Approche communicationnelle des films de fictionpar Alexandre Chirouze Université Montpellier 3 - Doctorat 2006 |
B- Les bruitsIl est loin le temps où un bruiteur se plaçait derrière l'écran pour bruiter en direct un film muet341(*). La technologie a largement fait progresser les techniques d'enregistrement de bruits qui peuvent être pris soit en cours de tournage, en prise directe, soit recomposés en post-synchronisation. L'effet des bruits sur le spectateur est de plus en plus pris en considération. La formule de Michel Chion prend ici toute son ampleur « On ne voit pas la même chose quand on entend ; on n'entend pas la même chose quand on voit ». Il montre l'importance des bruits à travers l'exemple d'un film Kung Fu : « ils sont aidés et pointés par des ponctuations sonores rapides (sifflements, cris, chocs, tintements) qui marquent perceptivement certains moments et impriment dans la mémoire une trace audiovisuelle forte » (Chion, 2000, p.14). Il se dégage là l'une des fonctions principales du bruit : celle de souligner un geste ou un événement. Le bruit peut également, selon qu'il est isolé ou répété, donner ou non une impression de cadence. Mais il peut, bien entendu, comme nous l'avons déjà souligné (Jullier, Château), contribuer à la production de sens. Jullier cite à ce sujet un exemple : « Considérons un anodin coup de tonnerre : si on lui applique l'écoute causale, il renvoie à un orage ; si c'est l'écoute sémantique, il renvoie à une situation « ça barde », ou « il y a de l'orage dans l'air » ou encore à des notions symboliques comme « la colère de Dieu » ; si c'est l'écoute réduite, il ne renvoie qu'au seul objet sonore qui le constitue, c'est-à-dire une impulsion de masse complexe, à gros grain et entretien décroissant » (Jullier, 1995, p.124-125). Selon lui, l'écoute causale entraîne une production d'images mentales (visuelles et/ou sonores et/ou strictement conceptuelles). Et ceci que le bruit soit enregistré en prise directe, qu'il soit tiré d'une banque de sons, d'un CD audio de bruitages342(*) ou qu'il soit reconstitué à l'aide d'une des nombreuses techniques de bruitage. Ces dernières utilisent des objets courants pour simuler des bruits qu'il est difficile d'enregistrer en situation réelle. Exemples de techniques de bruitage343(*)
* 341 Lacombe et Porcile (1995, p.23-24) : « Les directeurs de salle de prestige ne se satisfaisaient pas seulement de la présence d'un orchestre. Ils voulaient offrir aux spectateurs une vraie bande sonore. Charles Vanel évoque cet aspect : « Le bruitiste, comme le baptisa la presse de l'époque, était loin d'être un minus ! (...) Il créait l'illusion parfaite, faisant arriver le cheval au galop et le train en gare, lever l'ancre du navire, s'écrouler une maison, tirer des salves d'artillerie (...). Tu comprends, petit, disait Barat, « ils en ont plein la vue, mais il faut leur en mettre plein les oreilles ! ». Il y avait là les cloches, les chaînes, la sphère de tôle avec des plombs à l'intérieur ...pour les vagues ; une planche à roulettes tournant sur une plaque de tôle ...pour le train, des cordes à vilon tendues sur une toile métallique pour la brise légère ou le vent de tempête selon le doigté. Ce Barat était un as. » * 342 Vendus dans le commerce. Il existe également des sites Internet spécialisés dans les bruitages libres de droit, tels que www.findsounds.com et www.luunerouge.org/sons . * 343 Exemples cités par Lionel Allorge (2003, p.527-528) |
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