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Approche communicationnelle des films de fiction


par Alexandre Chirouze
Université Montpellier 3 - Doctorat 2006
  

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Un troisième personnage est repéré dans cette version, au travers une photographie (plan d'une seconde). Est-ce la taille du plan et/ou sa faible durée, ou le fait que la photo soit en noir et blanc, les perceptions sont très divergentes quant à l'âge de la personne photographiée (en réalité 35-40 ans), la couleur des cheveux (femme brune) : « elle avait des cheveux blancs », « elle est blonde », « elle était brune » (Réunion 7). Il faut noter le même doute qui entoure le statut de cette femme : « c'est une vieille photo en noir et blanc. Je pense que c'est sa femme », (Réunion 2), « c'est une photo de sa femme, sans doute, ou de sa fille. » (Réunion 7).

En matière décorative, l'aménagement du bureau n'est pas apprécié de la même façon. Certains le jugent dépassé : « il fait ancien dans sa disposition », « il y a un vieux store qui semble abîmé » (Réunion 2), d'autres le trouvent vaste et fonctionnel et l'associent au statut directorial du personnage principal, « j'ai surtout remarqué le vide sur le bureau », « c'est le signe de son niveau hiérarchique » (Réunion 4). D'autres, enfin, constatent la présence d'un téléphone, d'une plante verte et d'un « frigo Philips » (Réunion 2).

La présence du minibar est interprétée très différemment selon les spectateurs, positivement pour certains, négativement pour d'autres qui n'apprécient pas le bureau globalement : « le frigo Philips me gêne en face du bureau. Il n'a rien à faire là je trouve », « je vois mal un frigo dans un bureau comme celui-là » (Réunion 2).

La marque du minibar a attiré l'attention de certains : « On voit bien la marque Philips. Il est marron en face du bureau » (Réunion 4). L'un des spectateurs va même jusqu'à penser à un placement de produit : « la marque sponsorise le film » (Réunion 4), ce qui ne correspond en rien à la réalité du financement de ce film.

Certains remarquent l'absence choquante d'un ordinateur pour un bureau de directeur ( ?) : « il n'y a pas d'ordinateur ! Et de nos jours il y a toujours un ordinateur dans un bureau » (Réunion 2). Mais pour d'autres, un véritable responsable d'entreprise n'a pas besoin d'ordinateur étant sous-entendu qu'il a des collaborateurs pour cela.. « tu as vu un ordinateur sur un bureau de ministre, toi ? (...) » (Réunion 7)

Un spectateur, très sûr de lui, affirme péremptoirement que : « c'est un studio de tournage, il y a un poster noir pour faire nuit », ce qui n'est pas le cas..

Quant à la scène de la femme qui marche dans le sable, elle a été tournée, selon les spectateurs, soit en Bretagne, soit dans le désert : « ça a été tourné dans le Sahara. Je connais bien le Sahara et ça lui ressemble ». Le doute est parfois de mise : « pour moi, c'est une plage mais pourquoi pas le désert aussi » (Réunion 2).

Les relations entre le personnage principal et sa femme décédée sont difficiles à définir.

Trois groupes de spectateurs se distinguent :

- l'un considère que le mari n'a pas l'air de regretter sa femme, «il n'a pas l'air de la regretter », « il ne me semble pas plus triste que ça » (Réunion 2), « il n'est pas perturbé par la mort de sa femme. Ca ne devait plus aller entre les deux » (Réunion 4)

- le deuxième groupe n'est pas du tout d'accord et semble croire en la réalité des sentiments entre les deux époux : « désolé, mais je ne suis pas d'accord. Tout indique au contraire qu'il tenait à elle : le coup de la fenêtre, le regard dans le vide, l'image de la femme qui s'éloigne » (Réunion 7), « il semble affecté quand même » (Réunion 4)

- le troisième groupe considère que le personnage principal cache soit sa tristesse « il prend sur lui. Il ne veut pas montrer ses émotions » (Réunion 2), soit son jeu « En fait, on ne croit pas à l'accident. On s'attend à quelque chose d'autre » (Réunion 7). L'un des spectateurs va même jusqu'à penser que c'est une façon de créer un certain suspense : «C'est sans doute l'idée du film : laisser planer le doute » (Réunion 7).

L'époque pendant laquelle l'action du film se déroule est également perçue différemment selon les spectateurs.

Là encore, plusieurs groupes se dégagent :

- L'un d'eux situe l'action dans les années 80, « Dans les années 80. Avec un mobilier comme ça...Et pas d'ordinateur non plus... » (Réunion 7). Les spectateurs de cet avis avancent le côté démodé des vêtements et du bureau : « A cause des habits et du bureau qui fait vieux » (Réunion 2), « ce téléphone. Il est vieux. Avec des trucs pour noter les noms dessus » (Réunion 7), « ce frigo avec cette marque très visible...Il est assez ringard » (Réunion 7)

- Un autre groupe situe l'action dans les années 90 : « c'est plus vieux. Ca ne se passe pas en 2004. Quand on voit les meubles, le téléphone ; non, c'est plus ancien que ça... disons 10 ans à peu près » (Réunion 4).

- Plus proche de la vérité, un troisième groupe situe l'action de nos jours : « Ca se passe de nos jours » (Réunion 4). Le plus surprenant est que les arguments utilisés sont les mêmes quelle que soit la période pendant l'action : les vêtements, le bureau, etc.. Selon les deux premiers groupes, ils sont démodés, voire ringards. Pour le dernier, ils sont conformes à ce qui existe actuellement : « vous devriez sortir un peu et aller dans une entreprise, vous auriez des surprises. C'est un bureau tout à fait correct au contraire (...) c'est un bureau de directeur pas de milliardaire » (Réunion 7).

Le genre dans lequel les spectateurs situeraient le film ne fait pas non plus l'unanimité. Drame, tragédie, policier, film noir, sitcom, téléfilm allemand, court-métrage sont cités. Certains avancent l'atmosphère d'un film policier, « tout est dans l'atmosphère » (Réunion 7).

D'autres ne veulent pas se prononcer sous prétexte qu' « il faudrait voir la suite pour dire si c'est un policier » (Réunion 2).

Dans la bande son, la musique est, avec la voix off et la sonnerie du téléphone, l'élément le plus remarqué alors que pour le réalisateur, il ne s'agissait pas d'un élément déterminant. Il souhaitait que la musique extra-diégétique soit identique pour les cinq versions, qu'elle permette toutes les interprétations, qu'enfin elle soit libre de droit. Les remarques faites à son sujet sont plutôt favorables : « Il y a une musique chinoise (...), c'est une musique lente  (...), on l'entend beaucoup quand on voit la plage » (Réunion 2). « il y a une musique qui va bien avec le film...Mais je ne sais plus ce que c'est (...) une musique douce qui colle bien » (Réunion 7).

Après avoir diffusé la première partie, l'animateur demandait aux participants aux interviews de groupe d'imaginer une fin à ce film. Les fins du film imaginées par les spectateurs après le fondu au noir du plan 15 sont très diverses :

- certains voient la tristesse et la solitude du mari : « il va pleurer longtemps je pense et rester dans son bureau », « il aura du mal à s'y faire » (Réunion 2). Deux d'entre eux vont jusqu'à penser au suicide. 

- D'autres imaginent une machination et une enquête policière : « il a tué sa femme et on va le savoir (...) il a peut-être fait appel à un tueur » (Réunion 2)

- D'autres encore voient le mari se reprendre, « faire la fête », « je le verrai se remettre » (Réunion 2) ou, au contraire, se remonter le moral avec de l'alcool : « il va continuer à boire », « il va finir sa bouteille » (Réunion 4), « il va se saouler » (Réunion 7).

- Certains pensent qu'il fera appel à quelqu'un, «  je le verrai bien appeler quelqu'un » (Réunion 4) et évoquent l'hypothèse qu'il appelle sa maîtresse, « ou sa maîtresse va arriver (...) oui forcément un truc comme cela » (Réunion 7).

A la suite de la projection de la deuxième partie du film, la fin imaginée par le réalisateur suscite des avis et jugements divergents :

- certains jugent cette fin conforme à ce qu'ils avaient imaginé, «c'est un peu ce que j'avais dit » (Réunion 2), «c'est dans la logique des choses », « un drame est un drame », « c'est un peu mélo, mais bon, je le disais c'est une tragédie » (Réunion 7 ». Trop conforme même pour l'un d'eux : « c'est trop banal » (Réunion 2).

- Toutefois, la majorité des spectateurs est surprise, ne pensant pas que le mari était si affecté par le décès de son épouse : « je ne le trouvais pas très affecté par la mort de sa femme, alors cela m'étonne », «il avait un coeur en tout cas, je ne le pensais pas (...) Eh oui, je ne le voyais pas si insensible, tant mieux » (Réunion 4).

- Quelques spectateurs sont déçus voire assez critiques : « deux morts en 5 minutes, c'est un peu morbide », « j'aurai préféré une autre fin », « trop prise de tête » (Réunion 7),

- D'autres attendent, malgré tout, un happy end, «il va se réveiller, c'est un cauchemar », « tu cherches toujours le happy end » (Réunion 7), « il va se réveiller, il n'est pas mort, je pense. Juste tombé dans les pommes », « il va retourner dans le désert où il allait avec sa femme » (Réunion 4).

Un point important est à noter : parmi les spectateurs qui classaient le film dans le genre des films policiers, certains persistent dans leur position : « C'est quoi un whisky empoisonné ? » (Réunion 4).

Le décalage entre la fin du film et le genre dans lequel ils le situaient provoque donc : - soit une sorte de frustration, « ça me semble pas logique », « moi, je trouve ça surprenant », « on manque d'explications. En fait, ce n'est pas assez long », « nous n'avons que la fin et pas tous les pièces du puzzle » ; - soit, la conviction chez certains que le film va se poursuivre ou que ce n'est qu'un extrait : « en fait ce qui nous manque c'est le début », « je ne suis pas d'accord, à mon avis, il va y avoir une enquête de police », « Ah ! Pas mal, j'aimerais bien aussi » (Réunion 2), « on pourrait imaginer un retour en arrière sur plusieurs années» (Réunion 7).

Compte tenu de la variété des avis et des opinions des spectateurs que nous venons de présenter, nous avons comparé pour chacun des plans du film le sens que souhaitait générer le réalisateur avec celui perçu par les spectateurs.

Cette comparaison plan par plan a ses limites. La principale d'entre elles vient du fait qu'après le découpage du corpus de l'interview de groupe en unités de contenu, la catégorisation n'est pas faite sur la base de groupes d'éléments de même sens, comme on doit le faire (Bardin, 1986), mais par plan. Autrement dit, cette catégorisation par plan ne repose pas sur la signification mais sur le découpage du film.

Nous avions imaginé des solutions pour éviter ce type de catégorisation ex ante. La première était de procéder à des arrêts sur image à la fin de chaque plan ; nous avons expliqué plus haut les raisons pour lesquelles nous nous refusions à le faire, notamment celle relative au respect de la continuité. La deuxième était de demander, lors de la discussion de groupe, aux participants de débattre sur chaque plan, en leur imposant un guide d'entretien structuré par plan (c'est-à-dire plutôt un questionnaire ouvert), voire en projetant une image choisie de chaque plan. Nous avons renoncé à cette solution méthodologique pour ne pas introduire davantage de directivité dans nos interviews.

Nous avons donc, malgré les limites que nous venons d'évoquer, opté pour une catégorisation plan par plan afin de comparer les effets recherchés par le réalisateur, strictement définis plan par plan en amont par le réalisateur-monteur lui-même, et les effets perçus par les spectateurs catégorisés en aval par l'analyste.

Analyse comparative du sens

Numéro du plan

Contenu

Sens voulu par le réalisateur

Sens perçu par les spectateurs

Plan 1

M. Neuville, un cadre supérieur d'une entreprise, est assis à son bureau. Il consulte un dossier. Son téléphone sonne (à 10''44). Il dirige sa main vers le combiné.

Montrer le statut du personnage principal par ses vêtements (costume, cravate), son stylo, son bureau de directeur : ameublement fonctionnel, plante verte, moquette, etc.

Le montrer dans une situation initiale, normale de travail, en train de lire et de traiter un dossier important

Les éléments identitaires du personnage principal sont globalement bien compris par les spectateurs : statut, âge, etc.

En revanche, l'interprétation temporelle des décors et costumes est très variable.

Plan 2

Le téléphone sonne

Mettre en valeur, grâce au gros plan, l'événement qui va bouleverser la situation initiale.

L'objectif est atteint mais certains spectateurs ont, étrangement, jugé l'appareil vieillot ce qui les a, entre autres, trompés sur le moment où se situe l'action. La question qui se pose est donc de savoir si c'est l'appareil lui-même qui fait ancien ou si c'est le gros plan qui accentue cet effet : « dans les Derrick, il y a toujours un téléphone en gros plan ».

Plan 3

M. Neuville, assis, décroche le combiné et dit d'une façon interrogative « Oui ? ».

Une voix off féminine dit « M. Neuville, je vous téléphone pour vous annoncer que votre femme est morte ». Bruits de sirène d'ambulance, de clavier d'ordinateur et d'imprimante

Mettre en opposition l'attitude froide et contrôlée d'un responsable d'entreprise et son comportement après l'annonce de la mort de sa femme. Le vouvoiement et les bruits hors champ diégétiques sont des éléments d'identification de la personne dont on entend la voix (off). Il s'agit d'une personne d'un service hospitalier. Rien n'indique en revanche son statut : médecin, infirmière ou simple secrétaire ? Mais le bruit d'un clavier d'ordinateur semble indiquer qu'il s'agit d'une secrétaire.

Certains spectateurs, mais pas la majorité, ont parfaitement compris l'attitude froide du personnage, «  Il y a des gens qui réagissent comme ça dans la vie. Ca me semble assez crédible ». Attitude que d'aucuns expliquent par ses grandes responsabilités dans une entreprise.

En revanche, le vouvoiement et les bruits hors champ d'un hôpital ont permis l'identification de la personne à la voix off , sans toutefois lui donner un statut exact comme c'était souhaité par le réalisateur. Le statut de secrétaire est peu cité.

Plan 4

M. Neuville reste un moment silencieux

Insister sur l'effet de surprise sur le personnage. Montrer sa réaction face au changement de situation

Cet effet est peu perçu par les spectateurs qui, pour la plupart, trouvent que le personnage est assez insensible.

Certains pensent qu'il se doutait de la nouvelle :

« il me semble qu'il s'attendait à tout ça. (...). Tout était réglé d'avance pour lui. », « oui, c'est pour cela qu'il ne semble pas surpris quand il reçoit le coup de fil. »

En revanche, un assez grand nombre de spectateurs sont choqués de la brutalité avec laquelle l'hospitalier annonce la nouvelle. « on ne donne pas une telle nouvelle par téléphone ». Cette brutalité peut avoir atténué le jeu de l'acteur.

Plan 5

M. Neuville écoute son interlocutrice poursuivre en voix off : «Nous avons tout fait pour qu'elle ne souffre pas »

Montrer les réactions du personnage principal, ses mimiques (hochements de tête, moue, fermeture du visage, etc.) sans trop en révéler grâce à sa moustache.

Le jeu de l'acteur a influencé peu de spectateurs, « il n'est pas très expressif (...) »

Plan 6

M. Neuville répond : « Merci de m'avoir prévenu ». Il se lève vers les stores de sa fenêtre. Il commence à ouvrir ses stores

Montrer le personnage reprendre le contrôle de la situation par un ton directorial.

Montrer qu'il a besoin de réfléchir en sortant de son contexte de travail

Certains spectateurs ont bien compris la maîtrise dont faisait preuve le personnage, ce qui leur permet de moins mal le juger : « ou alors il prend sur lui. Il ne veut pas montrer ses émotions », « il semble affecté quand même. Mais il le cache ».

En revanche, le fait qu'il se lève pour aller à la fenêtre est peu interprété, et cependant, de façons différentes : plus souvent négativement et de manière incorrecte (par rapport à l'objectif du réalisateur), « il va voir à sa fenêtre comme si de rien n'était », « Sa façon de marcher au début. Tout était réglé d'avance », plus rarement positivement et de manière correcte : « il tenait à elle : le coup de la fenêtre, le regard dans le vide ... ».

Plan 7

M. Neuville ouvre complètement ses stores et regarde à la fenêtre

Montrer que sa pensée quitte le bureau, pour l'extérieur, la ville, la nuit.

Evoquer l'opposition lumière/obscurité, vie/mort.

Un seul spectateur l'a vraiment comprise : «c'est pour regarder le lointain, c'est une image du temps qu'on ne peut pas rattraper ». 

Les autres doutent ou l'interprètent comme de l'indifférence.

Plan 8

Une femme en tailleur en jean bleu et portant un foulard de type carré bleu marche en s'éloignant dans des dunes de sable

Evoquer le temps qui passe, le départ d'une femme seule, l'éloignement progressif puis la disparition. Evoquer avec les images du désert la désolation et la stérilité et/ou la réflexion sur le passé.

L'interprétation est très variable allant de l'incompréhension totale, au doute, à l'identification d'un flashback ou, à l'opposé d'un flashforward, à celle de la femme décédée ou d'une maîtresse, en passant par la reconnaissance de ralentis qui n'existent pas jusqu'à une interprétation correcte - mais très rare - du plan : « c'est une évocation de la personne qui part. Cela symbolise le passage de la vie à la mort », « C'est le souvenir de sa femme et encore une image de son départ dans l'immensité ».

Plan 9

M. Neuville ferme son store et se retourne

Montrer la fin de quelque chose puis le retour au réel.

Peu de spectateurs le ressentent. Cependant quelques remarques font croire que ce plan n'est pas passé totalement inaperçu : « il a l'air d'être très investi dans son travail. », «même si son boulot passait avant sa femme ».

Plan 10

Un cadre avec une photographie est posé sur un meuble de bureau long et bas. La photographie est celle d'une femme de 35-40 ans, brune

Evoquer la femme disparue par un objet matériel toujours présent dans le lieu où vit le personnage principal lorsqu'il travaille.

La photographie est nettement remarquée. En revanche, son interprétation est variable quant aux critères d'âge, de physique et de couleur de cheveux. Le statut de la personne en photo est également variable selon les spectateurs. Il s'agit selon eux soit de la femme du personnage principal, soit de sa maîtresse, soit de sa fille. Un seul spectateur remarque que le lieu où se trouve la photo, son bureau, rend difficile le fait qu'il puisse s'agir d'une photo de sa maîtresse : « dans son bureau il ne pourrait pas mettre une autre photo (que celle de sa femme) tout de même ».

Plan 11

M. Neuville s'avance en direction du meuble de bureau

Montrer l'attirance quasi-magnétique de cet objet pour le personnage principal.

Montrer que la photo de cette femme lui redonne de l'énergie.

Donner du rythme à ce plan par le panoramique

Apparemment sans effet particulier sur les

spectateurs

Plan 12

M. Neuville se baisse

Donner du rythme par un plan très court montrant une action singulière dont on ne connaît pas encore la raison.

Apparemment sans effet particulier.

Plan 13

Gros plan sur un minibar de bureau. La main de M. Neuville ouvre le minibar et en sort un verre et une bouteille. Il ferme la porte du minibar. Bruits de bouteille et de porte de minibar accompagnent les gestes

Mettre en valeur un objet associé à un besoin urgent à assouvir : le besoin de boire

Quelques spectateurs le remarquent mais plutôt comme un vice habituel : « il va continuer à boire », « il va finir sa bouteille », « il va se saouler », « ça me semble un rituel quotidien chez lui. Il doit aimer boire son verre chaque jour ».

L'association alcool-tristesse n'est donc pas perçue

Plan 14

M. Neuville ouvre sa bouteille

Montrer l'énergie dépensée par le personnage et la précision de ses gestes

Dans la suite du plan précédent, certains voient davantage les habitudes d'alcoolisme « mondain » mais ils sont minoritaires.

Plan 15 (A)

Il se sert un verre à proximité du cadre de la photographie

Montrer le lien entre ce besoin de boire de l'alcool et les retombées de l'annonce de la mort de sa femme.

Evoquer la fin de la première partie par un fondu au noir.

Apparemment sans effet particulier sur les spectateurs. Il ne fait sans doute que confirmer ce qu'ils pensaient.

Plan 15 (B)

Reprise après la première partie de l'interview de groupe

Il pose sa bouteille à proximité de la photographie.

Bruits de bouteille.

Insister sur l'association alcool-deuil.

Pas d'effet apparent

Plan 16

Il boit son verre de la main gauche, à proximité de la photographie d'une femme brune

Montrer avec pudeur, donc de dos, la tristesse supposée du personnage principal.

Ce plan semble avoir touché certains spectateurs : « je ne le trouvais pas très affecté par la mort de sa femme, alors cela m'étonne », « il avait un coeur en tout cas, je ne le pensais pas », « je ne le voyais pas si insensible, tant mieux »

Plan 17

M. Neuville prend la photographie de sa main droite

Montrer son besoin de se souvenir, de toucher l'image de son épouse.

Pas d'effet particulier, confirme le plan précédent, pour ceux qui jugent correctement le personnage principal

Plan 18

Gros plan sur la photographie de la femme brune

Mettre en valeur la beauté et la jeunesse de la femme photographiée

Pas d'effet particulier

Plan 19

M. Neuville est pris de soubresauts

Montrer furtivement les gestes du personnage principal à la vue de la photo. Laisser planer un doute sur les raisons de ces soubresauts : sanglots, etc.

Les effets sont contradictoires selon l'idée générale que se fait du film chacun des spectateurs.

Les tenants du film policier continuent à croire en un crime, par empoisonnement, «C'est quoi un whisky empoisonné ? », ou en une simulation de malaise : « il simule une crise cardiaque...c'est pas possible ». Mais la plupart des spectateurs adhère à la fin « romantique » : «au début, on croyait qu'il était peu attaché à sa femme et plus à son boulot. Alors qu'en fait il est très affecté par la mort de sa femme... », « c'est presque romantique comme fin », même si certains trouvent la fin banale.

Plan 20

M. Neuville pose sur le meuble son verre, puis le cadre violemment. Bruits de verre et du cadre qui sont posés sur le meuble. Puis, M. Neuville tombe en arrière

Montrer la rapidité et la brutalité avec lesquelles les événements vont suivre.

Cette rapidité est notée par certains spectateurs, mais plutôt comme un reproche : « c'est trop rapide.

il y a trop de questions sans réponse ».

Plan 21

M. Neuville tombe sur la moquette

Montrer la chute, comme vu du ciel, par un plan très court.

Pas d'effet particulier hormis la remarque de l'un des spectateurs qui conteste la façon de tomber de l'acteur : « il tombe en arrière. Or, il devrait tomber en avant »

Plan 22

M. Neuville poursuit sa chute, son bras gauche s'étend au sol.

Insister sur la chute et l'état de malaise sans donner de fin véritable à cette version : simple malaise, suicide, empoisonnement ou crise cardiaque ?

Ce plan et les précédents ont quelques incidences mais leur signification varie selon les spectateurs.

Les tenants du film policier continuent à croire en un crime, par empoisonnement, «C'est quoi un whisky empoisonné ? », ou en une simulation de malaise : « il simule une crise cardiaque...c'est pas possible ». Certains spectateurs évoquent une crise cardiaque : « c'est une crise cardiaque » ou un simple malaise : « il n'est peut-être pas mort. C'est peut-être juste un malaise », «il va se réveiller, il n'est pas mort, je pense. Juste tombé dans les pommes » .

L'un d'eux trouve excessif cette série de décès : «deux morts en 5 minutes, c'est un peu morbide ».

D'autres reviennent sur leur première impression : « il l'aimait sinon il ne serait pas mort », « l'esprit y est, il meurt ».

Enfin, un certain nombre de spectateurs regrettent la faible durée du film et surtout que la fin laisse des zones d'ombre comme le souhaitait le réalisateur : « il y a trop de questions sans réponse », « Il y a peut-être quelque chose que l'on ne sait pas encore », «il y a des zones d'ombre ». Compte tenu de ces divergences, l'objectif du réalisateur de laisser le spectateur sans véritable réponse finale semble atteint.

Il est à noter que les spectateurs ont peu montré de connaissances « techniques ». Les rares commentaires techniques sur le tournage et le montage sont pour la plupart erronés. La série de fondus enchaînés du plan 8 est, quand elle est remarquée, confondue avec des ralentis.

Le tournage ne fut pas, comme l'un des spectateurs le dit péremptoirement («c'est un studio de tournage, il y a un poster noir pour faire nuit ») effectué en studio mais dans un véritable bureau, celui du directeur régional de la compagnie d'assurances AGF, en fin de journée à Montpellier.

Trois spectateurs sur les 24 des trois groupes utilisent un début de terminologie correcte : « c'est un flash back : un retour dans le temps » (Réunion 7), « il y a des retours en arrière, je crois », « oui un flash back avec la scène dans le désert » (Réunion 2).

Leur culture étant principalement télévisuelle (séries américaines et allemandes, sitcoms, téléfilms, Columbo, Derrick, etc.), certains spectateurs associent le Gros Plan aux productions télévisuelles plutôt qu'aux films cinématographiques : « dans les Derrick, il y a toujours un téléphone en gros plan ».

En outre, une remarque faite par certains interviewés est intéressante à souligner, celle concernant le format de l'image : « ça fait série télé, l'image ». Les séries et téléfilms américains et allemands ont, en effet, rarement des bandes noires en haut et en bas de l'écran du téléviseur ; ce qui n'est pas le cas pour ceux réalisés en France, leur réalisateur et producteur ayant adopté un format « pour faire cinéma » 398(*): « C'est ce qu'on appelle le format cinéma du DVD399(*). Notons, cependant, que l'ajout de bandes noires est beaucoup moins gênant avec un écran 16:9. »400(*). Or, le film que nous avons diffusé était au format TV sans bandes noires, d'où l'association possible faite par certains spectateurs :

Film sans bandes Téléfilm ou série plutôt étranger.

Il n'en reste pas moins vrai que certains spectateurs ont perçu dans le récit et dans les techniques utilisées, sans qu'ils les définissent précisément, un moyen de créer une ambiance, voire un suspense : « (trop prise de tête) : c'est le genre qui veut cela », « oui mais tout est bizarre : même le cadrage, c'est étrangement filmé », « c'est fait exprès pour te déstabiliser, je pense », « c'est réussi, crois moi ».

* 398 Pour plus de détails, voir sur http://www.cinenow.com/fr/formatcinefr.php3, une animation sur les formats cinéma et leur diffusion sur des écrans de télévision 4/3 et 16/9.

* 399 Des spots publicitaires utilisent ce format, par exemple le film en faveur de la nouvelle Corolla de Toyota dont l'idée publicitaire repose sur le fantastique et la présence de monstres terrifiants mais aussi les spots en faveur de la 307 Peugeot et de plus en plus de marques qui cherchent à générer une image de star....

* 400 http://www.son-video.com/Conseil/HomeCinema/FormatsCinema2.html : « Le format 16:9 est conçu pour visionner les films à la TV. C'est l'écran des cinéphiles. Son Ratio 1,77:1 est très proche du 1,85:1 et permet donc une anamorphose légère (et quasi imperceptible). Même l'écran 16:9 ne restitue pas entièrement le format cinéma d'origine. On perd ici le personnage de l'extrême gauche de l'image. Le choix du 16:9 tient aussi au fait qu'il s'agit d'un multiple de 4:3 (4:3x4:3 = 16:9). Le format 4:3 (soit un ration de 1,33:1) ne peut donc reproduire qu'une partie de l'image cinéma. Certains producteurs utilisent la technique "pan & scan" pour conserver toute la hauteur d'image. Il faut alors déplacer le cadrage pour conserver le personnage principal. La partie grisée de l'image est perdue pour le téléspectateur ! Pour éviter de recadrer l'image, on peut aussi insérer des bandes noires en haut et en bas. C'est ce qu'on appelle le format cinéma du DVD. Notons, cependant, que l'ajout de bandes noires est beaucoup moins gênant avec un écran 16:9. »

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King