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Approche communicationnelle des films de fiction


par Alexandre Chirouze
Université Montpellier 3 - Doctorat 2006
  

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Conclusion de la première partie

L'étude des différents codes filmiques, qu'ils soient non spécifiques ou qu'ils soient cinématographiques généraux ou particuliers, c'est-à-dire génériques ou stylistiques, laisse apparaître un certain nombre de contradictions et de paradoxes dans les discours tenus par les professionnels du cinéma lorsqu'ils évoquent la production et la réception d'un film.

Les professionnels et les théoriciens du cinéma sont loin d'être d'accord, entre eux, sur l'existence de codes, sur l'obligation de les respecter, sur les signes eux-mêmes et sur les significations qu'ils produisent. L'absence de consensus est d'autant plus criante lorsque ces professionnels appartiennent à des corps de métier différents ce qui peut entraîner des conflits au sein même d'une même équipe de tournage, un film étant une oeuvre collective.

Ces avis divergents entre professionnels du cinéma auraient pu laisser croire en une certaine tolérance. En fait, il n'en est rien, les professionnels et théoriciens du cinéma sont, pour la plupart, assez péremptoires, qu'ils soient conventionnels ou favorables à la transgression des règles.

Il est également surprenant que l'importance d'un élément filmique par rapport à un autre diffère considérablement d'un professionnel à un autre. Certains ne voient que par la structure narrative du récit, d'autres par le montage, d'autres par la bande image, d'autres enfin, certes plus rares, par la bande son, etc. alors qu'un film est avant tout une combinaison d'éléments. Il en résulte une multitude d'attitudes possibles, selon que le professionnel respectera ou non les conventions établies pour chaque élément constitutif du film et plus encore pour chaque plan du film. Ainsi, un réalisateur peut respecter les conventions montagistes ou celles relatives à la prise de vues sauf pour quelques plans particuliers qu'il souhaite mettre en valeur en s'opposant au classicisme. En conséquence, en tant que combinaison d'éléments variés, pour un grand nombre de plans, pour lesquels le choix existe entre le respect ou la transgression des règles, un film est une production complexe difficile à maîtriser. Les professionnels du cinéma l'admettent volontiers en évoquant les compétences et le talent nécessaires à l'exercice de leur métier.

Paradoxalement, au travers l'analyse de leurs écrits et/ou discours, ils semblent convaincus que les spectateurs connaissent et comprennent leur système de signes, aussi bien lorsqu'ils respectent les conventions que lorsqu'ils les transgressent. Ainsi, par exemple, l'un d'eux utilisera de façon conventionnelle les fondus comme si les spectateurs savaient que ces liaisons sont des signes ponctuatifs. Un autre réalisateur tout aussi convaincu que le spectateur sait qu'un fondu enchaîné suggère une continuité malgré une ellipse spatio-temporelle lui préférera un jump cut pour se démarquer de ses confrères. Un autre, encore, mettra l'accent sur un élément, par exemple, la musique pensant que le spectateur comprendra l'importance du message musical dans la signification du plan

Les professionnels du cinéma travaillent, pour bon nombre d'entre eux, comme si leur public était composé de récepteurs idéaux (Brassart, 2004), d'analystes (Vanoye et Goliot-Lété, 2001), de critiques de cinéma. Or, les spectateurs, contrairement aux analystes, visionnent un film pour le plaisir, se laissent aller sans visée particulière, sans objectif d'analyse et de production intellectuelle. De plus, les spectateurs n'ont pas tous le même niveau de connaissances cinématographiques et certains d'entre eux sont loin d'imaginer l'existence de conventions et de règles.

Autrement dit, en ne retenant que les hypothèses extrêmes donc forcément simplificatrices, car sans nuances, selon que les codes sont respectés ou non par le cinéaste et selon qu'ils sont connus ou non par le spectateur, il apparaît quatre cas d'école, quatre situations dont un sens du film en sortira construit.

Le cinéaste 

(ensemble composé par le réalisateur et son équipe)

Le spectateur

1- Respecte les conventions, règles et codes cinématographiques

A- Connaît les conventions, règles et codes cinématographiques

2- Transgresse les conventions, règles et codes cinématographiques

B- Ne connaît pas les conventions, règles et codes cinématographiques

A la situation idéale, « Le cinéaste respecte et le spectateur connaît », dont nous avons signalé la rareté, vient s'ajouter la situation également exceptionnelle dans laquelle « le cinéaste transgresse les règles et le spectateur les connaît », ce qui peut générer un certain déplaisir chez le spectateur en attente d'un film plus classique, ou d'un film respectueux des codes du genre cinématographique auquel il est censé appartenir.

Les situations les plus fréquentes se caractérisent donc par une méconnaissance des conventions, des règles, des codes de la part des spectateurs. En conséquence, toujours en raisonnant à l'extrême, que le cinéaste respecte ou non des conventions, le spectateur ne s'en rend pas compte.

Or, quelle que soit l'hypothèse, le spectateur prend du plaisir (vs déplaisir), se laisse prendre par le film (ou pas).

Cela signifie que la culture cinématographique, la connaissance des règles classiques n'est pas nécessaire pour comprendre un film, ce qui ne veut pas dire qu'elle ne puisse pas influencer le sens. En réalité, le niveau de la culture cinématographique du spectateur influe sur le sens à l'instar d'autres éléments, filmiques ou non, tels que sa culture (autre que cinématographique), son expérience de la vie, sa personnalité, sa position sociale, son sexe, son âge, ses valeurs et les normes qu'il partage, etc. De la rencontre entre le spectateur et le film, du dialogue qui s'instaure entre lui et la combinaison des éléments filmiques qu'il perçoit se construit un sens, un sens propre à chacun des spectateurs. Le sens d'un film vient donc de la rencontre d'une combinaison d'une grande variété d'éléments filmiques et d'un spectateur dont les nombreuses caractéristiques particulières font de lui un être unique.

L'analogie aux probabilités conditionnelles (un élément A d'un plan 1 prend la modalité a et est visionné par un spectateur X qui a un niveau de connaissance cinématographique i, une personnalité z, etc.) laisse imaginer le nombre de possibilités de rencontre, de dialogue entre le film et un spectateur.

La rencontre est donc forcément spécifique. En déformant la fameuse formule de Christian Metz, nous dirons que le film et le spectateur sont polysémiques.

L'objet de l'expérimentation que nous allons présenter dans la deuxième partie de ce travail est de mieux connaître et comprendre les mécanismes de ce dialogue entre le film et le spectateur qui conduisent à une construction spécifique de sens.

Deuxième partie : L'étude qualitative des mécanismes de construction de sens

L'étude de la littérature sur le cinéma fait apparaître des différences notables entre les auteurs, d'hier et d'aujourd'hui, théoriciens ou non. Le rôle du spectateur dans la construction du sens n'est pas reconnue par tous à sa juste valeur, et pas seulement par les plus anciens, les plus montagistes (Eisenstein) ou par ceux qui croient au pouvoir quasi-hypnotique du cinéma, ou qui défendent le respect des codes filmiques, de la grammaire cinématographique mais aussi, au moins implicitement, par bon nombre de spécialistes de l'analyse filmique. Comment pourrait-il en être autrement alors que dans la plupart des analyses filmiques, comme le regrette Alain Brassart (2004, p.20-21), la question de la réception n'est pas prise en compte : « le spectateur est généralement appréhendé comme un récepteur idéal ».382(*)

Encore à l'heure actuelle, en dépit des apports de la pragmatique et du constructivisme, deux conceptions s'opposent. En simplifiant à l'extrême, la première considère que la construction du sens n'appartient concrètement qu'au cinéaste, que les spectateurs connaissent les codes filmiques et les interprètent correctement, que le sens que voulait générer le réalisateur est celui compris par le spectateur. La deuxième part du constat est qu'il n'est pas nécessaire que le spectateur connaisse la syntaxe cinématographique pour comprendre un film (Metz).

En dépit des difficultés méthodologiques relevées par Brassart383(*) (2004), l'approche communicationnelle qui est la nôtre nous a conduit à adopter une approche à la fois compréhensive et pragmatique du phénomène filmique et une méthodologie qualitative

* 382 Or, « pour le critique littéraire allemand Hans-Robert Jauss (Hans-Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1978), le sens d'une oeuvre se construit par un dialogue entre le texte lui-même et le lecteur. L'oeuvre cesse ainsi d'être considérée, à l'instar des structuralistes, comme un système clos, indépendant de sa situation de production. L'intérêt de cette théorie est que l'analyste prend en compte la polysémie du texte, chaque lecteur (en fonction de sa position sociale, culturelle et de son identité sexuée) pouvant réaliser une lecture différente. La réception d'une oeuvre est soumise à un double « horizon d'attente » pour le lecteur (ou le spectateur), en fonction de sa culture (pas seulement cinématographique) mais également de son expérience de sa vie quotidienne » (Brassart, 2004, p.20-21)

* 383 En ce qui concerne le cinéma, l'analyse de la réception d'un film pourrait faire appel à des outils sociologiques qui nous permettraient de mener à bien une enquête auprès d'un certain nombre de spectateurs pendant ou après la projection. Outre les problèmes que peuvent poser cette méthode (nous connaissons tous la difficulté de donner un avis clair sur un film juste après la projection...Nous avons été contraints d'adopter une démarche moins scientifique. » (Brassart, 2004, p.20-21)

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway