Approche communicationnelle des films de fictionpar Alexandre Chirouze Université Montpellier 3 - Doctorat 2006 |
B- Les apports de l'approche relationnelle de la communicationL'école de Palo Alto réfute la linéarité du processus de communication des modèles précédents. « Toute communication ne se borne pas à transmettre de l'information, mais induit en même temps un comportement » (Watzlawick, 1972, p.49). Elle défend l'idée que toute communication est un ensemble d'actions, de réactions, d'interactions, de rétroactions et qu'elle comporte, en plus d'un contenu (l'information transmise), une relation. « Tout comportement a la valeur d'un message, c'est-à-dire qu'il est une communication » (Watzlawick, 1972, p.47). Cet intérêt pour l'aspect relationnel de la communication a poussé les chercheurs d'une part à définir précisément ce qu'est une situation de communication, d'autre part à prendre en considération les éléments extra-linguistiques, les manifestations non verbales : posture, mimique, gestuelle, intonation, qualité vocale, etc. Eléments qui dans un film sont souvent, parce que non cinématographiques, non spécifiques, peu pris en considération alors qu'ils ont une part importante dans la production du sens. La situation de communication est le cadre dans lequel les signes construits par les individus en relation prennent sens. Elle est notamment définie par une dimension temporelle et une dimension spatiale. A un moment donné et dans un lieu précis, la situation de communication comprend des acteurs, des objets, des circonstances, etc. Elle est complexe parce qu'elle est composée « d'un tissu d'événements, actions, interactions, rétroactions, déterminations, aléas » (Morin, 1990, p.21). Le Boeuf, Drouallière et Rivière (2000, p.54) donnent un exemple de complexité d'une situation de communication cinématographique : « Dans Vera Cruz44(*), R. Aldrich attire l'attention des spectateurs par la répétition formelle de certains effets : cadrage sous arche, personnage au second plan, présence ou absence de sons naturels. Il nous dit en quelque sorte : l'ensemble des images assemblées veut dire plus que la succession des plans que vous regardez (on retrouve ici le potentiel signifiant). Mais, ce qu'il ne peut pas maîtriser, c'est la dynamique du système : le film n'est qu'une partie du tout, il est diffusé dans un ciné-club ou dans un mégastore, le son est trop aigu ou trop faible, les spectateurs sont captivés ou consomment des corn-flakes, ils génèrent des interactions, etc. ». Ces auteurs en concluent qu'il existe une différence entre le sens du film préparé par le réalisateur et le sens construit par les récepteurs dans une situation de communication déterminée : « La complexité de la situation de communication tient au lieu et à l'heure , à la durée de la file d'attente, aux contacts avec les autres clients, à la présence distractive d'un funambule, à l'accueil de la caissière, aux échanges avec les voisins pendant la projection, aux manifestations collectives de la salle lors de certaines séquences, au confort des fauteuils, à l'odeur de la salle, aux films vus la semaine précédente, etc. » (Le Boeuf et al., 2000, p.54). * 44 Vera Cruz, western réalisé par Robert Aldrich en 1954 avec Gary Cooper et Burt Lancaster. Gérard Lenne, critique de cinéma, a écrit au sujet de ce film : « Vera Cruz marque une étape dans l'histoire des westerns, en mettant en scène de vraies crapules dont l'avidité est le seul mobile » (in Rapp et Lamy, 1999, p.1302) |
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