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Approche communicationnelle des films de fiction


par Alexandre Chirouze
Université Montpellier 3 - Doctorat 2006
  

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IV- L'analyse des interviews suite à la diffusion de la version 4 : le mari planificateur404(*)

Le manque de réaction du personnage principal à l'annonce de la mort de son épouse est le fait le plus remarqué dans ce début de film : « le moins que l'on puisse dire est qu'il le prend avec philosophie » (Réunion 1), « la réaction du personnage est étrange. Il ne réagit pas » (Réunion 3), « il y a un décalage entre l'annonce de la mort de sa femme et la réaction du personnage, je trouve » (Réunion 8). Certains l'expliquent par le fait que le mari s'attendait à cette nouvelle : « on dirait qu'il s'y attendait. Elle était peut-être malade depuis longtemps » (Réunion 8), « Il semble s'y attendre », « pour cela, il fallait qu'il sache que sa femme allait mourir » (Réunion 3).

Ce manque de réaction est justifié pour quelques-uns des spectateurs : « c'est normal. A sa place, je n'aurais pas eu de réaction non plus » (Réunion 3), « même si après il picole beaucoup » (Réunion 1), «ce n'est pas parce qu'il est sans réaction qu'il est insensible » (Réunion 8),

Le personnage principal est perçu par la plupart des spectateurs comme étant un chef d'entreprise, un homme d'affaires ou un cadre : « Ca se voit que c'est un cadre qui travaille dans une entreprise », « il est peut-être chef d'entreprise », « ou quelque chose comme cela » (Réunion 1), « c'est un homme d'affaires » (Réunion 3).

De nombreux indices sont cités à l'appui de cette thèse : « Il est tout seul dans son bureau », « Il a un mini-bar dans son bureau, et ce n'est pas courant », « il a un beau fauteuil », « en cuir, en plus », « c'est un grand bureau avec peu d'affaires dessus » (Réunion 1), « c'est quelqu'un d'important. Il a son propre bureau. Il est bien habillé avec son petit whisky dans son bar » (Réunion 8).

En revanche, le fait qu'il marche de long en large dans son bureau est interprété à deux niveaux : - « c'est quelqu'un qui semble nerveux » (Réunion 3), - « il s'attendait à recevoir un coup de fil car il marchait dans son bureau » (Réunion 3). Mais, même à ces deux niveaux, les avis sont toutefois contrastés : « Il semble assez calme » (Réunion 1), « je pensais qu'il attendait un coup de fil professionnel » (Réunion 3).

Dans l'ensemble, les spectateurs ont assez bien observé le bureau : le bureau est spacieux mais « pas très beau. Il n'est pas très gai », « il est très impersonnel, je trouve », « il n'est pas très bien organisé », « pas bien rangé, non plus »,  « avec des posters partout » (Réunion 3). Dans le bureau, ils ont vu : « des objets métalliques », «  un frigo marron. Des stores ..un téléphone » (Réunion 8), « un téléphone blanc également » (Réunion 1). Certains notent également la présence d'une photographie, dont nous reparlerons plus loin. 

Les éléments du décor intérieur sont incontestablement ceux qui permettent le plus aux spectateurs de dater la période où se situe l'action du film. Le téléphone, le mini-bar, les stores, etc. sont les éléments les plus indicatifs.

Toutefois, à partir d'un même objet, la datation est différente selon les participants.

Certains considèrent que l'action du film se déroule dans les années 90, voire 80 : « à cause du téléphone », « Le mini-bar est ancien aussi, sa couleur fait âgée », « oui, c'est un Philips en plus » (Réunion 1), « le téléphone et les stores font ringards. La décoration est vieille » (Réunion 8).

Ces allégations sont contredites par d'autres : « pas d'accord, son bureau est pas mal du tout, je trouve. Il fait vrai au moins pas comme dans certains téléfilms où tout est nickel », « Je pense que cela se passe de nos jours », « oui, à deux ou trois ans près », « [le bureau ...fait vraiment ancien !], pas vraiment, y a des choses plus anciennes que d'autres dans son bureau, c'est tout », « oui, comme dans tous les bureaux » (Réunion 8).

D'autres indices temporels sont cités mais moins fréquemment : la musique, la moustache et les vêtements. Il est à noter que dans les trois cas, ils viennent confirmer le caractère éloigné de la période de l'action : « les vêtements aussi sont un peu anciens », « il [le personnage principal] n'est pas tendance »  (Réunion 1), « La musique aussi  [est ringarde]», « il [le personnage principal] fait vieux jeu... avec sa moustache surtout » (Réunion 8),

Ces avis ne sont pas partagés par tous. D'aucuns considèrent, en partant des mêmes indices, que l'action du film se passe de nos jours : « de nos jours », « oui, en tout cas c'est assez récent » (Réunion 3).

La personne qui téléphone pour lui annoncer le décès de son épouse est identifiée comme faisant partie du milieu des urgences : «c'est un médecin », « ça peut être un pompier », « ou quelqu'un du Samu » (Réunion 1),  « en tout cas, c'est soit un pompier, soit un secouriste, soit un médecin » (Réunion 3).

Cette croyance tient à certains indices verbaux : « à la façon de parler », « oui, de le dire » (Réunion 1), « Il précise qu'ils ont fait tout ce qu'ils ont pu pour la sauver. Donc ils devaient l'opérer mais l'opération ne s'est pas bien déroulée » (Réunion 8).

Seul un spectateur (sur 24) pense à un complice : « ou alors c'est lui qui a l'a tuée... c'est un complice » (Réunion 8). Il est alors vertement contredit : « tu vois trop de films policiers » (Réunion 8).

En plus du personnage principal et de l'homme qui lui téléphone, un autre personnage intervient dans ce récit : une femme (ou un homme ?) qui marche. Seul, un spectateur pense que « c'est un homme » (Réunion 8). Les autres participants aux réunions considèrent qu'il s'agit d'une femme à moins qu'il ne s'agisse de son esprit : « c'est sûrement sa femme ou alors son esprit » (Réunion 1). Le lieu où se déroule cette scène est défini avec imprécision : « un terrain vague » (Réunion 1), mais plus fréquemment comme un désert ou une plage, « c'est une plage. Il y avait de l'herbe », « il y a le flash back à la plage » (Réunion 3). Pour une participante, il ne s'agit pas d'un lieu réel et physique : « c'est son imagination. C'est un lieu symbolique. Ce lieu n'existe pas. » (Réunion 3). Malgré les commentaires amusés, la participante qui pense que la personne qui marche est un homme précise sa pensée : l'homme en question est, en fait à ses yeux, le nouveau veuf : « je pense que c'est lui qui s'en va dans un désert. Il part très loin pour s'isoler. A mon avis, c'est un homme ». Précision qui lui vaut d'être gentiment chahutée : « mais puisqu'on te dit que c'est une femme avec un foulard » (Réunion 3).

La femme est décrite comme « assez jeune. Mais elle est habillée stricte », « elle a un ensemble en jean, c'est pas strict le jean », « c'est le foulard qui fait cela » (Réunion 8), « Elle porte un foulard » (Réunion 3), « un carré » (Réunion 8).

La femme est, pour le plus grand nombre, l'épouse du personnage principal : « c'est une femme, bien sûr, sûrement sa femme qui s'en va » (Réunion 3)

L'interprétation de cette scène est assez consensuelle et tourne autour du départ et de la mort : « on la voit disparaître au loin », « oui pour cet homme, c'est la représentation de sa femme qui s'en va » (Réunion 1), « C'est une image d'elle qu'il a parce qu'elle vient de mourir » (Réunion 8).

La plupart des participants aux trois réunions ont remarqué une photographie placée « sur un réfrigérateur » (Réunion 3), plus précisément un mini-bar. Certains d'entre eux ont eu quelques difficultés à décrire la personne photographiée allant jusqu'à croire qu'il s'agit d'une photo d'un enfant, d'un homme ou d'un couple : « je croyais que c'était un enfant », « j'ai vu une femme et un homme » (Réunion 3), « il y avait deux personnes sur la photo, je crois » (Réunion 8). En réalité, il s'agissait d'une photographie d'une femme blonde, ce qui provoque quelques remarques amusées : « je crois que tu devrais changer de lunettes, il n'y avait qu'une femme et sans foulard cette fois » (Réunion 3).

Quelques-uns plus observateurs ou attentifs donnent des précisions et des appréciations sur le physique de la femme photographiée : « elle semble plus jeune que lui », « Ah oui, plus jeune », « mieux aussi » (Réunion 1), «la photo d'une femme, mignonne, brune, mieux que lui » (Réunion 8)..

Si les remarques sont vagues et imprécises - la femme photographiée étant blonde et pas beaucoup plus jeune que le personnage principal - pour ne pas dire « imaginées » par les spectateurs (« ce doit être une photo de vacances » Réunion 3), c'est sans doute, en grande partie, en raison de la fugacité des images et de l'absence de gros plan sur la photographie.

Il ne faut qu'un peu plus d'une minute de film pour que les spectateurs aient une idée de qualité des relations entre le personnage principal et son épouse. Certains d'entre eux estiment que les relations devaient s'être distendues avec le temps -  c'était une relation assez distante. Ils vivaient ensemble mais c'est tout » (Réunion 1), « ça devait être mitigé », « Sa femme ne devait pas compter beaucoup pour lui »(Réunion 3) - d'autres imaginent une longue maladie, « ils étaient très proches mais l'homme savait que sa femme allait mourir depuis longtemps, à cause d'un grave maladie, comme un cancer ou quelque chose comme cela » (Réunion 1), « Elle était peut-être malade depuis longtemps » (Réunion 8) ; d'autres encore une double vie, « on dirait qu'il s'en fout. Il a peut-être une double vie » (Réunion 1).

Les indices qui font dire que les relations s'étaient relâchées sont plutôt d'ordre gestuel : « sa réaction d'aller vers la fenêtre est curieuse », « c'est sûr qu'il ne semble pas effondré » (Réunion 3), « sa façon de réagir est étrange, il ferme les stores, c'est anormal. Pour moi, il n'est pas plus touché que ça » (Réunion 1).

Toutefois, les mêmes indices génèrent un sens différent chez d'autres spectateurs : « [sa réaction d'aller vers la fenêtre est curieuse], non, elle est symbolique, je pense » (Réunion 3). Quelques-uns resituent ces indices dans un cadre plus large, celui d'un homme d'affaires, « il est dans son bureau et c'est un homme d'affaires. Il ne peut pas trop en montrer aussi », « je le pense aussi » (Réunion 3). Ce recadrage crée au moins un doute chez certains : « Il y a un doute donc » (Réunion 5).

En si peu de temps de diffusion, la question est de savoir si les participants ont reconnu suffisamment d'indices pour classer ce film dans un genre cinématographique et, dans l'affirmative, quels sont les éléments codiques qui les ont le plus influencés. De nombreux participants sont déjà assez péremptoires : « c'est un drame, sans aucun doute » (Réunion 5), «pour moi, c'est un mélo » (Réunion 1), « un policier » (Réunion 8). D'autres hésitent entre le drame et le policier, les deux genres les plus cités : « c'est un drame, policier peut-être mais un drame » (Réunion 8), « c'est assez tragique. Mais sa réaction est tellement étrange que ça pourrait être un policier » (Réunion 1). La référence aux téléfilms est également fréquente : « c'est peut-être un téléfilm », « oui, ça fait télé ! Une série des années 90. L'image fait années 90 », « ça fait un peu les Feux de l'Amour » (Réunion 1), « Ca fait Derrick ! », « c'est vrai, on dirait un truc allemand », « on en voit plein à la télé en ce moment » (Réunion 3). Il n'y a pas de fait générateur véritable, plutôt une impression générale.

Cela explique probablement que la projection dans le futur et ce qui en ressort comme possibilités de fin soient assez disparates. Toutefois, les fins dramatiques semblent être plus attendues que les fins policières.

Ainsi, certains spectateurs voient le personnage principal se noyer dans l'alcool : « oui, dans sa bouteille de whisky », « il va boire », « je le verrai bien aussi devenir alcoolique » (Réunion 1), « il va surtout finir son verre et se saouler » (Réunion 3), « se prendre une bonne cuite », « il se saoule dans son bureau », « ou il va roder dans des bars.. » (Réunion 8)

Quelques-uns imaginent même le pire : « il va se suicider » (Réunion 3), « il pourrait se suicider » (Réunion 8). Mais ces hypothèses dramatiques sont contrariées, aux yeux de quelques participants, par l'attitude froide et distante du personnage principal : « non, il semble trop sur de lui » (Réunion 1), « je ne suis pas sûr qu'il l'aime assez pour cela » (Réunion 3), « [il pourrait se suicider] ...mais je ne le crois pas tellement il le prend bien » (Réunion 8).

Aussi, quelques-uns voient plutôt une fin moins brutale, qui « fait très cliché », au profit d'une phase de réflexion, de repli sur soi ou sur sa famille : « il ne réalise pas encore. Il va réfléchir tout seul », « il va peut-être se noyer dans le travail » (Réunion 1), « il va méditer », « il va rester pensif. Il va réfléchir. Il va rentrer chez lui et prévenir ses enfants » (Réunion 3), « il a peut-être des enfants. Alors, il va les voir peut-être » (Réunion 8).

D'autres anticipent une fin qui met en valeur l'indifférence ou la résignation d'un mari à l'annonce de la mort de sa femme : « il prend son verre et rentre chez lui, comme d'hab., c'est tout », « oui, il est tellement résigné qu'il va finir son verre et puis dormir chez lui » (Réunion 8).

En revanche, les participants convaincus que le film appartient au genre policier imaginent une fin bien différente : « je vois bien un enquête de police », « ou une tromperie à l'assurance » (Réunion 3).

La diffusion du film de la deuxième partie du film provoque des réactions variées. La fin est jugée surprenante par certains, «cliché » pour d'autres. Mais, paradoxalement, aucun participant ne la trouve décalée par rapport au début du film, « ça colle bien avec le début » (Réunion 1), « ça colle bien avec l'individu » (Réunion 8).

L'association (Froideur du personnage Froideur du comportement face à la mort) y est pour beaucoup : « il reste toujours aussi froid, professionnel », « Le personnage reste le même ... sans réaction » (Réunion 3), « il n'est pas triste. Maintenant, il peut passer à autre chose » (Réunion 1).

Mais, la dichotomie générique (film dramatique, film policier) subsiste. On retrouve, en effet, les deux types de spectateurs que nous avions mis en évidence avant la diffusion de la fin : - ceux qui croient en un film dramatique ; - ceux qui optent pour un film policier. A ces deux catégories, vient s'ajouter, grâce aux plans de fin, une catégorie de spectateurs qui pensent à un film d'auteur.

Les spectateurs de la première catégorie trouvent des justifications au comportement froid du personnage : « elle est morte d'une longue maladie, donc tous les papiers étaient préparés », « il est peut-être assureur » (Réunion 3), « il s'attendait bien à la mort de sa femme. Il semble avoir tout prévu », « c'est un contrat du type « mes dernières volontés en cas de décès », c'est normal qu'il le lise », « dans ces circonstances, on ne sait pas trop comment on va réagir » (Réunion 8). Toutefois, quelques participants trouvent son comportement cynique, voire choquant : « il ne perd pas de temps » (Réunions 7 et 8), « time is money », « sacré mec, tout de même », « il n'a pas de scrupule, c'est un peu choquant », « il ne perd pas le nord » (Réunion 3), «un peu précipité tout de même », « ce qui me choque c'est la rapidité qu'il met pour ouvrir son contrat. Il ne prend même pas le temps de se recueillir » (Réunion 8).

Les tenants du film policier n'en démordent pas et sont rejoints par un certain nombre de participants influencés par la fin du film : « cela me semble prémédité », « c'est pas net. Il l'a peut-être tué » (Réunion 3), « il a peut-être supprimé sa femme pour toucher le pactole », « je vois bien un détective privé...Il ferait une enquête ensuite...peut-être un film policier alors.. D'ailleurs en y réfléchissant, la personne au bout du fil, c'était peut-être lui ...le détective », « c'est un film noir. Bon, c'est une question de goût, moi je n'ai pas trop aimé, il m'a foutu la trouille » (Réunion 8).

En tout état de causes, la fin proposée par le réalisateur provoque au moins le doute : « c'est une fin qui jette un doute, tout de même », « je ne pense qu'il ait tué sa femme, même si son attitude est troublante » (Réunion 8), « elle met mal à l'aise », « c'était bizarre », « oui, il laisse une impression bizarre », « on ne cerne pas bien le personnage », « mari sous le choc ou crapule organisée ? » (Réunion 3).

Cette fin de film fait également évoluer, chez certains participants - pas tous - les avis sur le genre auquel appartient le film. Alors que la référence aux téléfilms et séries télévisuelles était, avant la diffusion de la fin, assez fréquente (voir plus haut), quelques-uns des spectateurs reviennent sur leur opinion et évoquent le cinéma d'auteur : « c'est très conventionnel.. Mais, en même temps, ça fait cinéma d'auteur avec cette scène dans le désert.. On ne voit pas d'images comme cela dans les téléfilms...Là c'est un peu intime...ça doit être un court-métrage d'auteur », «  je suis assez d'accord, c'est un film d'auteur. Le scénario et les images font cela, oui », «c'est un bon court-métrage d'auteur : assez original, je trouve », « en tout cas, il ne laisse pas indifférent », (Réunion 8).

Il est intéressant de noter que la désignation de film d'auteur, pour un court-métrage, repose chez cette catégorie de spectateurs autant sur la structure narrative du film, l'incertitude de la fin que sur la qualité des images : « c'est un peu court. En plus, on a beaucoup de choses en si peu de temps.. d'un autre côté, c'est bien qu'il y ait plein de pistes », « en tout cas, il ne laisse pas indifférent », « [c'est inachevé]... mais c'est à toi de l'achever, c'est voulu », « oui je suis d'accord, dans ce genre de film, l'auteur ne finit pas exprès » (Réunion 8).

Loin d'être anecdotique est la remarque d'un spectateur qui s'appuyant sur le format court et l'histoire qui est relatée dans le film pense à un message publicitaire au profit d'une compagnie d'assurances : « c'est peut-être une pub pour les assurances » (Réunion 1).

Compte tenu de la variété des avis et opinions des spectateurs que nous venons de présenter, nous allons comparer pour chacun des plans du film le sens que souhaitait générer le réalisateur avec celui perçu par les spectateurs comme nous l'avons fait pour les versions 1, 2 et 3 et comme nous le ferons pour la dernière version (5).

La musique est identique dans les cinq versions et fut choisie pour l'ambiance énigmatique qu'elle génère. Le but semble atteint (« j'ai entendu une musique, ça fait suspense » (Réunion 3) ») et même si elle ne plait pas à tout le monde (« cette musique qui revient sans arrêt, c'est moche... », « c'est fait exprès, je pense, elle est lancinante » (Réunion 8).


Analyse comparative du sens

Numéro du plan

Contenu

Sens voulu par le réalisateur

Sens perçu par les spectateurs

Plan 1

M. Neuville, un cadre supérieur d'une entreprise, marche de long en large derrière son bureau. Il semble impatient et regarde sa montre. Le téléphone sonne.

Bruits d'une sonnerie de téléphone

Montrer le statut du personnage principal par ses vêtements (costume, cravate), son stylo, son bureau de directeur : ameublement fonctionnel, plante verte, moquette, etc.

Le montrer dans une situation initiale, dans laquelle il attend une nouvelle importante.

Evoquer une nouvelle plutôt heureuse que malheureuse en le montrant très impatient de savoir.

Le personnage principal est, en effet, perçu par la plupart des spectateurs comme étant un chef d'entreprise, un homme d'affaires ou un cadre.  De nombreux indices sont cités à l'appui de cette thèse : « Il est tout seul dans son bureau », « Il a un mini-bar dans son bureau, et ce n'est pas courant », « il a un beau fauteuil », « en cuir», « c'est un grand bureau avec peu d'affaires dessus », « Il est bien habillé avec son petit whisky dans son bar ».

En revanche, le fait qu'il marche de long en large dans son bureau est peu interprété et, en outre, de deux façons différentes : - « c'est quelqu'un qui semble nerveux », - « il s'attendait à recevoir un coup de fil car il marchait dans son bureau ».

Plan 2

Le téléphone sonne. M. Neuville décroche son téléphone.

Mettre en valeur, grâce au gros plan, l'événement qui va bouleverser la situation initiale.

Les spectateurs semblent avoir plus remarqué l'objet -le téléphone, en gros plan - que l'événement lui-même.

Plan 3

Une voix off masculine neutre dit : « Monsieur Neuville ? ».

M. Neuville répond « Oui ! »

La voix off poursuit : « Je vous téléphone pour vous annoncer le décès de votre femme. On a tout fait pour qu'elle ne souffre pas ».

M. Neuville lui répond : « Merci de m'avoir prévenu ». Il raccroche.

Mettre en opposition l'attitude impatiente, voire stressée, et dynamique d'un responsable d'entreprise et son comportement après l'annonce de la mort de sa femme.

Le vouvoiement est le seul élément d'identification de la personne dont on entend la voix (off).

Evoquer le fait que cet homme a eu un rôle dans les derniers moments de la vie de la femme et qu'il appartient à un service hospitalier. Rien n'indique en revanche son statut : médecin, infirmier ?

Montrer le personnage principal reprendre le contrôle de la situation par un ton directorial.

Laisser planer le doute sur le fait que cette attitude est comme une sorte de refuge ou de carapace pour se protéger.

Au contraire, c'est le manque de réaction du personnage principal qui est remarqué voire critiqué par la plupart des spectateurs. « il y a un décalage entre l'annonce de la mort de sa femme et la réaction du personnage, je trouve ».

Sans indice autre que celui de la voix (intonation, paroles prononcées, vouvoiement), les spectateurs identifient la personne qui téléphone comme faisant partie du milieu des urgences : «c'est un médecin », « ça peut être un pompier », « ou quelqu'un du Samu », «  un secouriste ».

Cette croyance tient à certains indices verbaux : « à la façon de parler », « Il précise qu'ils ont fait tout ce qu'ils ont pu pour la sauver. Ils devaient l'opérer mais l'opération ne s'est pas bien déroulée ».

Cet objectif n'est atteint que partiellement auprès de certains spectateurs qui voient dans le manque de réaction soit un flegme tout britannique (d'un moustachu), soit une maîtrise très professionnelle (en tant que responsable, «il ne peut pas trop en montrer aussi »), soit la conséquence d'un choc dont le mari sort « assommé et qui continue machinalement ».

Plan 4

M. Neuville se dirige vers la fenêtre de son bureau et commence à ouvrir ses stores.

Montrer qu'il a besoin de réfléchir en sortant de son contexte de travail.

Ce plan est interprété très différemment, parfois d'une manière opposée à ce que recherchait le réalisateur : « sa réaction d'aller vers la fenêtre est curieuse », « c'est sûr qu'il ne semble pas effondré ».



Plan 5

M. Neuville finit d'ouvrir ses stores et regarde à la fenêtre. Il observe à ce moment-là une voiture qui passe avec les feux allumés.

Montrer que sa pensée quitte le bureau, pour l'extérieur, la ville, la nuit.

Evoquer les oppositions lumière/obscurité, vie/mort, immobilité/mouvement.

Apparemment sans effet sur les spectateurs.

Plan 6

Une femme en tailleur en jean bleu et portant un foulard de type carré bleu marche en s'éloignant dans des dunes de sable

Annoncer, par un fondu enchaîné entre les plans 5 et 6, un flash-back.

Evoquer le temps qui passe, le départ d'une femme seule, l'éloignement progressif puis la disparition. Evoquer avec les images du désert la désolation et la stérilité et/ou la réflexion sur le passé.

Le flash back est remarqué par certains et même apprécié : « ça fait cinéma d'auteur avec cette scène dans le désert.. »

L'interprétation de cette scène est assez consensuelle et tourne autour du départ et de la mort : « on la voit disparaître au loin », « oui pour cet homme, c'est la représentation de sa femme qui s'en va », « C'est une image d'elle qu'il a parce qu'elle vient de mourir ».

Plan 7

M. Neuville ferme son store et se retourne. D'un air soucieux, il traverse son bureau.

Montrer la fin de quelque chose puis le retour au réel.

Evoquer le passage de l'affectif à l'instinctif ou à la réflexion et celui du passé au présent.

Montrer que le personnage principal est préoccupé, soucieux, qu'il a quelque chose d'urgent à faire.

Donner du rythme à ce plan par le panoramique.

Les effets ressentis, peu nombreux, sont plutôt opposés à ceux souhaités par le réalisateur : « sa façon de réagir est étrange, il ferme les stores, c'est anormal. Pour moi, il n'est pas plus touché que ça ».

Plan 8

Fin de la première partie

M. Neuville se baisse pour ouvrir son minibar. Il en sort une bouteille.

Bruits de porte et de bouteille.

Il prend un verre dans le meuble situé à gauche du minibar. Il pose le verre sur le meuble, ouvre sa bouteille et commence à se servir.

Bruits de capsule de bouteille et de verre.

Montrer l'opposition avec le rythme du plan précédent. Le plan est plus long en plongée alors que le précédent était un panoramique en contre-plongée.

Donner une impression de lenteur et de décalage avec le semblant de retour de

dynamisme et de volonté évoqué dans le plan 7.

Donner une impression de pesanteur, de poids à porter ou de regard de quelqu'un.

Montrer l'habitude prise par M. Neuville de se réconforter avec de l'alcool : précision des gestes, automatisme.

Evoquer la fin de la première partie par un fondu au noir.

Apparemment sans effet sur les spectateurs.

Cette habitude de boire de l'alcool, proche de l'alcoolisme professionnel et mondain, est remarquée. « il picole beaucoup », «c'est un rituel chez lui son verre. Il doit en boire un tous les soirs ». Cet indice influence la projection dans l'avenir. Certains spectateurs voient le personnage principal se noyer dans l'alcool : « oui dans sa bouteille de whisky », « il va boire », « je le verrai bien aussi devenir alcoolique », « il se saoule dans son bureau », etc.

Plan 9

Reprise après la première partie de l'interview de groupe

M. Neuville remplit son verre puis referme sa bouteille de Chivas. Il la pose sur le meuble, puis se baisse de nouveau pour aller chercher quelque chose.

Montrer sa relation un peu dépendante avec l'alcool par une prise de vues en plongée.

Insister sur sa marque préférée de whisky.

Commencer à dévoiler, par un contraste gestuel, le véritable sujet de ses préoccupations

Cette dépendance fut remarquée au plan scène précédent (voir ci-dessus). Ce plan ne rajoute, semble-t-il, rien de plus.

La marque de whisky n'est jamais citée.

L'effet de surprise du à ce contraste gestuel provoque l'étonnement de certains, voire leur désapprobation : « il ne perd pas de temps », « il ne perd pas le nord », « un peu précipité tout de même ».

Plan 10

M. Neuville sort du meuble, de la main droite, un document puis le pose sur le meuble.

Bruits d'un document que l'on pose.

Dévoiler le véritable sujet de ses pensées : un dossier.

Laisser un doute sur son contenu par un plan court.

Attirer l'attention des spectateurs.

Ce plan atteint l'objectif fixé. Il attire l'attention du spectateur.

Plan 11

Le document est un contrat d'obsèques. Il est posé à proximité d'un cadre avec une photographie en noir et blanc d'une femme blonde de 40 à 45 ans tenant de la main gauche un téléphone et de la main droite une boule de billard numérotée. M. Neuville ouvre le contrat d'Obsèques.

Dévoiler rapidement l'objet du dossier.

Evoquer la femme disparue par un objet matériel toujours présent dans le lieu où vit le personnage principal lorsqu'il travaille.

Montrer la personnalité de cette femme : ambitieuse, calculatrice, narquoise, joueuse.

Evoquer par le chiffre 8 soit le monde matériel, soit l'infini ou l'éternité : de l'amour de l'un pour l'autre ?

Montrer l'intérêt du personnage principal pour les choses matérielles, notamment pour le contrat Obsèques.

Ce plan est pour beaucoup dans l'interprétation des causes de la mort de la femme du personnage principal : - une longue maladie (« elle est morte d'une longue maladie, donc tous les papiers étaient préparés », « c'est un contrat du type « mes dernières volontés en cas de décès », c'est normal qu'il le lise ») ; - un assassinat (« il a peut-être supprimé sa femme pour toucher le pactole »).

En revanche, le physique et la personnalité de la femme du personnage principal ne font pas l'objet de commentaires.

Cet objectif est atteint. Ce plan choque même certains spectateurs : «ce qui me choque c'est la rapidité qu'il met pour ouvrir son contrat. Il ne prend même pas le temps de se recueillir ».

 

Plan 12

M. Neuville tourne les pages du contrat

Insister sur son comportement en décalage par rapport à la situation

Objectif atteint quoique certains spectateurs justifient ce comportement : « c'est normal qu'il le lise », « dans ces circonstances, on ne sait pas trop comment on va réagir »

Plan 13

M. Neuville feuillette le contrat et s'attarde sur une des pages du document. Il pose un doigt sur la page.

Mettre en valeur la concentration et l'énergie qu'il met dans sa lecture du contrat d'assurance.

Mettre en valeur le fait qu'il cherchait un paragraphe précis.

Ce plan confirme les précédents mais ne semble pas avoir de conséquences spécifiques hormis le fait qu'il veut se débarrasser de cette tâche : « il va peut-être régler ça rapidement et ensuite il aura le temps pour avoir du chagrin », « Il se débarrasse des papiers tout de suite ».

Il n'y a pas eu de commentaire relatif à ce point précis.

Plan 14

M. Neuville lit avec attention cette page.

Insister sur le point qui le préoccupait tant dans le plan 7.

Il n'y a pas eu de commentaire relatif à ce point précis.

Plan 15

M. Neuville retourne s'asseoir à son bureau avec son verre à la main..

Bruits de fauteuil. Il pose son verre sur le bureau et sort de son sous-main un document.

Montrer que cette découverte lui redonne vie.

Insister sur le contraste du passage de l'immobilité au mouvement par un travelling avant.

Montrer la confidentialité et la préparation avec lesquelles il aborde ses premières heures de veuvage par un changement d'échelle de plans et la présence d'un document dans son sous-main.

Montrer par ce plan que le personnage principal est probablement quelqu'un de bien informer en matière d'assurances.

Laisser planer le doute sur le fait qu'il soit lui-même un assureur ou un escroc à l'assurance.

Ce plan n'est interprété dans ce sens que par certains : « il n'est pas triste. Maintenant, il peut passer à autre chose », éventuellement avec une nouvelle femme. D'où quelques allusions à sa future vie : « il va dépenser la prime d'assurance au Bahamas ».

Ce mouvement de caméra ne semble pas avoir eu d'effet particulier.

Cette allusion est remarquée par un spectateur : « il est peut-être assureur ».

Le doute est incontestablement jeté, ce qui permet à certains d'imaginer une suite à ce film : « il va souscrire une nouvelle police pour sa nouvelle femme », « une enquête policière ou d'un détective de la compagnie d'assurance »

Plan 16

Il s'agit d'un document de prévoyance capital funéraire. M. Neuville ouvre le document.

Insister sur le contenu de son nouveau document par un gros plan en plongée.

Ce plan confirme ceux qui précèdent.

Plan 17

M. Neuville déplie le document.

Montrer que seul le contenu du document intéresse le personnage principal, qu'en le dépliant il se replie sur lui-même.

Ce plan confirme le caractère froid du personnage : « il reste toujours aussi froid, professionnel ».

Plan 18

Le document semble être déjà rempli

Mettre en valeur que tout était prêt. Le décès de son épouse était en quelque sorte planifié.

Le contrat de « fin de mariage » rempli et signé.

L'objectif est atteint par une accumulation d'indices donnés à partir du plan 11.

Plan 19

M. Neuville, assis, lit avec attention le document, les deux coudes sur la table.

Montrer l'avidité du personnage principal, tout au moins son comportement de gestionnaire plus que celui du mari esseulé.

Laisser le spectateur conclure lui-même de la cause de la mort de sa femme : maladie, accident ou meurtre ?

L'objectif est atteint mais le doute subsiste quant aux mobiles du personnage principal : - se débarrasser des tâches administratives au plus vite ; - organiser les obsèques ; - toucher l'assurance décès : « mari sous le choc ou crapule organisée ? ».

Cette liberté donnée aux spectateurs est bien comprise et même appréciée : « c'est à toi de l'achever, c'est voulu », « dans ce genre de film, l'auteur ne finit pas exprès ». 

V- L'analyse des interviews suite à la diffusion de la version 5 : le mari sans état d'âme405(*)

Ce qui frappe les spectateurs des trois groupes qui ont visionné cette version N°5, c'est à la fois le manque de réaction du personnage principal : «le manque de réaction du personnage est flagrant » (Réunion 5). L'étrangeté de sa réaction, «sa réaction est étrange » (Réunion 14) est parfois associée au fait qu'il s'attendait à une telle nouvelle : « la mort semblait prévue. Sa réaction est étrange », « il me semble peu surpris, c'est vrai. Disons qu'il s'y attendait » (Réunion 14).

Le personnage principal est correctement décrit aussi bien dans son aspect physique : « il est moustachu », « il est grand et assez costaud. Il doit avoir 50 ans » (Réunion 9), que dans son métier : « ça a l'air d'être quelqu'un qui a une bonne situation » (Réunion 5), « il doit être chef d'entreprise » (Réunion 9), « C'est sûrement un patron d'une grande boîte ou d'une PME » (Réunion 14).

Son statut professionnel est généralement associé à des indices vestimentaires et à la taille de son bureau : « il a son bureau personnel. Il est bien habillé ». Toutefois, deux participants contestent le fait qu'il soit un cadre ou un chef d'entreprise en s'appuyant sur les mêmes indices. L'un d'eux s'appuyant sur le fait qu'une revue est posée sur le bureau voit le personnage principal en journaliste : « il y a une revue je crois que j'ai vue. Il est peut être journaliste pour une revue de management » ; ce à quoi un autre participant rétorque avec pertinence : « oui, c'est possible, mais les cadres lisent ce type de magazine, donc... » (Réunion 14).

Un autre participant se fonde sur un élément qui avait fait la quasi-unanimité - le bureau - pour dire le contraire des autres : « je ne le vois pas patron. Son bureau est trop petit » (Réunion 14).

Des incohérences apparaissent également dans les propos de certains spectateurs, ce que d'autres relèvent non sans ironie : « - pour quelqu'un qui semble haut placé, le bureau ne lui convient pas vraiment ; - qu'est ce qui te fait dire qu'il est haut placé alors ? »

La gestuelle du personnage principal est également perçue soit comme un indice de possession du bureau, « il a l'air de bien connaître les lieux » (Réunion 5), soit comme un indice de son état psychologique. Mais là encore, les interprétations sont contrastées : pour certains, il est stressé, «  Il a l'air d'être stressé. Il doit courir à l'info souvent. Il ne sourit pas... », pour d'autres, « il est trop calme » (Réunion 14). Ces derniers, plus nombreux, interprètent différemment ce calme apparent : - « il n'est pas concerné par la mort de sa femme. Ca n'a pas l'air de le gêner » ; - « c'est encore à voir. Un homme d'affaires est toujours un peu comme cela quelles que soient les circonstances » (Réunion 5). Reste que certains spectateurs ont trouvé le personnage principal peiné : « Il semblait inquiet aussi. Il attendait cet appel.. Mais il semble déçu au fond », « il est contrarié, on dirait » (Réunion 9). Enfin, quelques-uns le trouvant trop calme imaginent des raisons cachées : « il est trop calme. Ca cache un truc », « Rien ne dit que c'est sa femme... », « étrange tout cela... » (Réunion 14).

Même diversité d'interprétations en ce qui concerne la personne au téléphone : « c'est un médecin », « ou peut-être un parent », « une infirmière », « sa maîtresse », « un vieux pote », « un tueur  » ; le médecin ayant la préférence du plus grand nombre de spectateurs. Plusieurs points sont à noter : - certains participants citent « une infirmière » ou « sa maîtresse » alors que la voix est masculine ; - les paroles, le rythme et l'intonation de la voix laissent penser à certains qu'il s'agit d'un proche, « c'est quelqu'un de proche car elle dit ça très simplement, avec facilité » et à d'autres, au contraire, « le coup de fil est trop bref. C'est un médecin. Un parent aurait parlé plus longtemps » (Réunion 5). Cette voix est aussi à l'origine de l'impression angoissante qu'éprouvent certains spectateurs du film : « il y avait aussi cette voix au téléphone : étrange aussi...Qui est-ce ? On ne sait pas. Tout est étrange dans ce film, c'est un peu angoissant même... » (Réunion 14).

En seconde position, après la voix off, « la femme qui marche dans le sable » est remarquée. Ses attributs physiques et vestimentaires sont définis sans certitude toutefois: « c'est une femme, je crois, mais la personne est de dos », « elle a une jupe et un foulard » (Réunion 9), « la femme sur la plage était voilée...enfin il me semble », « un carré ou un foulard, il n'y a rien de religieux la dedans je pense » (Réunion 14). Plus incertaine encore est son identité : « c'est sa femme » (Réunions 5 et 9), « ou sa maîtresse ... », « vous voyez que ce n'est pas clair... » (Réunion 9).

Cette difficulté d'identification explique en partie la diversité des interprétations de cette scène, allant de : - l'incompréhension totale, « je n'ai pas compris la scène dans le désert » (Réunion 9), - à l'évocation de la maladie et de la mort, « A mon avis, ça représente la femme malade », « oui, il savait qu'elle était malade depuis longtemps. Et ça représente l'éloignement du couple » (Réunion 5), « il la voit partir » (Réunion 9), - à un souvenir de la vie heureuse avant la maladie, « il pense à sa femme. C'est plus un au revoir je pense....ou un lointain souvenir d'elle dans le passé » (Réunion 9).

Dans le bureau, jugé spacieux ou exigu selon les participants, les objets qui ont attiré l'attention sont le téléphone, « il y a un téléphone. Il est important dans l'histoire » (Réunion 5), « oui, il y a un gros téléphone. Il a plusieurs boutons. Il doit avoir plusieurs lignes » (Réunion 14) mais aussi un cadre à photo, une photo de femme dont on ignore l'identité, «mais, est-ce la sienne ? Mystère... » (Réunion 14), ainsi qu'un minibar, des stores. Autrement dit, les objets qui sont mis en situation et valorisés par un cadrage particulier : le gros plan, notamment.

Le bureau ne fait pas l'unanimité et est à l'origine d'échanges contradictoires : « c'est assez simple comme décors ; il y a le bureau qui n'est pas extraordinaire », « je le trouve grand au contraire », « il n'est pas très bien rangé », « ah bon, je n'ai pas vu trop de papiers sur son bureau, c'est rare » : grand vs petit, rangé vs désordonné, directorial et charismatique vs simple et sans charisme, avec un téléphone moderne vs avec un téléphone avec un vieux cadran : « Il manque de charisme ce bureau », « il y a un téléphone avec un vieux cadran », « Ah, non, il est moderne je trouve », « oui, c'est un téléphone, quoi, avec plusieurs lignes ».

Ces différentiels expliquent les divergences dans la datation de l'action du film. Selon que le téléphone et le bureau, notamment, sont jugés actuels ou non, l'action est datée d'aujourd'hui ou d'il y a dix ans : - « je le trouve bien son bureau. Non, cela se situe actuellement à deux ans près » (Réunion 5), « je pense que cela se passe aujourd'hui » (Réunion 14) ; - « il y a dix ans. Les couleurs du bureau font dix ans » (Réunion 5), «pas aujourd'hui. Il n'y a pas d'ordinateur. Dans les années 90 alors... » (Réunion 14). Les avis sont très tranchés et argumentés : - « c'est comme pour le téléphone. Je ne sais pas où ils l'ont trouvé » (Réunion 5), « il n'y a pas d'ordinateur sur le bureau...C'est un comble aujourd'hui » (Réunion 14) ; - « qui te dis qu'il n'a pas un portable high-tech dans un tiroir », « c'est vrai qu'un ordinateur fixe, ça fait secrétaire maintenant, sortez un peu » (Réunion 14).

Les plans en extérieur font l'objet d'une double controverse :

- désert ou plage ? Les avis sont partagés : « il y a des espaces verts dans ce désert ...Peut-être une oasis ? », « ce sont des joncs ou des roseaux. Honnêtement, je ne pense pas que ce soit un désert », « une plage peut-être. Dans les Landes, tu as des paysages comme cela.. » ;

- décors naturels ou effets spéciaux ? « il y a un trucage dans le désert. Il y a un carton dessiné, je pense.. », « non, je ne pense pas. J'ai trouvé ça assez naturel. En plus, il y a des espaces verts dans ce désert ...Peut-être une oasis ? » (Réunion 14).

En moins d'une minute de film, les spectateurs ont une idée des relations qu'entretenait le personnage principal avec sa femme. Toutefois, les avis et les impressions laissés par les premiers plans sont assez disparates.

Certains pensent que le personnage principal tenait à son épouse et le montre par son inquiétude puis sa tristesse : « il avait l'air d'être inquiet », « il avait l'air assez triste, je trouve » (Réunion 9). D'aucuns s'appuient même sur le désordre qu'ils jugent apparent de son bureau pour en conclure que le personnage principal est désorienté : « [son bureau] il n'est pas très bien rangé ... on sent tout de même un certain laisser-aller chez la personne. Il doit être perturbé par sa femme depuis un moment » (Réunion 5).

Cette impression est contestée par ceux qui trouvent qu'il est trop calme : « il cache ses sentiments. Il intériorise peut-être » (Réunion 5). Et plus encore, par ceux qui estiment qu'il se désintéresse de son épouse : « cela ne devait pas aller fort », « son travail devait passer avant tout. Que fait-il dans son bureau à ce moment-là ? », « ils étaient peut-être divorcés » (Réunions 5, 9, 14).

D'autres vont plus loin en imaginant une raison vénale : « pourquoi, il n'est pas à l'hôpital avec elle ? Il l'a peut-être tuée.. », « si ça se trouve c'était un tueur au téléphone », « oui, enfin, il y a peut-être une histoire d'argent...Sa femme était peut-être très riche. », « le fait de dire « on a tout fait pour qu'elle ne souffre pas ... C'est pas très net. », « [c'est une phrase de toubib] ou d'un tueur professionnel... » (Réunion 9).

La musique est, sans conteste, pour quelque chose, dans cette impression d'étrangeté, voire d'angoisse, que ressentent de nombreux spectateurs. « il y a une musique mystérieuse », « un peu envoûtante, chinoise je crois » (Réunion 9), « il y a une musique assez lente. Elle correspond à la situation », « lente et un peu étrange aussi, un peu asiatique, je pense.. » (Réunion 14).

Il est intéressant de souligner que certains spectateurs ont perçu des différences (de présence, de rythme) selon les plans, ce qui n'est pas, en réalité, le cas : «: la musique est différente entre le début et la fin. Au début, elle est angoissante quand il marche dans son bureau. Ensuite, la musique est plus douce » (Réunion 5), « elle apparaît après l'annonce au téléphone » (Réunion 9).

Certains interprètent cette variation (imaginaire) comme la marque d'un changement : « [la musique est plus douce], comme si la mort de sa femme était une délivrance », « cela ne veut pas dire pour autant qu'il est heureux, il peut être soulagé que sa femme ne souffre plus ». (Réunion 5)

 

La variété des avis se retrouve dans le classement de ce film d'un genre cinématographique. Sa très courte durée fait penser, à quelques-uns, à un court-métrage ou à un spot publicitaire bien que « non, c'est trop long pour une pub » (Réunion 5). D'un point de vue strictement générique, les participants aux réunions citent : le drame, le policier, le polar, la tragédie avec encore quelques hésitations chez certains -  moi, je pense que c'est soit un policier soit un drame » (Réunion 14) - voire un refus de se prononcer encore : « ou le début d'un film, donc difficile à dire... ».

Viennent ensuite des appréciations plus esthétiques et artistiques, fondées sur le récit, les moyens utilisés, le type de montage et le casting : « une série B », « oui, c'est très banal. Le message est simple et on voit toujours les mêmes plans » (Réunion 5), « Ca fait un peu Les Feux de l'amour », « oui un peu, d'ailleurs le comédien ressemble à un acteur américain...de cette série, je crois » (Réunion 9), « un Derrick », « une série américaine ou allemande, ou un téléfilm de l'après-midi » (Réunion 14).

La projection dans l'avenir demandée aux participants fait apparaître la variété des possibilités. Selon leurs premières impressions, les participants imaginent que (Réunions 5, 9, 14) :

- dans le meilleur des cas, celui où il tenait à son épouse : le personnage principal se précipite à l'hôpital, téléphone à sa famille et à ses proches, plonge dans ses souvenirs, se suicide, se saoule puis a un accident de voiture,

- dans une version neutre : le personnage reprend son travail comme si de rien n'était, s'occupe des papiers pour le décès, la succession et/ou l'assurance, etc.

- dans le pire des cas, celui où il ne tenait pas à son épouse : le personnage principal rejoint sa maîtresse, ou le tueur de son épouse, le paye : « si c'est le tueur, je le vois bien appeler la police.. », « il va partir. Il va peut-être payer le tueur », « oui, je vois bien cela aussi, il paye le tueur ». (Réunion 5)

Comme pour faire écho à la remarque de l'un des spectateurs - « ça manque d'action...Peut-être que ça va commencer... » (Réunion 14) - la fin proposée par le réalisateur est jugée brutale et surtout révélatrice de la personnalité et des sentiments du personnage principal qui, jusque là, bénéficiait d'une image plutôt favorable.

Il apparaît clairement comme un calculateur : « Là, on a la preuve qu'il avait prévu la mort de sa femme. Il avait prévu un contrat », « oui, il tourne la page en tombant le cadre. A mon avis, ce n'est pas un meurtre, elle était malade depuis plusieurs mois », « tout était prévu. Il va toucher les droits. Mais sa femme ne comptait plus pour lui » (Réunion 9), « c'est révélateur. Il y a une histoire d'argent. Il sort tout de suite son contrat d'obsèques », « il y a une histoire de capital aussi. Sa femme devait avoir des parts dans la boîte » (Réunion 14).

Pire, il est qualifié d'assassin ou, tout au moins, de commanditaire : « il a sans doute assassiné sa femme », «ou anesthésiée » (Réunion 5), « il ne l'a pas tuée mais peut-être fait tuer...différence », « le résultat est le même » (Réunion 14).

Sa gestuelle lui vaut des commentaires désobligeants, notamment le geste d'ouvrir le contrat d'obsèques et, surtout, celui de faire tomber le cadre de la photo de son épouse : « c'est vrai que ce geste n'est pas élégant mais cela rappelle quand on arrêtait les horloges », «  lui, il aurait tendance à les remettre à l'heure et à remettre les compteurs à zéro » (Réunion 5), « il tourne la page en tombant le cadre », « son geste n'est pas rassurant : il s'en foutait ou voulait se débarrasser d'elle » (Réunion 9).

Passée la surprise de cette fin assez inattendue et jugée choquante par certains, quelques participants tentent d'en diminuer l'effet. Les uns en laissant croire qu'ils s'en doutaient, que cette fin est fréquente dans les téléfilms et dans les séries : « je m'en doutais. Ca fait téléfilm. Le coup de l'assurance, c'est fréquent ». Les autres tentent de justifier les gestes incongrus : « c'est peut-être une assurance obsèques, vous voyez le mal partout », « il ne peut plus regarder la photo de sa femme, c'est fréquent après un décès » (Réunion 5).

Cette fin, bien que surprenante, semble respecter le principe de la continuité narrative : « on dirait une partie d'échec. Tout semble calculé jusqu'à la fin qui fait un échec et mat ». Comme pour éviter de trop montrer ses émotions - ce que d'autres n'hésitent pas à exprimer : « moi ça me rappelle des films noirs, j'en ai la chair de poule... », « ou un film sans fin comme parfois il y en a pour pousser les gens à penser... », « tu vas mal dormir cette nuit ? » (Réunion 14) - ou pour paraître désabusés, certains reviennent sur leur comparaison avec des séries et films télévisuels : « Columbo ou Les Feux de l'amour », « Dallas » (Réunion 9). Mais, cette comparaison n'est que superficielle selon les participants les plus touchés : « quoique là, il n'a aucun sentiment on dirait. Dans ces feuilletons, le mec a parfois quelques remords. Alors que là, il s'en fout complètement » (Réunion 14).

Compte tenu de la variété des avis et opinions des spectateurs que nous venons de présenter, nous allons comparer pour chacun des plans du film le sens que souhaitait générer le réalisateur avec celui perçu par les spectateurs comme nous l'avons fait pour les quatre premières versions.

Numéro du plan

Contenu

Sens voulu par le réalisateur

Sens perçu par les spectateurs

Plan 1

M. Neuville, un cadre supérieur d'une entreprise, marche de long en large derrière son bureau. Il semble impatient et regarde sa montre. Le téléphone sonne.

Bruits d'une sonnerie de téléphone

Montrer le statut du personnage principal par ses vêtements (costume, cravate), son stylo, son bureau de directeur : ameublement fonctionnel, plante verte, moquette, etc.

Le montrer dans une situation initiale, dans laquelle il attend une nouvelle importante.

Evoquer une nouvelle plutôt heureuse que malheureuse en le montrant très impatient de savoir.

Le statut professionnel n'est pas identifié par tout le monde, bien que les titres de patron, de chef d'entreprise, de cadre soient souvent cités. Les objets et le bureau font croire à certains que le personnage puisse être un journaliste, voire un ouvrier : « On dirait un bureau d'ouvrier... » (Réunion 14).

Les gestes évoquant son impatience, son attente d'une information importante à ses yeux sont souvent perçus comme du stress ou de la forte activité professionnelle.

Plan 2

Le téléphone sonne. M. Neuville décroche son téléphone.

Mettre en valeur, grâce au gros plan, l'événement qui va bouleverser la situation initiale.

Ce plan atteint son objectif : « il y a un téléphone. Il est important dans l'histoire ». Le gros plan est remarqué ; trop peut-être puisqu'il est souvent associé à l'idée qu'il s'agit d'un téléfilm ou d'une série.

Plan 3

Une voix off masculine neutre dit : « Monsieur Neuville ? ».

M. Neuville répond « Oui ! »

La voix off poursuit : « Je vous téléphone pour vous annoncer le décès de votre femme. On a tout fait pour qu'elle ne souffre pas ».

M. Neuville lui répond : « Merci de m'avoir prévenu ». Il raccroche.

Mettre en opposition l'attitude impatiente, voire stressée, et dynamique d'un responsable d'entreprise et son comportement après l'annonce de la mort de sa femme.

Le vouvoiement est le seul élément d'identification de la personne dont on entend la voix (off).

Evoquer le fait que cet homme a eu un rôle dans les derniers moments de la vie de la femme et qu'il appartient à un service hospitalier. Rien n'indique en revanche son statut : médecin, infirmier ?

Montrer le personnage principal reprendre le contrôle de la situation par un ton directorial.

Laisser planer le doute sur le fait que cette attitude est comme une sorte de refuge ou de carapace pour se protéger.

Ce plan est sans doute pour beaucoup dans les commentaires selon lesquels le personnage principal a un comportement étrange, hésitant entre stress et calme, indifférence et peine, froideur et inquiétude.

La voix off masculine est parfois attribuée à une femme : infirmière, maîtresse (?)

Le vouvoiement n'est pas remarqué par tous, notamment par ceux qui pensent que c'est un proche ou « un vieux pote » au téléphone.

Cette évocation est perçue par ceux qui pensent à un membre du corps médical ou à un tueur commandité par le personnage principal. Le médecin a la préférence du plus grand nombre de spectateurs.

Le fait que soit jugé si étrange le comportement du personnage vient probablement de là, sa froideur aussi. «Un homme d'affaires est toujours un peu comme cela quelles que soient les circonstances ». 

Ce doute est réel chez certains, malheureusement minoritaires : « il cache ses sentiments. Il intériorise peut-être ».

Plan 4

M. Neuville se dirige vers la fenêtre de son bureau et commence à ouvrir ses stores.

Montrer qu'il a besoin de réfléchir en sortant de son contexte de travail.

Ce plan n'a pas réellement l'effet escompté. La gestuelle du personnage principal est perçue soit comme un indice de possession du bureau, « il a l'air de bien connaître les lieux », soit comme un indice de son état de stress ou de suractivité. 

Plan 5

M. Neuville finit d'ouvrir ses stores et regarde à la fenêtre. Il observe à ce moment-là une voiture qui passe avec les feux allumés.

Montrer que sa pensée quitte le bureau, pour l'extérieur, la ville, la nuit.

Evoquer les oppositions lumière/obscurité, vie/mort, immobilité/mouvement.

Apparemment sans effet sur les spectateurs.

Apparemment sans effet sur les spectateurs. Ce plan a permis, en revanche, de situer le moment de la journée au cours duquel l'action se déroule : « le soir ou très tôt le matin, c'est une question de luminosité » (Réunion 5)

Plan 6

Une femme en tailleur en jean bleu et portant un foulard de type carré bleu marche en s'éloignant dans des dunes de sable

Annoncer, par un fondu enchaîné entre les plans 5 et 6, un flash-back.

Evoquer le temps qui passe, le départ d'une femme seule, l'éloignement progressif puis la disparition. Evoquer avec les images du désert la désolation et la stérilité et/ou la réflexion sur le passé.

Cette scène a eu moins d'effets que prévu. Les participants semblent s'être plus attachés à identifier la femme et le lieu de l'action que de comprendre le sens. La difficulté d'identification explique en partie la diversité des interprétations de cette scène, allant de : - l'incompréhension totale, « je n'ai pas compris la scène dans le désert », - à l'évocation de la maladie et de la mort, - à un souvenir de la vie heureuse avant la maladie.

Plan 7

M. Neuville ferme son store et se retourne. D'un air soucieux, il traverse son bureau.

Montrer la fin de quelque chose puis le retour au réel.

Evoquer le passage de l'affectif à l'instinctif ou à la réflexion et celui du passé au présent.

Montrer que le personnage principal est préoccupé, soucieux, qu'il a quelque chose d'urgent à faire.

Donner du rythme à ce plan par le panoramique.

L'effet sur les spectateurs n'est pas net.

Cette évocation peut avoir augmenté le caractère étrange du comportement du personnage principal aux yeux de certains spectateurs.

Ce changement de rythme est sans doute pour beaucoup dans la dichotomie perçue entre calme et stress.

Aucune remarque n'a été faite sur ce panoramique.

Plan 8

Fin de la première partie

M. Neuville se baisse pour prendre quelque chose

Montrer l'opposition avec le rythme du plan précédent plus long et en panoramique.

Laisser planer un doute sur ce que le personnage principal cherche.

Evoquer la fin de la première partie par un fondu au noir.

Aucune remarque n'a été faite sur ce dernier plan de la première partie mais il a sans doute contribué à élargir les possibilités de fin imaginées par les spectateurs qui dévoilent le meilleur et le pire de l'homme.

Plan 9

Reprise après la première partie de l'interview de groupe

M. Neuville sort un document d'un meuble de bureau puis le pose sur le meuble.

Montrer l'objet qu'il cherchait dans le plan précédent.

Ce geste est bien remarqué.

Plan 10

M. Neuville ouvre le document. Il s'agit d'un contrat d'obsèques situé à proximité d'un cadre avec une photographie en noir et blanc d'une femme blonde de 40 à 45 ans tenant de la main gauche un téléphone et de la main droite une boule de billard numérotée

Dévoiler le véritable sujet de ses pensées : un contrat d'obsèques.

Evoquer la femme disparue par un objet matériel toujours présent dans le lieu où vit le personnage principal lorsqu'il travaille.

Montrer la personnalité de cette femme : ambitieuse, calculatrice, narquoise, joueuse.

L'image est suffisamment claire pour modifier radicalement celle du personnage principal.

Le cadre de la photographie de sa femme est nettement vu. Sa présence est considérée comme un piège par un participant : « il y avait quand même le cadre de sa femme dans son bureau. Donc elle comptait encore pour lui] - ça ne veut rien dire ça ! C'est peut-être une ruse » (Réunion 9).

Plan 11

M. Neuville regarde le contrat d'obsèques.

Dévoiler rapidement l'objet du dossier. Montrer l'intérêt du personnage principal pour les choses matérielles, notamment pour le contrat Obsèques.

Ce plan est pour beaucoup dans l'image vénale du personnage principal.

Plan 12

Les mains de M. Neuville tournent les pages du contrat

Insister sur son comportement en décalage par rapport à la situation.

Ce plan renforce l'effet du plan 11.

Plan 13

Très gros plan sur les pages du contrat. M. Neuville s'attarde sur une des pages du contrat

Mettre en valeur la concentration et l'énergie qu'il met dans sa lecture du contrat d'assurance.

Mettre en valeur le fait qu'il y cherchait une information précise.

Ce plan renforce les deux plans précédents. Il renforce chez certains participants l'idée que la mort puisse ne pas être naturelle :

« bon, de là à se précipiter vers son contrat, c'est quand même un peu louche ! Et puis, on insiste sur le contrat avec un gros plan... » (Réunion 14)

Plan 14

Gros plan sur les mains et le contrat. M. Neuville ferme le contrat et tend une main vers le cadre à la photo.

Insister sur le point qui le préoccupait tant dans le plan 7.

Mettre en valeur le fait que le personnage principal à trouver ce qu'il cherchait et qu'il ferme le contrat comme s'il fermait une page de sa vie.

Ce plan renforce le plan 13 et contribue à l'idée que le personnage principal était préoccupé par le capital que lui rapporterait la mort de son épouse.

Plan 15

Le cadre tombe sur le contrat.

Bruits de cadre.

Mettre en valeur le fait que le cadre tombe sur le contrat.

Laisser planer un doute sur la raison de la chute du cadre : le mari le fait tomber exprès ou il tombe alors qu'il souhaitait le prendre en main pour le regarder.

Donner l'impression que quelle qu'en soit la raison : le dossier est clos...que le cadre est tombé comme la lame d'une guillotine ou un clap de Fin.

Provoquer un sentiment de malaise et l'augmenter par le plan en plongée.

Cette chute du cadre a frappé les esprits des participants.

Aucun doute n'est exprimé. La messe est dite, la chute est le fait du mari. Son geste est jugé très négativement sauf par un participant qui tente de le comprendre : « il ne peut plus regarder la photo de sa femme, c'est fréquent après un décès » (Réunion 5).

Les remarques faites prouvent que le but est atteint : «ce geste n'est pas élégant mais cela rappelle quand on arrêtait les horloges », « lui, il aurait tendance à remettre les compteurs à zéro », « il tourne la page en tombant le cadre ».

Ce sentiment est clairement exprimé par certains : « j'en ai la chair de poule... », « un film sans fin comme parfois il y en a pour pousser les gens à penser », « ça fait réfléchir ». Par d'autres en utilisant la dérision ou l'humour noir : « [c'est peut-être une pub pour les assurances], oui possible...avec pour slogan : pour rester froid à la mort de votre femme, assurez-vous ! » (Réunion 14)

* 404 Rappel : il s'agit de la première version du scénario 4 : le mari intéressé

* 405 Rappel : il s'agit de la deuxième version du scénario 4 : le mari intéressé

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo