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Les enjeux politiques et sociétaux de l'étude de la guerre dans l'enseignement et les programmes du secondaire


par Anissa LAICHI
Université de Grenoble Alpes  - Master 2 MEEF 2021
  

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3. L'histoire des guerres : un enseignement aux finalités multiples. 3.1. Guerre et citoyenneté ? La formation du citoyen dans la société.

L'enseignement des guerres répond à plusieurs finalités. Tout d'abord, cet enseignement participe à la formation du citoyen dans la société, et répond donc à une finalité civique. En effet, à travers l'étude de la guerre et de ses mécanismes inscrits dans une époque, l'élève acquiert une culture qui est commune à tous les élèves en France. S'appuyant sur des événements (ici, les guerres) constitutifs de notre nation, cette culture commune permet donc au futur citoyen de s'intégrer pleinement dans notre société actuelle.

L'acquisition d'une telle culture s'effectue à travers l'étude des guerres dans l'histoire mais également à travers l'étude de la guerre aujourd'hui, dans la société actuelle. En effet, l'étude des guerres permet de comprendre et d'analyser le fonctionnement d'une société antérieure, ses mécanismes, ses rapports sociaux et ses rapports de dominations. C'est le choix opéré en classe de 5ème avec le sous thème « Affirmation de l'État monarchique dans le royaume des Capétiens et des Valois »45 au cours duquel il s'agit de mettre en lumière le fonctionnement de la société féodale au regard des rapports de force qui s'y exercent et notamment au travers de la guerre, phénomène qui illustre les mécanismes décisionnels et institutionnels d'un État. De ce fait, l'élève est en mesure de comprendre quel était le fonctionnement à l'époque médiévale, afin de comprendre notre système actuel lui-même héritier de ce fonctionnement à l'époque médiéval. Avec ce thème, le phénomène conflictuel

45 Fiche accompagnement Éduscol ; Programme de 5e, Thème 2, 2016.

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permet de comprendre une société mais aussi le pouvoir de l'État dans la bataille de Bouvines ou dans la guerre de Cent Ans. En outre, cela permet l'analyse de la construction de la nation française permettant ainsi l'acquisition de références historiques communes à tous les élèves, ainsi que la compréhension de notre société actuelle en lien avec ces évènements passés.

En effet, l'étude des guerres nous éclaire quant à la société actuelle, héritée de l'Histoire. Délivrant des clés de lecture de notre époque, l'étude des guerres permet en outre de comprendre et analyser les modalités de puissance d'un État. L'analyse et la compréhension du rôle de l'Etat dans un conflit sont mises en oeuvre en classe de Terminale de spécialité avec le thème « Faire la guerre, faire la paix : formes de conflits et modes de résolution » avec l'axe 1 « La dimension politique de la guerre : des conflits interétatiques aux enjeux transnationaux »46. En effet, ce thème permet de revenir sur la pensée militaire formulée et développée notamment par Carl Clausewitz comme nous l'avons évoqué en première partie. Les notions forgées de Clausewitz sont notamment à l'étude en Terminale de spécialité. Ainsi, l'étude de la guerre à travers ce thème de Terminale permet d'aborder les nouvelles formes de conflits qui jalonnent la période contemporaine. L'étude des guerres contemporaines (guerres au Proche et Moyen-Orient) permet d'analyser et constater les applications de cette pensée militaire héritée de Clausewitz à travers l'analyse des modalités de la guerre contemporaine (étude des caractéristiques de la guerre irrégulière par exemple dans le contexte des guerres au Moyen-Orient). Cette étude permet également d'observer et comprendre l'illustration du pouvoir de l'Etat dans la guerre (étude de la gouvernance étatique dans un conflit), phénomène structurant de notre époque actuelle (rôle de l'Etat central, héritier de la période westphalienne). Par exemple, étudier la guerre contemporaine à travers le terrorisme au Moyen-Orient permet à la fois de saisir la complexité des nouvelles formes et finalités de la guerre (mêlant ainsi politique, idéologie et économie et ce parfois dans un espace non-délimité et un Etat non-identifié comme c'est le cas avec le groupe Daesh qui se proclame être un Etat en Syrie et en Irak), mais également de comprendre le déploiement de la force militaire étatique et ses modalités dans le contexte de la mondialisation marqué par une structuration et une réglementation des relations internationales.

Enfin, cet enseignement permet de comprendre et d'analyser les décisions politiques qui sont impulsées par l'État en France. Le futur citoyen doit être en mesure de comprendre les décisions diplomatiques (telles que le retrait de troupes françaises en Afghanistan sous le mandat de François Hollande) mais surtout les modalités d'action de l'État, avec pour but de s'intégrer pleinement dans la société. En effet, pour parvenir à s'intégrer dans la société mais

46 Fiche accompagnement Éduscol ; Programme de Terminale, Thème de spécialité, 2020.

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également à comprendre les décisions étatiques relatives aux conflits, le citoyen s'est approprié un certain nombre de valeurs et de principes communs à tous les autres citoyens tels que la liberté, l'égalité, le respect. Lorsque l'Etat français décide de faire la guerre, il l'a fait au nom d'un ensemble de valeurs et de principes auxquels les citoyens se réfèrent. De fait, cette guerre apparaît légitime, voire nécessaire. Par ailleurs, étudier la guerre dans nos sociétés actuelles permet d'analyser les évolutions et la complexité des nouvelles formes de la guerre qui ne sont plus seulement impulsées par des Etats territoriaux comme en témoigne les guerres du terrorisme islamiste au Moyen-Orient ou en Afrique subsaharienne.

L'étude des ambitions de l'État s'opère en classe de Terminale avec le thème 2 « La multiplication des acteurs internationaux dans un monde bipolaire (de 1945 au début des années 1970) » avec le chapitre 3 « La France : une nouvelle place dans le monde »47. Ce chapitre ne prévoit pas initialement l'enseignement de la guerre, pour autant le point de passage et d'ouverture nous suggère l'étude de la guerre d'Algérie comme objet permettant de révéler justement les ambitions de la France dans un contexte de fin de période coloniale mais également dans le contexte de la guerre froide.

Par conséquent, l'étude de la guerre dans l'enseignement secondaire répond à une finalité civique, participant ainsi à la formation du citoyen à travers l'acquisition d'une culture commune et la compréhension des phénomènes sociétaux durant les guerres. Parmi ceux-ci, il y a la lutte au nom de certaines valeurs comme ce fut le cas durant le contexte de la guerre froide à l'encontre du communisme. L'étude des phénomènes sociétaux en temps de guerre permet de s'interroger : qu'est-ce qui a motivé les combats ainsi que les conflits diplomatiques ? Quelles ont été les conséquences sur la population ? Surtout, quelle est la portée actuelle de ces principes autrefois défendus ? Enfin, à l'échelle nationale (France), on remarque que l'enseignement de la guerre à visée « morale » et civique permet en outre de questionner notre rapport à la nation ; quelles sont aujourd'hui les valeurs qui nous unissent ? Plus encore, est-ce que nous prônons la guerre au nom de ces valeurs ?

3.2. Guerre et paix : une finalité morale ?

L'étude de la guerre suggère une analyse de la paix, bien que celle-ci n'apparait que tardivement dans l'enseignement secondaire (en Terminale de spécialité), elle est contenue implicitement dans les thèmes concernés. L'enseignement de la guerre répond alors à une

47 Fiche accompagnement Éduscol ; Programme de Terminale, Thème 2, 2016.

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finalité « morale ». La morale désigne un ensemble de règles de conduites, considérées comme bonnes ou mauvaises selon des principes universels d'une société48. Il existe ainsi plusieurs conceptions de la morale car celle-ci se fonde sur un ensemble de préceptes jugés « bons ou mauvais » pour la société concernée. Ces préceptes sont déterminés selon deux logiques ; une logique externe avec pour référentiel des dogmes religieux (tels que les dix commandements dans la tradition judéo-chrétienne), et une logique interne avec pour référentiel les valeurs contenues dans les sociétés démocratiques (tels que le respect, l'égalité, la liberté, etc.).

Répondant à une finalité « morale », l'instruction civique opère selon une logique interne, visant à éduquer et instruire l'élève à propos de valeurs et principes. En effet, c'est à l'école que l'élève apprend à dialoguer, à apprécier la différence et à collaborer avec un individu quelle que soit son appartenance. L'école est un lieu de formation pour l'élève, dans lequel il apprend à s'insérer et s'intégrer pleinement dans la société. Pour illustrer cela, nous pouvons citer un extrait de la loi d'orientation de l'éducation nationale de 1991 qui définit davantage le rôle décision de l'école dans l'éducation de l'élève et notamment « développant le sens moral et civique de ceux qu'elle forme, elle vise à en faire des hommes et des femmes dévoués au bien commun » (à propos de l'éducation nationale). En outre, l'école est donc le lieu de formation des futurs citoyens49.

Notre discipline est véritablement celle qui prévoit un enseignement à visée morale dont l'objectif est de développer l'aptitude à vivre et agir en communauté dans la société. Pour cela, l'enseignement de l'histoire prévoit l'étude et l'analyse des guerres afin de développer une réflexion « morale » voire philosophique parfois. En effet, c'est par une approche des guerres que l'enseignement de la paix s'effectue, elle permet donc d'étudier la paix en tant qu'objet historique. À ce propos, Arlette Farge a déclaré « certes, l'histoire des hommes et des femmes regorge de guerres, [...] mais l'aspiration à la paix sociale (...) est une réalité visible, lisible. (...) Cette aspiration à la paix, ses modes d'expression et de réalisation peuvent être objet d'histoire »50. Ainsi, l'étude de la paix est une partie intégrante de l'enseignement d'une guerre quelle qu'elle soit, et se traduit par l'analyse des solutions souhaitées par les belligérants par exemple. En témoigne par exemple l'axe 2 en classe de Terminale de spécialité avec le thème 2 « Faire la guerre, faire la paix : formes de conflits et modes de résolution »51 au cours duquel

48 Larousse.fr

49 Fiche accompagnement Éduscol ; Enseignement morale et civique, 2018.

50 OPERIOL Valérie, « Enseigner l'histoire des guerres. Introduction », Hypothèses, 2018.

51 Fiche accompagnement Éduscol ; Programme de Terminale, Thème de spécialité.

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on doit analyser les traités de Westphalie, traités qui scellent ainsi la paix en Europe au XVIIème siècle.

Pour terminer, l'éducation à la paix apparait indispensable dans notre société actuelle marquée par la diversité des formes de conflits mais également par la diversité des intérêts et opinions. Comme évoqué précédemment, l'école est le lieu de formation du citoyen et de son intégration dans la société. Cette intégration ne peut se faire sans la compréhension des faits antérieurs -notamment les guerres et tout autre conflit. Par conséquent, comprendre les guerres permet de s'approprier des « leçons d'histoire » (Ernest Lavisse), mais également des valeurs et des principes, appelant à une paix durable entre les individus.

En somme, l'enseignement de la guerre répond à une finalité morale relative à notre société occidentale, soit une morale qui prône les principes et les valeurs démocratiques.

3.3. Guerre et mémoire ; un enjeu mémoriel qui participe à la culture commémorative en France.

L'enseignement de la guerre répond à un enjeu mémoriel. En effet, cet enjeu mémoriel se traduit par l'importance du devoir de mémoire présent dans les programmes scolaires. Le devoir de mémoire désigne l'exigence sociétale de se souvenir d'un évènement tragique au nom de la morale. Celui-ci répond à une volonté de transmettre les mémoires, mais également de se souvenir des événements pour pouvoir ensuite les commémorer. À travers les cérémonies de commémoration de la Première ou de la Seconde Guerre mondiale, il s'agit de consolider l'identité collective autour d'un évènement ayant marqué l'histoire nationale. Aussi, lorsqu'on commémore une guerre, c'est tout un ensemble de valeurs et de principes que l'on réaffirme.

Ce devoir de mémoire ne peut être transmis sans l'analyse et la compréhension des événements conflictuels. C'est par l'acquisition de connaissances relatives à l'histoire de France, mais également par la compréhension de certains faits que l'élève s'identifie et se représente comme appartenant à notre nation. Ainsi, il est important de se souvenir et de commémorer les millions de morts de la Première ou la Seconde guerre mondiale pour rappeler à notre société que des hommes et femmes ont subi les conséquences de ces évènements tragiques. D'ailleurs, un des principes fondateurs de la Chartes des Nations Unies est le suivant : « sauver les générations suivantes du fléau de la guerre »52.

52 Site officiel des Nations Unies, centre régional d'information pour l'Europe occidentale.

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Ce devoir de mémoire est le résultat de politiques entreprises dès les années 1990 par l'Etat et le pouvoir public (notamment les municipalités). Aussi, les textes officiels de cadrage d'enseignement insistent sur l'enjeu mémoriel dans les programmes d'histoire de 2013. En effet, ceux-ci prévoient une accentuation sur la force des événements et recommandent de penser l'expérience de guerre, mais également d'intégrer les mémoires des anciennes colonies. Pour cela il est recommandé de sortir du seul cadre national et de prendre en compte d'autres individus sur des espaces plus larges (jusqu'en Afrique avec l'exemple de l'Algérie). Aussi, ces textes suggèrent de relier l'étude de la guerre contemporaine à l'apprentissage de la citoyenneté et de la démocratie.

Ces recommandations impulsées par le ministère de l'Education Nationale prennent la forme de projets de commémoration qui participent à la transmission de la mémoire tels que le concours national de la résistance et de la déportation, le concours Bulle de mémoire, le concours des petits artistes de la mémoire portant sur la Première Guerre mondiale. D'autres projets sont mis en oeuvre pour travailler à la mémoire nationale par exemple la mise en place de la journée nationale de la résistance (qui a lieu le 24 mai) qui est l'occasion d'une « réflexion sur les valeurs de la Résistance et celles portées par le programme du conseil national de la résistance »53. On peut enfin évoquer les visites musée-mémoriaux qui sont également des projets mémoriels et peuvent s'inscrire dans un projet d'enseignement sur la Première ou la Seconde Guerre mondiale. Par exemple, une visite du mémorial de la Résistance peut être envisagé au cours du chapitre 4 du thème 1 intitulé « La France défaite et occupée. Régime de Vichy, collaboration, Résistance ». Par conséquent, ces initiatives conduites par les pouvoirs publics contribuent à unir la nation autour d'une mémoire commune.

Pour autant, ce concept de mémoire commune a subi de nombreuses controverses et critiques dans les débats publics. Pour cause, des intellectuels rejettent l'idée du devoir de mémoire et prônent l'existence de plusieurs mémoires. Ces controverses sont prises en compte par les pouvoirs publics qui tiennent compte des débats durant les écritures des programmes d'histoire. Par exemple, dès les années 2000, l'enseignement de la guerre d'Algérie tient compte des plusieurs mémoires, tant du côté algérien que français. Cela est d'autant nécessaire que certains élèves, bien qu'ils soient français, sont au croisement de deux cultures et donc de deux mémoires. D'autre part, le devoir de mémoire est également sujet à débat ces dernières années notamment à propos de la notion de « devoir » qui induit une exigence universelle de se souvenir et prévenir ainsi les potentiels erreurs commises dans le passé54. La critique porte sur

53 Fiche Éduscol ; journée nationale de la Résistance, 2021.

54 KATTAN Emmanuel, « Penser le devoir de mémoire », Argument, 2003.

ce caractère injonctif et sur l'évolution du devoir de mémoire devenu, selon l'historien Paul Ricoeur, « une direction de conscience »55.

En somme, l'inculcation du devoir de mémoire est une finalité importante de l'étude des guerres (notamment des deux conflits mondiaux). Cet enseignement participe ainsi à l'intégration de l'élève dans une mémoire collective, bien que celle-ci soit controversée.

55 http://www.cndp.fr/crdp-reims/memoire/enseigner/memoire_histoire/05historiens1.htm.

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Deuxième partie : Analyse et critique du dispositif pédagogique envisagé.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci