpus documentaire.
Enfin, après la correction collective dont les
élèves ont pris notes, un second sondage est distribué aux
élèves et est formulé ainsi « selon vous, à
combien s'élève le pourcentage de la population française
étant résistante ? Aussi, à combien s'élève
le pourcentage de la population française ayant collaboré durant
le régime de Vichy ? Enfin, est-ce que les activités que nous
avons faites ont permis de changer d'avis par rapport au premier sondage ?
». En effet, c'est l'analyse de ces deux sondages qui permet de
vérifier si l'objectif du dispositif est atteint.
Pour rappel, l'objectif de ce dispositif expérimental
était de déconstruire l'idée d'une France unanime dans la
lutte contre l'occupation allemande, ainsi que de démontrer qu'il y ait
eu plusieurs postures durant le régime de Vichy. On attend du premier
sondage que la majorité des élèves estime le pourcentage
de la population française résistante à plus de 30 - 40%.
En effet, avant de réaliser ce sondage en classe, j'ai effectué
un sondage oral dans mon entourage qui m'a permis de m'attendre à ce que
les élèves soient éloignés de la
réalité des chiffres
56 Voir Annexe 1.
57 Voir Annexe 2.
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officiels de la Résistance (environ 2% de la
population). Pour autant, en réalisant ce sondage, le professeur
s'attend également à ce qu'une part minime des
élèves puisse évaluer correctement la part de la
population française résistante.
C'est le second sondage effectué en fin de
séance qui permet de vérifier si l'objectif de ce dispositif est
atteint ou non puisqu'on attend à ce que les élèves aient
réalisé que les Français n'ont pas tous été
résistants, mais qu'en plus certains ont collaboré avec le
régime de Vichy. Ceci s'illustre à travers l'écart de
pourcentage estimé entre le premier sondage et le second. Dans
l'hypothèse où l'objectif est atteint, l'élève
aurait surévalué le pourcentage de population résistante
dans le premier sondage puis aurait rectifié cette estimation dans le
second sondage en abaissant ce taux de pourcentage et en prenant en compte
davantage l'hypothèse que les Français aient pu collaborer (ceci
se manifestant par le pourcentage important attribué aux Français
ayant collaboré). Ainsi, plus l'écart entre le sondage n°1
et le sondage n°2 est important, plus ce dispositif a participé
à la remise en cause des représentation de l'élève.
A l'inverse, le professeur prévoit également l'hypothèse
qu'il y ait un faible écart pour certains élèves,
notamment ceux qui auraient saisi la faible proportion des résistants
français parmi la population française. Dans ce cas-là,
peu probable, ce dispositif participe tout de même à une
évolution des représentations puisqu'il vise également
à rendre compte de la part importante des Français ayant
collaboré avec la régime de Vichy.
Le dispositif se poursuit avec la mise en oeuvre d'une
deuxième séance (séance n°2) qui vise à
atteindre les deux derniers objectifs énoncés (n°2 et 3).
Cette séance s'inscrit également dans le thème 1 «
L'Europe, un théâtre majeur des guerres totales (1914 - 1945) et
le chapitre 4 « La France défaite et occupée. Régime
de Vichy. Collaboration. Résistance ». Cette séance est
également en lien avec l'enseignement moral et civique (EMC). En effet,
ce lien permet ainsi de travailler deux finalités principales de la
classe de 3e qui sont « acquérir et partager les valeurs
de la République » et « construire une culture civique
».
Le mise en oeuvre de ce dispositif à travers cette
séance permet d'interroger les élèves sur leur rapport
à la nation et aux valeurs républicaines. On rappelle que ce
dispositif est construit pour être réalisé avec une classe
de 3e du collège Olympique dans la banlieue grenobloise.
Comme évoqué précédemment, c'est une classe qui est
particulièrement homogène d'une part de par la faible
mixité culturelle puisque la majorité des élèves
est d'origine étrangère et de par leur niveau scolaire.
Après observation de cette classe de 3ème , il en
résulte que certains élèves sont réfractaires aux
valeurs démocratiques. Ainsi, avec la mise en oeuvre de ce dispositif,
il s'agit de faire comprendre aux élèves que la Résistance
est le
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résultat d'un sentiment patriotique et
républicain, que cette lutte s'est déployée dans le cadre
d'un engagement de la part des résistants, et enfin que cet engagement
s'est traduit par des actions communes et non individuelles.
Cette séance est construite à partir de deux
activités principales qui permettent ainsi de travailler certaines
compétences telles que raisonner, justifier une démarche et les
choix effectués notamment argumenter et apporter des
éléments de connaissances dans une argumentation ; analyser et
comprendre un document notamment comprendre le sens général d'un
document et exercer son esprit critique comme c'est le cas avec des documents
qui véhiculent un discours politique ; enfin pratiquer différents
langages en histoire notamment pratiquer l'oral dans le cadre d'une
présentation orale au tableau.
Cette séance dure 2 heures. La séance
débute par un bref questionnaire distribué aux
élèves. Sur ce questionnaire figurent deux questions « Selon
vous, qu'est-ce que sont les valeurs républicaines et
démocratiques ? » et « Selon vous, en quoi sont-elles
importantes ? ». La réponse à ce questionnaire ne dure que
10 minutes. On s'attend à ce qu'une majorité des
élèves peinent à définir les valeurs
républicaines et démocratiques mais surtout à
définir leur importance dans notre société. Ensuite, les
trois premiers quarts d'heure sont consacrés à un temps collectif
à l'oral entre les élèves et le professeur au cours duquel
celui-ci projette deux documents qui renvoient à l'appel du 18 juin 1940
du général Charles de Gaulle58. Il s'agit de
présenter et discuter de ces documents en vue de faire émerger
les idées d'un appel à la cohésion française face
à l'ennemi allemand et d'un appel à la lutte pour les valeurs
républicaines et démocratiques. Après avoir discuté
de ces éléments, que le professeur a pris soin de noter au
tableau, il recueille les réactions des élèves
vis-à-vis de cet appel du général de Gaulle et notamment
vis-à-vis de l'engagement pour les valeurs républicaines et
démocratiques. Parmi ces réactions, il serait probable que
certains ne comprennent pas cet engagement ce qui traduirait ainsi une distance
vis-à-vis des idées républicaines. Aussi, il discute avec
les élèves de la forme de la lutte que peut prendre la
résistance (doit-elle être armée ou non ?). Dans le cadre
du lien établi avec l'enseignement moral et civique (EMC), le professeur
fait une synthèse des idées de ce premier temps collectif et
aborde la notion de l'engagement. D'ailleurs, cette notion est centrale dans
l'enjeu de la classe de 3e qui est de former les
élèves à être des citoyens français
engagés. Le professeur poursuit son propos en concluant que pour
être intégrés dans la société et ainsi agir,
les élèves doivent disposer d'une culture commune qui leur permet
de se
58 Voir Annexe 3.
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repérer et de comprendre la société
française. De fait, le professeur passe au deuxième temps de
cette séance qui vise justement à travailler la notion de
l'engagement auprès de valeurs républicaines et
démocratiques.
Dans ce deuxième temps qui durera également
trois quarts d'heure, le professeur distribue un corpus documentaire aux
élèves59. Les élèves présentent
les documents et interrogent le professeur sur d'éventuelles
incompréhensions. La présentation et la lecture communes des
documents permet de faire émerger les idées principales de ce
corpus documentaire telles que l'engagement des résistants au nom de
valeurs républicaines, le caractère communautaire des luttes,
mais également les différentes formes que prennent ces luttes.
La consigne adressée aux élèves est la
suivante : à partir de ces documents et de ce qui figure au tableau (les
idées soulevées du premier temps) , construisez un schéma
heuristique avec pour notion centrale « la lutte contre l'occupation
allemande durant la Seconde Guerre mondiale ». Les élèves
s'aideront également des termes écrits au tableau par le
professeur.
Enfin, il reste quinze minutes avant que la séance se
termine durant lesquelles les élèves restituent au professeur
leur schéma heuristique. Ensuite, les élèves
répondent à un deuxième questionnaire
réalisé par le professeur. En effet, celui-ci vise à
confirmer ou infirmer si l'objectif est atteint après la mise en oeuvre
de ce dispositif. Ce questionnaire interroge les élèves quant
à leur potentiel compréhension des valeurs républicaines
et démocratiques. Sur ce questionnaire figurent les questions suivantes
« Pour quels motifs les résistants luttaient ? Pourquoi ? Comment
les résistants luttaient ? », « Trouvez-vous cette lutte
légitime ? » et enfin « est-ce que cette séance a
permis de comprendre l'importance des valeurs républicaines et
démocratiques ? ». En effet, c'est en comparant les réponses
du premier questionnaire avec les réponses du deuxième
questionnaire que l'on vérifiera si l'objectif de cette
expérience est atteint ou non. Cette expérience avait pour but de
montrer que l'étude de la Résistance permet d'apprendre et de
comprendre les valeurs républicaines et démocratiques. On attend
des élèves une réponse plus développée dans
le deuxième questionnaire ce qui traduirait ainsi de la réussite
de cette expérience.
59 Voir Annexe 4.
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