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SECTION II : ORGANISATION DE LA DISTRIBUTION INFORMELLE
DES
MEDICAMENTS AU CAMEROUN
Après avoir fixé le cadre dans lequel s'est
construit la distribution informelle des médicaments, planter les jalons
qui permettent de comprendre son insertion dans la société, nous
allons nous attarder à présent sur l'organisation de ce
marché illicite : étudier les réseaux d'approvisionnement,
décrire les méthodes et les stratégies de vente ainsi que
les catégories de produits pharmaceutiques qui y sont
généralement distribués.
1-TYPOLOGIE DES OFFREURS ET RESEAUX
D'APPROVISIONNEMENT
La question ici est celle de savoir où et de quelles
manières arrivent ces différentes catégories de
médicaments sur le marché informel. Dans les années 1980,
Fassin citait deux provenances principales : il s'agissait d'une part des
importations frauduleuses et d'autre part des achats sur le marché
national. L'approvisionnement venant des dons est également d'une
importance non négligeable. Cette triple source d'approvisionnement du
marché pharmaceutique parallèle, semble commune à
l'ensemble des pays d'Afrique subsaharienne et encore valide aujourd'hui pour
le cas de la ville de Douala.
A- Réseaux internes d'approvisionnements des
médicaments du circuit informel
Le mot « interne » désigne les
réseaux intérieurs au pays. Les réseaux internes
d'approvisionnement se greffent directement sur les stocks du circuit
officiel2 : que ce soit auprès des grossistes, des
producteurs locaux ou des pharmacies, dans le secteur privé ou public.
On constate constamment de simples achats, de vols ou de détournements ;
on peut supposer que les « transactions informelles » soient
privilégiées dans le but d'effacer toutes traces de ventes. Les
pillages aux frontières, sur les aéroports ou dans les zones
portuaires sont très fréquents. Les hôpitaux, laboratoires,
dispensaires et grossistes constatent des détournements plus ou moins
importants, perpétrés par des salariés peu scrupuleux mais
soucieux d'arrondir leurs fins de mois.
Dans de nombreux pays d'Afrique noire, les médicaments
présents sur le circuit pharmaceutique national représentent la
source principale de réapprovisionnement du marché illicite :
« elle est estimée (en pourcentage du réapprovisionnement
total du secteur
2 Les stocks de médicaments provenant du
circuit formel
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pharmaceutique informel) à 48% en Côte d'Ivoire,
40% au Niger et 57% au Bénin. Ces produits étant issus du circuit
légal possèdent généralement une autorisation de
mise sur le marché » (Hamel, 2006). Ainsi, un fabricant local peut
écouler des stocks non conformes qui ne correspondent pas aux standards
nationaux
B- Les réseaux externes d'approvisionnements
des médicaments du circuit informel
Ces réseaux se rapprochent manifestement de la
contrebande avec des structures d'organisations qui se mêlent au commerce
des trafiquants (ou commerce non déclaré) de tout genre : il
n'est pas rare par exemple, que des stocks soient saisies et détruites
par les autorités. La grande majorité des médicaments
importés de la sorte ne possèdent pas d'autorisation de mise sur
le marché. (Fassin ,1985 ; Hamel, 2006 et Mattern, 2015). Le gros de la
provenance de ces marchandises est attribué à quelques pays
africains (le Nigeria, le Ghana, la Gambie) et au continent asiatique (Inde,
Chine). Le Nigeria est reconnu comme une plaque tournante du trafic de
médicament dans la zone Afrique, développant des liens
commerciaux avec des fabricants indiens ou chinois. Nous pouvons citer quelques
chiffres : au Bénin une étude réalisée par le
syndicat des pharmaciens sur 351 produits du marché montre que 24,23%
proviennent du Nigeria (Hamel, 2006).
Pour ce qui est du cas du Cameroun, plus de 40% des
médicaments issus du circuit informel viennent du Nigéria. Et le
reste des approvisionnements venant de l'Inde, la Chine, des Dons et de
quelques producteurs locaux (SYNAME, 2014). Cependant ces chiffres peuvent
être très peu significatifs puisque les fabricants mettent parfois
le nom d'un autre fabricant avec la mention « made in England » ou
« made in China » afin de lever les soupçons. Les dons de
médicaments alimentent également ce réseau.
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