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Approche communicationnelle des films de fiction


par Alexandre Chirouze
Université Montpellier 3 - Doctorat 2006
  

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D- Les éléments de liaison : utilisations et significations

Ces éléments ont, nous venons de le voir, un rôle démarcatif ou de ponctuation lorsqu'ils séparent deux segments autonomes, deux séquences - comme continue de les appeler la plupart des auteurs en conservant le sens courant du terme « séquence »251(*). Car, qu'on le regrette ou non, il faut admettre que la terminologie de Metz n'a rencontré que peu d'échos parmi les professionnels du cinéma qui lui préfèrent des expressions telles que montage alterné, montage parallèle, séquence alternée ou séquence en parallèle :

Séquences : paramètres et profils

Selon Vanoye et Goliot-Lété (2001, p.29)

Définition d'une séquence : ensemble de plans constituant une unité narrative définie selon l'unité de lieu ou d'action.

- Classification des séquences selon les paramètres filmiques de Christian Metz :

- la scène ou séquence en temps réel : la durée de la projection égale la durée fictionnelle ;

- la séquence ordinaire : elle comporte des ellipses temporelles252(*) plus ou moins importantes ; c'est une suite chronologique d'événements.

- la séquence alternée : elle montre en alternance au moins deux actions simultanées qui se situent dans un même espace/temps.

- la séquence en parallèle : elle montre en alternance au moins deux ordres de choses (actions, objets, paysages, activités, etc.), sans lien chronologique marqué et situés dans des espaces différents, pour établir, par exemple, une comparaison ;

- la séquence par épisodes : une évolution couvrant une période de temps importante est montrée en quelques plans caractéristiques séparés par des ellipses ;

- la séquence en accolade : montage de plusieurs plans montrant un même ordre d'événement (la guerre, par exemple)

- Classification des séquences selon des paramètres scénaristiques :

- En extérieur/en intérieur ;

- De jour/de nuit ;

- Visuelles/dialoguées

- D'action, de mouvement, de tension/inaction, immobilité, détente

- Intimes/collectives ou publiques ;

- A un personnage/à deux personnages/de groupe

- Etc.

- Profils séquentiels qui dépendent :

- Du nombre et de la durée des séquences => films très découpés/films peu découpés

- De l'enchaînement des séquences : rapide/lent, cut/liaisons (fondus, volets, etc.), chronologique/a-chronologique, continu/discontinu

- Etc.

Par ailleurs, les éléments de liaison peuvent avoir (comme dans la séquence n°58 du film Adieu Philippine) un rôle harmonisateur au sein d'une même séquence. Comme l'écrit Mitry (2001, p. 101) : « La division du film en plans et en séquences détermine l'architecture générale de l'oeuvre. Mais si ces divisions doivent être ressenties, on ne doit point les remarquer. L'art consiste à les unir, sauf lorsqu'une ponctuation devient nécessaire ». Ces éléments de liaison peuvent également, lors du montage, permettre de cacher des erreurs commises par le réalisateur lors de la prise de vues.253(*)

Ces éléments de liaison sont plus nombreux qu'on ne le croit de prime abord et sont classés en au moins trois catégories : les liaisons par fondu, l'ouverture/fermeture de l'iris, les volets.

1. Les liaisons par fondu

Il en existe plusieurs types :

- le fondu au noir (dit parfois fondu en noir ou fermeture en fondu254(*)) - ou au blanc (ouverture en fondu255(*)) -  qui consiste à remplacer un plan par un autre, après sa fusion par obscurcissement ou illumination, par un écran noir - ou blanc-.

- Le fondu enchaîné qui revient à remplacer un plan, après sa dissipation par fusion, par un autre plan.

Noël Burch (1969, pp.66-67) rappelle que ces liaisons étaient utilisées à l'époque du muet avec des motivations diverses par les réalisateurs et monteurs et qu'il fallut attendre plusieurs années après les débuts du parlant pour que s'établissent des conventions, par exemple, celle qui fait du fondu enchaîné le signe du passage du temps.

Actuellement, les fondus expriment souvent une notion de temps :

- le fondu au noir « marque le temps très long qui sépare deux séquences ; un temps meublé qui influe sur l'action représentée (contrairement à l'ellipse qui laisse entendre cette durée sans toutefois la faire ressentir » (Mitry, 2001, p.101)

- le fondu enchaîné « marque généralement un court changement de temps, une durée sans influence sur l'action ». Jullier (2002, p.54)256(*) a rappelé que les fondus enchaînés existaient déjà à l'époque des lanternes magiques. Il suffisait d'avoir deux lanternes. Il constate également que la durée ou longueur des fondus est variable. Ils sont parfois très longs et fréquents. C'est le cas dans le film de Georges Steven (1950), Une place au soleil, afin de rendre compte de l'état psychologique de son héros schizoïde, présent physiquement mais ailleurs en pensée.

D'autres utilisations fréquentes des fondus ont été répertoriées :

- le fondu au noir introduit ou conclut souvent une nuit, ou marque un choc psychologique, un événement dramatique. Rappelons que les formalistes russes tels que Iouri Tynianov 257(*) lui donnèrent très tôt une signification conventionnelle ; celle d' « une coupure importante dans le temps et l'espace ».

- le fondu au blanc marque fréquemment un éblouissement, un évanouissement, voire les flammes qui sortent d'une arme à feu.

- Le fondu enchaîné, en raison de son résultat voilé et flou, est parfois utilisé pour introduire un rêve ou un souvenir, un flash back (retour en arrière ou analepse).

Toutefois, avec la prolifération des fondus, principalement enchaînés, dans les téléfilms, les journaux télévisés, notamment lors de reportages avec interviews, de fondus enchaînés sans motif autre que de cacher des erreurs de prise de vues ou de couper des passages trop longs sans provoquer de saut d'image, l'évocation du temps est de moins en moins le seul effet recherché par les réalisateurs.

Par ailleurs, les spectateurs étant de plus en plus « cultivés cinématographiquement et audiovisuellement » n'ont plus réellement besoin d'une marque formelle pour comprendre qu'il s'agit d'un flash back, d'un souvenir, d'un rêve du personnage.

Ceci explique l'absence de plus en plus fréquente de liaisons au profit de l'augmentation de cuts (ou coupes franches). Contrairement à ce que l'on pourrait en conclure sans réfléchir plus avant, un cut peut être choisi pour donner du sens, du rythme, voire évoquer de la brutalité, de la brusquerie.

Il faut ajouter à cela les phénomènes de mode auxquels n'échappe pas le monde cinématographique. Les productions hollywoodiennes anciennes comme le cinéma français antérieur à la Nouvelle Vague abusaient des fondus. Sans doute en partie par réaction, ils furent donc délaissés jusqu'à la fin du siècle dernier pour revenir en force dans les films d'action violente. Bessière (2000, p.50) cite, à ce sujet, Ghost Dog (Jim Jarmush, 1999) et Eyes wide shut (Stanley Kubrick, 1999) : « Gost Dog offre des fondus enchaînés entre plans, avec dissipation lente, empathique, dans un effet de surimpression vaporeuse, sans doute pour indiquer que le personnage, obéissant au code d'honneur japonais ancien est déconnecté du réel. (...) Eyes wide shut présente des fondus au noir entre les séquences, des fondus enchaînés entre sous-séquences, voire plans, dans un effet d'onirisme fantasmatique ».

2. L'ouverture/fermeture à l'iris

Il s'agit d'une ouverture (ou d'une fermeture) concentrique du plan. Mimant le mouvement du diagramme photographique, cette liaison peut exprimer une cible à atteindre, un commencement (ouverture) ou une fin (fermeture).

Comme les fondus et le volet, ce procédé fut codifié à l'époque du cinéma muet pour faciliter au spectateur le passage entre deux plans ou deux séquences.

Cette codification de ces procédés qui furent assimilés à une ponctuation permettant le découpage du film en phrases, paragraphes ou chapitres fut à l'origine de la réduction linguistique du cinéma (Ropars-Wuilleumier, 1970, p.17). Mais, avec le cinéma moderne, ces contraintes syntaxiques, cette ponctuation - utile à la compréhension à une époque où les conditions d'émission (images saccadées en noir et blanc, sans dialogue, etc.) et de réception (début de l'apprentissage cinématographique des spectateurs) - sont devenues superflues, contraignantes, voire contraires à la création et démodée. Ce qui, pour Ropars-Wuilleumier, démontre que « ce ne sont pas des signes universels indispensables à la transmission du sens ».

3. Le volet

Il peut être de différents types : latéral, vertical, en hélice, etc.. Le volet latéral fait disparaître les images vers la droite ou vers la gauche comme si elles étaient chassées par de nouvelles. Le volet en hélice fait tourner les images sur elles-mêmes avant de disparaître.

Alors que les fondus expriment une notion de temps, « le volet marque généralement un changement de lieu. » (Mitry, 2001, p.101).

Comme pour les fondus, les vidéastes abusant d'effets numériques de ce type, les cinéastes ont tendance à les éviter alors qu'ils étaient très utilisés jusque dans les années soixante258(*). Il n'en reste pas moins que Georges Lucas dans son film Star Wars : 1.La menace (1999) utilise des volets - latéraux, verticaux, en hélice, concentriques, imitant la fermeture à l'iris - pour marquer le passage d'une séquence à l'autre.

* 251 Mitry (2001, p.100) : « On appelle séquence l'ensemble des images intéressant les événements situés dans un même lieu ou même décor quels que soient les changements d'angles ou de champs, c'est-à-dire des plans qui ont pu intervenir au cours des prises de vues relatives à cet ensemble ».

* 252 Une ellipse est une coupure dans le temps du récit qui permet au réalisateur d'enlever des événements de l'action. Le spectateur compense en imagination ces omissions.

* 253 Dans le film N , Napoléon (de Caunes, 2001) , un fondu enchaîné interrompt un long dialogue entre les deux personnages principaux, sans volonté elliptique, donc très probablement pour cacher un collage de deux prises de vue de la même scène, rendu nécessaire vraisemblablement par une maladresse de l'un des deux acteurs.

* 254 Un plan s'assombrit progressivement jusqu'à ce que l'écran soit noir.

* 255 Un écran noir est progressivement remplacé par un plan.

* 256 Jullier (2002,p.54) : « Une figure aujourd'hui tombée en désuétude, courante dans les films hollywoodiens classiques, consistait à l'associer à un flou progressif sur la queue de A et un net progressif sur le début de B, qui passait pour signaler au spectateur un retour vers le passé, un passage dans un monde mental alternatif. Un cas particulier de fondu enchaîné combine un plan à un à-plat couleur (fréquemment un noir). Il permettait conventionnellement, dans le cinéma classique de marquer des seuils de début et/ou de fin de séquence (et souvent du film lui-même) et de signaler les ellipses, surtout grâce à la combinaison A/N au début - N/B à la fin, où N est le noir - on parle alors d'ouverture au noir et de fermeture au noir.. Dans des films modernes, on voit de tels couples simplement utilisés à des fins plastiques, expressives, sans connexion à des anachronies du récit ; on voit également des seuils se matérialiser sans fondus, un noir encadré par deux cuts séparant brutalement A de B. Des couleurs y remplacent parfois le noir, comme le blanc ou le rouge (Cris et chuchotements, Ingmar Bergman, 1972) »

* 257 Iouri Tynianov, Les fondements du cinéma, in Albéra (1996, p.80)

* 258 Le volet est notamment utilisé dans Les sept Samouraïs (1954), un film d'aventures d'Akira Kurosawa, Oscar du meilleur film étranger en 1955.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein