Approche communicationnelle des films de fictionpar Alexandre Chirouze Université Montpellier 3 - Doctorat 2006 |
Le fait que les effets spéciaux aient eu tendance à être utilisés dans des genres cinématographiques particuliers (science-fiction, fantastique, etc.) rend difficile leur emploi actuel dans d'autres genres, non pas pour des raisons techniques, mais parce que le public les y a cantonnés et que certains spectateurs acceptent difficilement cette manipulation de ce qu'ils croient être une réalité, comme si après l'illusion cinématographique de la réalité liée au défilement des images, les effets spéciaux étaient de trop..- La troisième limite à l'utilisation des effets spéciaux pourra paraître paradoxale avec la deuxième. Elle n'en est pas moins réelle. De plus en plus de réalisateurs, comme Jeunet, considèrent que l'utilisation des effets spéciaux doit dépasser les genres cinématographiques. Ainsi, certains auteurs estiment que les effets spéciaux qui étaient une des marques du genre fantastique ont, à la suite de la révolution numérique, été repris dans d'autres genres cinématographiques ; ce qui fait dire à Norbert Multeau (2001, p.206-207) : « Le fantastique au cinéma n'existe quasiment plus, car c'est tout le cinéma qui en train de devenir fantastique (...) A mesure que les effets spéciaux se perfectionnent la qualité du frisson s'altère et le genre se dégrade311(*) ». Les effets spéciaux sont un des éléments filmiques les plus sujets à l'évolution, à l'innovation, voire à la surenchère. Des effets spéciaux jugés spectaculaires au moment de la sortie du film peuvent, en cas d'évolution tant technologique que culturelle - autrement dit du point de vue du cinéaste comme de celui du spectateur - rendre un film vieillot, voire insupportable à regarder. Il est donc difficile de parler de conventions et encore moins de code. Il n'en demeure pas moins vrai qu'il existe une tradition, qui remonte aux origines du cinéma et que certaines techniques actuelles ne sont en réalité que des variantes plus ou moins sophistiquées de trucages classiques. En guise de fin à ce chapitre consacré à la bande image, nous pouvons résumer les conclusions auxquelles nous sommes parvenus. Les codes que nous avons présentés, qu'ils soient spécifiques ou non spécifiques au cinéma, présentent plusieurs caractéristiques : · Il s'agit de règles plus que de lois (Mitry), des règles souvent éphémères (Ropars-Wuilleumier, 1970, pp 23- 25) · Des règles inventées par des cinéastes et non des lois naturelles. · Des règles souvent contestables et contestées qui ne demandent qu'à ne pas être respectées. · Des règles qui évoluent avec le temps, avec la technologie, avec l'expérience des professionnels du cinéma et avec celle des spectateurs. · Des règles qui naissent, s'imposent à tous, se dérogent, disparaissent, renaissent, etc. · Des règles qui touchent de nombreux domaines artistiques et techniques donc qui ne sont pas établies par une seule profession mais par les différents corps de métier du cinéma. · Des règles qui varient selon les continents et les civilisations. Les règles des cinéastes d'Hollywood ne sont pas celles des professionnels de Bollywood (Bombay). · Des règles qui combinées d'une certaine façon peuvent faire naître un genre cinématographique ou un certain style. · Des règles qui sont le fruit d'une invention stylistique qui ont eu leur précurseur et dont la reprise par d'autres fut à l'origine d'une codification, d'une convention · Des règles qui combinées d'une certaine façon peuvent faire naître un genre cinématographique ou un certain style. · Des règles qui pour être utiles doivent être connues par les professionnels et comprises par les spectateurs. Une question vient alors à l'esprit, ces conclusions, même résumées, sont-elles généralisables à la bande son ? * 311 Norbert Multeau (2001, p.207) : « Les réalisateurs sont concurrencés, parfois dépassés, d'un côté par la violence et la barbarie réelles de notre époque, de l'autre par l'évolution des sciences et la sophistication des techniques. Il leur faut donc constamment surenchérir dans la terreur, et dans le perfectionnement des effets de terreur. Ces infinies possibilités de trucage et de maquillage, appelées « effets spéciaux », ont donné naissance à un Grand Guignol toujours plus réaliste et plus saignant, nommé Gore ». |
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