2- INQUIETUDES SUR LA DISTRIBUTION DES MEDICAMENTS
Cette partie sera essentiellement réservée
à la genèse du développement de la distribution informelle
des médicaments, suivit du rôle catalyseur qu'a joué la
crise des années 1980.
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A-Marché informel des médicaments : des
origines profondes
D'après les travaux de Barbereau (2006), Les
inquiétudes sur la qualité des médicaments dans le
commerce international ont pris une dimension mondiale en 1948, après la
création de l'OMS. En 1951, le Conseil exécutif de l'Organisation
a adopté la résolution ayant pour objectif d'examiner les
avantages que présenteraient, dans l'intérêt de la
santé et du commerce international, l'application, par divers pays de
méthodes plus uniformes pour le contrôle des médicaments.
Cependant, c'est à la conférence d'experts de Nairobi sur l'usage
rationnel des médicaments en 1985 que l'on s'est occupé, pour la
première fois au niveau international, du problème des
médicaments issus du circuit informel.
En 1988, l'Assemblée mondiale de la santé a
adopté des programmes pour prévenir et détecter
l'exportation, l'importation et la contrebande de préparations
pharmaceutiques faussement étiquetées, falsifiées,
contrefaites ou ne répondant pas aux normes.
Les principaux producteurs mondiaux de médicaments
trouvés sur les circuits informels sont la Chine et l'Inde. Mais, la
mauvaise qualité peut se rencontrer dans le monde entier (Fassin, 1992 ;
Hamel, 2006).
Au Cameroun, le phénomène est bien ancien comme
partout dans le monde. Cette activité suscite de plus en plus une
attention sinon une curiosité profonde et soutenue. Comprendre les
raisons du développement de ce marché « parallèle
» au Cameroun nécessite une analyse du rôle de la crise des
années 1980.
B-Le rôle de la crise économique des
années 1980
Des perturbations économiques importantes ont
déstabilisées l'ensemble des pays en développement
à partir des années 1980. Ces troubles ont plongé la
plupart des pays d'Afrique et surtout ceux de la zone FRANC (Hamel, 2006). La
détérioration des termes de l'échange et la
dévaluation du FCFA ont largement contribué à cette
catastrophe.
a-La détérioration des termes de
l'échange
La détérioration des termes de l'échange
entre les pays exportateurs de technologies (pays du Nord,
développés) et les pays exportateurs de matières
premières (pays du Sud, en voie de développement) a
participé (et participe toujours) au déficit de la balance des
paiements des grands exportateurs de richesses naturelles (pétrole,
minerais, coton, sucre, caoutchouc, cacao, café, ...). En
parallèle, les recommandations prodiguées par le Fond
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Monétaire International en termes de politique
d'ajustement structurel pendant les années 1985 se sont traduites par
une réduction brutale des dépenses budgétaires surtout
dans le domaine sanitaire. Les dépenses compressibles (santé,
éducation, salaire des fonctionnaires, ...) ont été revues
à la baisse pendant que le service de la dette exerçait une
pression encore plus forte sur le budget (Hamel, 2006).
La première conséquence de cette crise
économique est la détérioration progressive des services
fournis par les établissements de santé surtout publics. «
En 1985, le budget public affecté aux médicaments et aux
fournitures a baissé à Madagascar, passant à 20% du niveau
de 1977 et le pays n'a pu importer que 10% des fournitures et produits
médicaux prévus » (Mattern, 2015).
Dans ce contexte de pénurie, les commerçants du
secteur informel ont commencé à vendre des médicaments,
exerçant ainsi une pression concurrentielle sur les pharmacies
officielles. Les prix sont devenus rapidement plus intéressants sur le
marché « noir » que dans les pharmacies et les
hôpitaux. La débrouillardise des acteurs informels a rendu les
médicaments issus du circuit informel plus disponibles que les
médicaments du secteur formel. « En 1990, plus de 60% de la main
d'oeuvre Camerounaise est employée dans le secteur informel »
(Hernandez, 1995).
Le marché illicite du médicament a
trouvé dans la crise économique des années 80 un contexte
propice à son émergence et/ou à son expansion. « Du
point de vue du consommateur, la vente de médicaments dans la rue par le
biais d'une multitude de vendeurs offre une alternative de choix face à
un secteur public en déclin » (Hamel, 2006). De ce fait une
attention plus précise semble être nécessaire pour
l'évolution de notre travail.
b-Dévaluation du franc CFA : « effet Massu
»
Le 12 janvier 1994, la dévaluation de 50% du franc CFA
concerne 14 pays d'Afrique subsaharienne y compris le Cameroun. La
dévaluation du taux de change a permis aux Etats qui utilisent le franc
CFA, toutes choses égales par ailleurs, de disposer davantage de
ressources fiscales puisque les taxes sur les biens exportés rapportent
deux fois plus en monnaie locale (Hamel, 2006). Son corolaire pour les
ménages, sera la multiplication par deux des prix de produits de
consommations en général y compris les médicaments. Or la
grande majorité des médicaments présents sur les
marchés de Douala sont des produits importés. Il en fut de
même pour le prix des médicaments fabriqués localement,
étant donné qu'une partie voire même la totalité des
intrants sont importés.
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Les médicaments ne sont plus disponibles en
quantité suffisante dans les centres de santé. Cette
incapacité de la part du secteur officiel ouvre les portes au commerce
de contrebande pour l'introduction à grande échelle dans le
secteur informel des médicaments de qualité
généralement douteuse. Il est à remarquer que la politique
sanitaire et la fragilité du système social et culturel ont
joué et continu de jouer un rôle important.
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