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Approche communicationnelle des films de fiction


par Alexandre Chirouze
Université Montpellier 3 - Doctorat 2006
  

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Chapitre 7 : Les genres cinématographiques 

A partir de sa distinction des trois sortes de codes filmiques (les codes non spécifiques, les codes cinématographiques généraux, les codes cinématographiques particuliers), Christian Metz définit le genre cinématographique comme un texte singulier caractérisé par le retour régulier de messages et de codes. Dans cette optique, pour qu'un film appartienne à un genre cinématographique, il doit obligatoirement utiliser des codes cinématographiques particuliers (de la troisième catégorie de codes).

En matière de conventions communes, les genres cinématographiques sont intéressants à étudier. La notion de genre est, en effet, « au coeur même du classicisme hollywoodien, du mode de production des films, mais aussi de leur mode de consommation (massif ou cinéphilique), des tentatives d'imiter ou de reproduire le modèle hollywoodien » (Bourget, 2002, p.9).

Toutefois, comme l'écrivent Bordwell et Thompson (2000, p. 75) : « Un genre est plus facile à reconnaître qu'à définir ».

I- De la difficulté de définir un genre cinématographique

Il est difficile de définir ce qu'est un genre cinématographique.

Dans une première approche, celle adoptée par Metz, il est possible de dire qu'il s'agit d'un groupe de films présentant un ou plusieurs caractères communs.

En plus du choix de ces critères et de leur éventuelle combinaison, l'hypothèque vient de l'évolution possible des critères avec le temps.

Aussi, Liandrat-Guigues et Leutrat (2001, p.117) considèrent-t-ils qu'il « est impossible de donner du genre cinématographique une définition typiquement aristotélicienne et rigoureusement intemporelle. Un genre est ce que, collectivement, on croit qu'il est à un moment donné. » C'est pourquoi, le genre cinématographique semble « à la fois une notion familière à tout spectateur désireux de choisir un film dans un programme, de présenter en quelques mots un film à un ami, d'identifier et distinguer des groupes de films qui présentent des caractères communs, et une notion centrale dans la production cinématographique et dans l'histoire du cinéma » (Moine, 2002, p.5).

A- Les différentes classifications des genres cinématographiques

Adrian Piotrovsky, proposa en 1927 l'une des toutes premières classifications des genres cinématographiques après qu'il eut défini ce qu'il entendait par ciné-genre356(*) : « on appellera « ciné-genre un ensemble de procédés touchant à la composition, au style et au sujet, liés à un matériau sémantique et à une visée émotionnelle spécifiques, mais entrant entièrement dans un système « générique » précis de l'art, celui du cinéma ».

En bon formaliste russe, Piotrovsky considérait donc que pour établir les ciné-genres, il convenait de classer les films selon les procédés et les lois techniques utilisés en matière de photogénie et de montage. Prenant pour base d'étude, vingt ans de l'histoire du cinéma, il distingua alors les ciné-drames, les ciné-romans (également appelés ciné-récits ou ciné-nouvelles), le comique, le lyrique. Il prévoyait également l'apparition de nouveaux genres ce que révèlent, en effet, les différentes classifications génériques récentes.

Dans leur dictionnaire des films, Bernard Rapp et Jean-Claude Lamy donnent pour chaque film, en plus de son titre, des réalisateurs et interprètes, etc. son appartenance à un genre : « Chaque film est défini par un des genres majeurs (comédie, drame, documentaire, film d'aventures, film policier, film de guerre, dessin animé, chronique, etc.) conventionnellement reconnus par l'exploitation commerciale, auxquels de nombreuses épithètes sont adjointes afin d'en préciser la nature. Exemple : drame romantique, western parodique, film d'aventure historiques, etc .» (Rapp et Lamy, 1999, p.10)

D'autres classifications destinées aux spectateurs existent. Moine (2002, p.14-15) reprend celles de L'Officiel des Spectacles et de Pariscope qui proposent tous les deux un classement des films par genres. Elle fait remarquer qu' « en dépit d'un usage identique du genre dans les deux guides et d'un lectorat comparable, les systèmes de classification ne sont pas les mêmes. Pour l'Officiel des Spectacles, les films se distribuent en 15 genres : Aventure/Biographie/Comédie/Drame/Epouvante et Horreur/Fantastique et Science-Fiction/Guerre/Historique/ Dessin animé et Vie des animaux/ Karaté/Film musical/Comédie dramatique/ Policier et espionnage/Erotisme/Western/Divers.

Pariscope propose, pour sa part, 22 catégories génériques : Film d'animation/ Aventure/Comédie dramatique/Comédie/Court-métrage/ Dessin animé/Documentaire/Drame psychologique/ Drame/Erotique/Fantastique/ Film de danse/ Film musical/ Film noir/Film politique/Guerre/ Horreur/Karaté/Policier/Science-Fiction/Thriller/Western. »

L'une des présentations des genres les plus riches est celle proposée par Bernard Tavernier et Jean-Pierre Coursodon357(*). Ils n'établissent pas un véritable tableau des genres mais présentent un grand nombre de genres et sous-genres tels que le western, la comédie, la screwball comedy358(*), le drame, le mélodrame, le mélo féminin, la biographie, l'adaptation de romans classiques, le musical, la comédie musicale de coulisses, le film de gangsters ou film criminel, le drame policier, le policier semi-documentaire, les films de détection, le film de bagne ou de prison, la comédie policière, l'aventure historique, l'aventure exotique, le film de jungle, le suspense, le film d'espionnage, le film d'horreur, les films familiaux, les films d'actions, les films en costumes et à grand spectacle, le « film de sarong », le film noir, les films de prestige, drames psychologiques à thèse, films de cape et d'épée...(Liandrat-Guigues et Leutrat, 2001, p.114-115).

La trentaine de dénominations de genres et sous-genres - bien qu'il soit parfois difficile de distinguer les uns et les autres - que ces deux auteurs présentent repose implicitement sur des critères narratifs. Par ailleurs, il faut être conscient que leur liste n'est ni exhaustive, ni figée, ni définitivement close. Pour relativiser sa portée, sans remettre en cause son intérêt, il suffit de citer d'autres appellations, omises par Tavernier et Coursodon telles que : les films de guerre, les films fantastiques359(*), la science-fiction, l'épouvante, le burlesque ou slapstick, les films d'animation, les dessins animés, les films d'espionnage, les films d'aventures, les péplums, les contes fantastiques, les comédies parodiques, les films historiques, les fresques, les comédies fantastiques, les comédies dramatiques, le cinéma gore360(*) (Rouyer, 1997), etc. éventuellement identifiés par leur origine nationale ou plurinationale : américains, français, britanniques, franco-italiens, chinois, indiens, japonais, etc. 361(*)

Les films indiens362(*), par exemple, ont leurs propres codes ou, comme l'écrit Metz, se caractérisent « par le retour régulier de messages et de codes ». Le film estampillé Bollywood  est un spectacle populaire, d'une durée de trois heures en moyenne et comprend au moins six séquences chantées et dansées. Le cinéma indien, le seul à ne pas craindre la concurrence américaine, est un cinéma de conventions, et cela à tous les niveaux : le récit, les personnages, la prise de vues, les gestes, etc. « Destiné à dépasser les barrières linguistiques, le scénario bollywoodien est d'une confondante simplicité, d'un manichéisme parfait (...) Les méchants sont de vrais monstres, les bons adorent leur mère, figure archétypal du cinéma indien, mais savent se montrer impitoyables pour exercer une vengeance (...) L'héroïne est chaste et pure (...) ». En matière de filmage, « Les angles de prises de vues sont codifiées à l'extrême (...) ». Le code moral est impitoyable : « ce carcan victorien donne une puissance stupéfiante aux fantasmes et suggestions érotiques (...) L'érotisme religieux, la codification des attitudes et des gestuelles, la présence du sacré dans le plus léger des films, font du cinéma populaire indien une expression esthétique ancrée dans la tradition de l'art indou, du théâtre sanscrit, des miniatures mogholes». Quelle que soit l'histoire et son genre thématique, qu'il s'agisse d'un mélodrame familial, un « western-curry », une épopée mythologico-historique, un thriller urbain violent, les réalisateurs mettent généralement en scène les représentants des diverses communautés ; « il est rare qu'un musulman, un sikh, un intouchable soit absent d'un film de Bollywood »363(*), comme pour maintenir la cohésion d'une nation menacée d'éclatement.

La conclusion qu'il faut tirer de tout ce qui précède est que les taxinomies filmiques proposées par les guides des spectacles, les livres de cinéma - dont celui de la BIFI364(*)- et les dictionnaires encyclopédiques sont différentes autant par leur mode de catégorisation, les catégories génériques identifiées, leur nombre, leur appellation, leur contenu, etc.

Mais, plutôt que de le regretter et de s'en inquiéter, certains auteurs dont Raphaëlle Moine semble s'en contenter, voire s'en féliciter : « Il ne saurait y avoir de typologie universelle des genres, construite sur des distinctions reconnues de tous, organisée en catégories stables et découpant de façon définitive le paysage cinématographique en groupes de films. » (Moine, 2002, p.20)

Cette attitude montre l'ouverture d'esprit de certains auteurs mais ne doit pas faire oublier que les genres sont, malgré tout, porteurs de signes. Ils partent, en effet, du principe typologique qu'il existe des caractéristiques communes entre les films qui les composent, ce que certains n'hésitent pas à nommer des codes spécifiques des genres. « On a parlé de codes spécifiques à cause de cette apparente stabilité » (Liandrat-Guigues et Leutrat, p.118-119).

B- Les niveaux de différenciation des genres

Pour élaborer des catégories génériques, Moine (2002) reprend les cinq niveaux de différenciation de Jean-Marie Schaeffer365(*), un théoricien de la littérature.

« Trois de ces niveaux (le niveau de l'énonciation, le niveau de la destination, le niveau de la fonction) découlent du fait qu'une oeuvre n'est pas seulement un texte, mais qu'elle réalise un acte de communication » (Moine, 2002, p.21) : « un message émis par une personne donnée dans des circonstances et avec un but spécifiques, reçu par une autre personne dans des circonstances et avec un but non moins spécifiques ». Concrètement, le niveau de l'énonciation correspond à la question « Qui parle ? », celui de la destination à la question « A qui ? » et celui de la fonction à la question « Avec quel effet ? ».

Les deux autres niveaux - le niveau sémantique et le niveau syntaxique - concernent le message réalisé, c'est-à-dire le texte, ici le film.

Pour poursuivre l'analogie avec le fameux schéma de Laswell366(*), le niveau sémantique correspond à la question « Qu'est-ce qui est dit ? » et le niveau syntaxique à la question « Comment c'est dit ? ».

Nous reviendrons dans le cadre de la production et de la réalisation de films sur la question « Qui parle ? ». En revanche, nous n'insisterons pas, à ce stade de l'étude, sur la question de la cible visée (à Qui ?). Toutefois, pour ne pas donner ici le sentiment que ces deux niveaux sont sans importance, songeons un instant, pour le niveau de l'énonciation, à l'exemple des films produits et réalisés par Walt Disney qui pourraient constituer un sous-genre ; pour le niveau de la destination qui n'est pas non plus anodin, pensons, par exemple, aux films interdits au moins de 18 ans.

La prise en compte du niveau de la fonction (avec quel effet ?) peut permettre une classification générique. Ainsi, certains films ont « une fonction illocutoire, c'est-à-dire qu'ils disent le but communicationnel que les films et leurs auteurs veulent remplir : ainsi, un documentaire s'emploie souvent à décrire aux spectateurs comment sont les choses. D'autres genres ont une fonction perlocutoire, c'est-à-dire qu'ils visent à changer le comportement des spectateurs, à provoquer chez eux un effet : ainsi une comédie suscite le rire, un film érotique ou pornographique suscite l'excitation sexuelle, un film d'horreur le sentiment de peur ou d'épouvante. » (Moine, 2002, p. 22)

De nombreux genres cinématographiques se distinguent également par des éléments sémantiques tels que leurs thèmes et leur sujet. Un genre comme le western se caractérise, par exemple, par les espaces (sierras, déserts, canyons...), les lieux (saloons, banques...), les personnages (cowboys, chevaux, indiens, pionniers, chanteuses et danseuses de saloon, shérif ou marshal, soldats yankees et confédérés...), les objets (chariots, diligences, colts, winchester ..), les situations (affrontements entre le héros et un méchant, traversées de fleuve, attaques de chariots par les indiens, attaques de la diligence par des hors-la-loi, duels à l'arme à feu, charge de la cavalerie, etc...)367(*)

Le niveau syntaxique est celui de tous les éléments formels. Selon Moine, «la technique de fabrication des films est un des critères qui opèrent à ce niveau et qui justifient la catégorie générique « dessin animé ». On peut aussi considérer que l'alternance de scènes dialoguées (« réalistes ») et de scènes chantées ou dansées est un élément formel qui distingue la comédie musicale. On peut à la rigueur élargir le niveau syntaxique aux traits narratologiques qui caractérisent partiellement certains genres, comme le flash-back qui est une forme privilégiée du récit dans le film noir et le mélodrame ou la focalisation spectatorielle qui est souvent le moteur des comédies ou des genres du suspense tels le thriller. » (Moine, 2002, p.23)

* 356 Adrian Piotrovski, « Vers une théorie des ciné-genres », in Albèra (1996, p.143- 162)

* 357 Bernard Tavernier et Jean-Pierre Coursodon, 5O ans de cinéma américain, N, 1991, 2 volumes in LIANDRAT-GUIGUES, Suzanne, LEUTRAT, Jean-Louis, op.cit., p.114-115

* 358 La screwball comedy posséderait un caractère farfelu et absurde alors que la sophisticated comedy serait fondée sur des ressorts essentiellement psychologiques.

* 359 Jean-Claude Romer, l'un des meilleurs spécialistes du genre, distingue six catégories de films fantastiques : 1- le fantastique proprement dit avec des phénomènes incompatibles avec les lois naturelles (fantômes, sorcières, maisons hantées) ; 2- la science-fiction dans laquelle l'intelligence humaine intervient pour créer des phénomènes incompatibles avec les lois naturelles (voyages intergallactiques, etc.) ; 3- l'anticipation (univers futuriste) ; 4- l'insolite (erreurs de perception) ; 5- le merveilleux (contes de fées, mythologie, extravagances poétiques) ; 6- l'épouvante ou l'horreur. « Le point commun à tous, qui est une composante essentielle du fantastique : la peur. Le frisson est l'essentiel du plaisir que procure un film fantastique» (Multeau, 2001, p.206-207)

* 360 Philippe Rouyer définit « le cinéma gore comme un sous-genre de l'horreur qui soumet la thématique du film d'horreur à un traitement formel particulier ; à intervalles plus ou moins réguliers, la ligne dramatique du film gore est interrompue ou prolongée par des scènes où le sang et la tripe s'écoulent des corps meurtris et mis en pièces » (Rouyer, 1997, p19)

* 361 Certains auteurs considèrent que suivant les pays, différents styles de cinéma apparaissent clairement et que les films produits en Europe et aux États-Unis prétendent, en général, montrer des scènes vraisemblables ; alors que ce n'est pas le cas dans les cinémas d'autres cultures, notamment dans les films produits en Inde, où la vraisemblance de l'action n'est pas primordiale. http://fr.wikipedia.org/wiki/Cin%C3%A9ma

* 362 800 films sont produits par an à Bombay (Etat du Maharashtra) surnommé Bollywood. 150 millions d'Indiens fréquentent chaque semaine les salles de cinéma.

* 363 Citations reprises de la présentation écrite du film Lagaan de Ashutosh Gowariker (2001) qui a obtenu sept prix aux Oscars indiens 2002, les Zee Cine Awards, et qui a connu un très grand succès commercial aux Etats-Unis et en Grande Bretagne où il fut le premier film indien a entré dans le Top Ten britannique.

* 364 Bibliothèque du film, 100 rue du faubourg Saint-Antoine, 75012 Paris

* 365 Jean-Marie Schaeffer, Qu'est-ce qu'un genre littéraire ?, Paris, Seuil, 1989, p.80-115 cité par Moine (2002)

* 366 En réalité, les 5 W de Laswell sont : WHO says WHAT through WHAT CHANNEL to WHOM with WHAT Effect, ce qui se traduit par QUI dit QUOI par Quel canal à QUI avec Quel effet ?

* 367 Pour un catalogue détaillé des éléments sémantiques du western, voir Jean-Louis Leutrat et Suzanne Liandrat-Guigues, Les Cartes de l'Ouest. Un genre cinématographique : le western, Paris, A. Colin, 1990, p11-73

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote