Approche communicationnelle des films de fictionpar Alexandre Chirouze Université Montpellier 3 - Doctorat 2006 |
B- Les effets d'une combinaison de la distance focale et de la profondeur de champLe réalisateur peut combiner les deux variables de la perspective que sont la distance focale et la profondeur de champ. Jullier (2000, p. 77-78) cite des exemples de combinaisons (Profondeur de champ et Distance focale209(*)) qui sont utilisés dans le but de connoter un rapport particulier des personnages avec l'environnement qui les entoure : « Une combinaison Distance focale courte et petite Profondeur de champ aura pour effet optique de détacher les sujets des maisons qui les entourent et connotera sans doute l'idée de libre arbitre (ces gens sont libres d'opter pour le comportement de leur choix ; le décor n'y est pour rien, d'ailleurs il est flou derrière eux). Une combinaison Distance focale longue et grande profondeur de champ aura au contraire pour effet de fondre les sujets dans le décor, de les plaquer à la façon de ces silhouettes d'Hiroshima ; cela connotera davantage l'idée que le comportement des sujets est le produit des conditions de vie qui sont les leurs. » VI- Le code des changements d'angle de prise de vuesL'angle de prises de vues est, comme le plan que nous avons présenté, anthropocentrique autrement dit qui fait du personnage, humain ou non, le centre de visée du cadreur. Selon l'angle sous lequel la cible (homme, paysage ou autre) est enregistrée par la caméra, on distinguera plusieurs angles de prise de vues : - l'angle plat : le réalisateur vise le personnage ou un objet quelconque de manière frontale, rendant compte de la vision d'un homme de hauteur moyenne que ce dernier soit de face, de profil ou de dos. - la plongée : la caméra surplombe le personnage ou l'objet filmé - La plongée zénithale : la caméra surplombe le personnage comme le soleil au zénith - la contre-plongée : la caméra est placée au pied du personnage ou de l'objet filmé L'angle de prise de vues est généralement choisi par le réalisateur dans un but expressif. Comme l'écrit Mitry (2001, p.95) : « les fortes incidences angulaires doivent être justifiées par une nécessité quelconque de caractère dramatique ou psychologique ». Certains considèrent que l'angle plat est « neutre », ce qui n'est pas tout à fait exact, tandis que les autres angles de prise de vues donnent du sens. La plongée donne un sens symbolique de rôle mineur, de faiblesse, d'infériorité, d'écrasement psychologique, de perte d'identité dans la foule, de peur, etc. Le sujet filmé est dominé, amenuisé, écrasé. La contre-plongée, au contraire, confère une valeur de puissance, de domination , de mystère inquiétant, d'élévation, de statut élevé, de majesté, etc. Elle est utilisée pour les personnages comme pour les décors, par exemple, pour « exagérer » la hauteur d'un bâtiment. Comme pour tous les autres codes spécifiques du cinéma, le réalisateur pourra « reprendre les codes stéréotypés de la plongée écrasante ou de la contre-plongée magnifiante, ou encore les utiliser à contre-emploi, tant il est vrai que, là comme ailleurs, les règles sont floues et toujours réinterprétables » (Joly, 1994, p.120). L'inclinaison du plan (ou plan incliné) est, parfois, utilisée pour montrer que « le monde vacille » mais il l'a été également par Eisenstein pour accentuer l'impression d'effort que fournissent des hommes poussant un canon dans Octobre (ou dix jours qui ébranlèrent le monde) (Eisenstein, 1928). Par ailleurs, en plus du sens généré par chacune des prises de vues, « la présence récurrente de tel ou tel angle de prise de vues peut rendre compte du « style » du film et le renvoyer à une école particulière (...) La fréquence des plongées et contre-plongées peut marquer la volonté (du réalisateur) de retrouver les effets de déséquilibre de l'expressionnisme ou les cadrages insolites de Eisenstein » (Bessière, 2000, p.45). * 209 On distingue habituellement les distances focales moyennes (les objectifs standards), courtes (les grands-angles) et longues (les téléobjectifs). |
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