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Approche communicationnelle des films de fiction


par Alexandre Chirouze
Université Montpellier 3 - Doctorat 2006
  

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B- La séquence

La signification de la séquence, en tant que grande unité narrative autonome, dépend de chaque plan qui la constitue et de la relation entre les plans.

Quelle que soit la volonté du réalisateur, de guider ou de tromper le spectateur dans son processus de construction de sens, le travail de re-montage du spectateur est présent : « Puisque le spectateur est un être humain génétiquement programmé pour trouver du sens dans tout ce qu'il perçoit de l'environnement (du sens, c'est-à-dire des relations) ; faire suivre un plan A d'un plan B est immanquablement vu comme une invitation à trouver ce qui les relie l'un à l'autre » (Jullier, 2002, p.51).

La signification d'un plan dépend également, au-delà de ce qu'il représente, de sa durée. Or, la durée de chaque plan, comme leur organisation sont de la responsabilité du monteur. C'est pourquoi, le montage - qui peut être défini comme l'organisation des plans d'un film, de différentes durées et selon un certain ordre - est considéré par bon nombre d'auteurs comme l'élément le plus spécifique du langage cinématographique.

Ainsi - bien que son importance ait varié au cours de l'histoire du cinéma et que tous les films ne soient pas le résultat d'un montage - il ne fait aucun doute que la qualité d'un film repose en grande partie sur la qualité du montage (Jurgenson et Brunet, 1990, p.13).

La plupart des films réalisés avant 1904 ne sont composés que d'un seul plan. Pour des raisons techniques et/ou économiques, certains films sont des assemblages de plans très longs dont la durée correspond à celle d'une bobine, comme La Corde (1948) d'Alfred Hitchcock qui ne comprend que 8 plans (bobines). Certains films expérimentaux ou d'avant garde, notamment Empire238(*) (1964) d'Andy Warhol ou La Région centrale239(*) (1971) de Michael Snow ou, plus récemment encore, L'Arche russe d'Alexandre Sokurov240(*) (2002) se limitent à un seul plan. Lorsque le film est composé d'un seul plan ou d'un nombre très limité de plans longs, il est généralement associé à des mouvements de caméra (panoramiques, travelling, mouvements de grue et zooms) qui permettent de faire varier les points de vue, autrement dit de créer des effets comparables aux changements de vues produits par le montage, en respectant néanmoins la continuité du plan.

Nous avons vu précédemment qu'à partir des années 20, les théoriciens du cinéma et cinéastes ont pris conscience de la puissance d'expression du montage. Excepté quelques films, le plus souvent expérimentaux, les films actuels sont le résultat d'un montage assez sophistiqué. « Un film hollywoodien contient généralement entre 800 et 1200 plans ; un film dont l'action est plus rapide peut être composé de plus de 2000 plans. Ces seuls chiffres font comprendre que le montage façonne fortement l'expérience du spectateur, même à son insu. Le montage contribue beaucoup à l'organisation d'un film et à ses effets sur les spectateurs » (Bordwell et Thompson, 2000, p.328).

Le réalisateur peut grâce au montage agir sur les relations visuelles entre un plan A et un plan B, leurs relations rythmiques, leurs relations spatiales et leurs relations temporelles. Dans chacun de ces domaines, il pourra jouer sur la continuité ou l'opposition brutale.

Exemples de relations entre les plans d'une même scène241(*)

Dimension

Continuité

Discontinuité / Opposition

Visuelle

Ressemblance des lumières, des couleurs, des décors, des tailles de plans, des mouvements de caméra, etc.

Chocs entre les tailles des plans, opposition des directions des reflets, des couleurs, etc.

Rythmique

Même durée des plans, même vitesse de défilement, etc.

Disparité de la longueur des plans, changement de la vitesse de défilement, alternance de plans longs et de plans courts, etc.

Spatiale

Même décor. Un plan de situation suivi de vues partielles de cet espace.

Montage alternant au moins deux espaces. Choix d'objectifs qui modifient les formes et les distances. Alternance de focales courte et longue, etc.

Temporelle

Durée de la scène équivalente à celle de l'action réelle. Respect de la chronologie des faits. Continuité narrative, etc.

Modification de la chronologie des faits : flashback242(*), flash-forward243(*).

Répétition de plans en tout ou partie. Changement de vitesse de défilement (ralenti, accéléré), etc.

C'est la raison pour laquelle il est utile de connaître et, éventuellement, de tirer parti du travail du sémiologue, Christian Metz, qui a décrit d'une façon précise et systématique l'ensemble des figures de montage qui interviennent dans les films : « Alors qu'une image ne ressemble jamais à une autre image, la grande majorité des films narratifs se ressemblent quant à leurs principales figures de syntagmes » (Metz).

Cette structuration concernant de grandes unités qui se situent sur l'axe syntagmatique244(*) temporel, Metz l'a nommée la « Grande syntagmatique ». Elle peut être utilisée autant par un analyste de film pour étudier la structure d'un film que par un cinéaste pour construire son film (Bessière, 2000, p.52).

* 238 Un film expérimental de huit heures qui relate huit heures de la vie de l'Empire State Building de New York, vu de l'extérieur et filmé en plan fixe.

* 239 Ce film expérimental canadien de 3 heures se passe dans une région désertique du Québec. Une caméra fixée sur un dispositif à bras mobile balaye l'espace à différentes vitesses, dans des panoramiques incessants et grisants (Rapp et Lamy, 1999, p.1038)

* 240 Le film L'Arche russe a été tourné en une seule fois le 23 Décembre 2001 dans le musée de l'Hermitage de Saint Petersbourg. Comme l'a avoué Alexandre Sokurov : « J'ai eu alors une idée, mais elle était très coûteuse et extrêmement difficile à réaliser. L'idée était de tourner le film, disons, sans reprendre son souffle".Relatant l'histoire russe sur plusieurs générations pendant un long plan séquence de 96 minutes, ce film a nécessité une organisation lourde et précise : plusieurs mois de répétitions, trois orchestres, 22 assistants à la réalisation et 867 acteurs et figurants. Aucune erreur durant le tournage n'était permise, aussi bien pour les acteurs que pour les techniciens. Il n'y eut ni coupure, ni montage.. Selon Samuel Blumenfeld (Le Monde du 26.03.2003) : « L'Arche russe représente d'abord un tour de force technique. Réalisé avec une caméra compacte haute définition, enregistré sur un système de disque dur portable capable de stocker jusqu'à 100 minutes d'images, chose impossible sur le support 35 mm, le film porte l'expérimentation à un niveau inédit. ».

* 241 Pour des exemples, voir Bordwell et Thompson (2000, p.332-381)

* 242 Flashback : modification de la continuité chronologique d'une histoire par un retour dans le passé. Autrement dit, le récit revient sur un événement antérieur au présent de l'action. En narratologie = analepse

* 243 Flash-forward : modification de la continuité chronologique d'une histoire par une projection dans le futur. Autrement dit, le récit présente des événements futurs puis revient au présent de l'action. En narratologie = prolepse

* 244 « On appelle relation syntagmatique toute relation qui s'établit entre des éléments co-présents de façon proche à l'intérieur d'un même message (...) Le langage cinématographique articule à chaque instant plusieurs matières de l'expression : des images, des mentions écrites, des paroles, des bruits et de la musique ; toutes ces matières sont capables de mobiliser des relations syntagmatiques de succession : relations entre plans, relations entre textes écrits (dans un générique par exemple), relations entre phrases de dialogue ou de commentaire, relations entre bruits, relations entre moments musicaux » (Odin, 1990, p.103-105)

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