Plusieurs observations laissent à croire que les
distributeurs informels exploitent juste les failles ou les faiblesses du
réseau formel de distribution. Face à cette situation, on a
l'impression que les pouvoirs publics restent totalement muets ou du moins ne
posent pas d'actes concrets qui pourront éradiquer le
phénomène.
a-L'Etat et la distribution informelle des
médicaments: situation énigmatique Face à
l'hétérogénéité des formes
d'activités que recouvre ce secteur, quelle politique définir ?
Faut-il intervenir ou laisser faire ? Faut-il adopter des politiques globales,
sectorielles ou non, ou se contenter d'actions ponctuelles,
éventuellement sélectives et pas obligatoirement
coordonnées entre elles ?
Peu d'actions de répressions importantes sont
relaté au cours des années 1980 et 1990 (Fassin, 1997 et Hamel,
2006). Il semble qu'en premier lieu l'apparition du secteur informel a rendue
service aux Etats qui n'étaient plus à mesure d'importer des
médicaments en quantité suffisante. Plus tard, le marché
informel est devenu trop important et le discours a changé
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(Fassin, 1997). A partir de la fin des années 1990, les
pouvoirs publics camerounais ont commencé timidement une guerre contre
les médicaments issus du secteur informel. Au Cameroun plusieurs
descentes très médiatisées des autorités en charges
dans les marchés ont permis de saisir et incinérer des stocks
impressionnants de médicaments ces dernières années.
Les injonctions de la Banque Mondiale en faveur d'une «
bonne gouvernance » ont incités les dirigeants politiques à
manifester des signes symboliques d'intervention. Le manque d'engagement
politique est grave. Peut-être il est plus approprié de parler de
tolérance étatique. Les hommes politiques camerounais auront bien
du mal à se passer de la dépendance générée
par la situation illégale de tous les acteurs du commerce informel qui
perpétue des formes clientélistes et patrimoniales du pouvoir
(Socpa, 2011).
Les importations frauduleuses de médicaments ne
peuvent se faire sans le consentement plus ou moins coûteux (en argent ou
en médicaments) des douaniers et de leurs supérieurs. La vente
des médicaments dans la rue ou sur les marchés nécessite
parfois de partager son salaire avec les forces de l'ordre, ou de
négocier continuellement sa place auprès de la
municipalité.
En retour les dirigeants politiques achètent la
stabilité de leur pouvoir par des stratégies
clientélistes. C'est là que se prononce réciproquement le
pouvoir du secteur informel. De plus les distributeurs en profitent pour
s'implanter et organiser une distribution à grande échelle
couvrant tout le territoire national.
b-Comportements opportunistes des « trafiquants
»
Suivant Van Der Geest(1983) et Hamel (2006), nous pouvons
dire que le contexte économique des années 1980 a affaiblit
l'offre de médicaments. Les importations n'étaient plus à
mesure de satisfaire les besoins des populations. Dans ce contexte de
pénurie, les commerçants du secteur informel ont commencé
à vendre des médicaments à des prix plus bas, a suivi une
organisation efficace dans la mesure où la distribution se faisait
partout. Dans la rue, au bureau, au marché, dans les véhicules de
transports...
Les fortes contraintes économiques des années
1980 qui s'accompagnèrent d'une diminution importante des emplois, ce
qui fera apparaître l'émergence simultanée d'une
économie informelle devenue prédominante au début des
années 1990 (en nombre de salariés) et de nos jours ce secteur
recrute plus 60% de la main d'oeuvre formée au Cameroun (rapport BIT,
2010). L'appropriation des médicaments par les acteurs du marché
informel semble alors avoir séduit une partie des consommateurs.
Intéressons-nous à présent à l'organisation de
cette activité.