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Approche communicationnelle des films de fiction


par Alexandre Chirouze
Université Montpellier 3 - Doctorat 2006
  

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A- Le choix de la distance focale et les effets recherchés par le réalisateur

A la différence de l'oeil humain, l'objectif d'une caméra peut être changé pour créer des effets de perspective.

Pour contrôler la représentation de la perspective, le réalisateur peut jouer sur la distance focale, distance séparant le centre de l'objectif du point de convergence des rayons lumineux sur la pellicule (appelé « foyer »).

Trois types principaux d'objectifs sont utilisés :

- L'objectif à courte focale. Pour une pellicule de format standard 35 mm, un objectif dont la focale est inférieure à 35 mm est appelé « courte focale », parfois même grand angle207(*). L'objectif à courte focale a tendance à bomber vers l'extérieur du cadre les lignes qui les bordent, notamment les arbres et les bâtiments. Augmentant l'effet de profondeur, il montre les personnages plus éloignés qu'ils ne le sont en réalité. Lorsque ces derniers se déplacent vers la caméra ou s'en éloignent, ils semblent le faire avec plus de rapidité. Jean-Pierre Jeunet, par exemple, utilise beaucoup l'objectif à courte focale : « J'adore l'idée de pouvoir résumer une scène à un cadre, et que ce soit le graphisme de ce cadre qui fasse naître la scène. C'est pour ces raisons-là que je n'utilise quasiment que des objectifs à focale courte. Je pourrais tourner tout un film en n'utilisant que le 18 et le 25 mm. Dans Alien, j'ai beaucoup utilisé le 14 mm, pour rendre les décors plus imposants. Utiliser le grand angle comme ça permet de mieux composer l'image, d'un point de vue graphique. Mais en même temps, ça demande une très grande rigueur dans les mouvements sinon ça peut vite devenir ringard, dès qu'on bouge la caméra. » (Jeunet, in Tirard, 2004, p. 53-54). Les frères Coen sont également des partisans du grand angle mais pour des raisons quelque peu différentes de Jeunet. Ils parlent même de « tic », de dérogation à la grammaire de base : «Le seul vrai tic que nous avons peut-être et qui a beaucoup surpris notre nouveau directeur de la photo, c'est que nous aimons filmer au grand angle. Pour nous, le 40 mm, c'est presque une focale longue. Et on commence à s'intéresser aux objectifs à partir de 25 mm, alors que la plupart des metteurs en scène considèrent çà comme la limite extrême de la distorsion. ». Leur goût pour le grand angle vient du fait qu'ils aiment «  les mouvements de caméra et que les grands angles les rendent plus dynamiques. Et la raison pour laquelle la plupart des cinéastes hésitent à les utiliser, c'est que cela n'est généralement pas très flatteur pour les acteurs ». (Joel et Ethan Coen, in Tirard, 2004, p.96)

- L'objectif à focale moyenne ou normale. La distance focale est comprise entre 35 et 50 mm. Les distorsions sont réduites. Les verticales et les horizontales sont droites et perpendiculaires. Les lignes parallèles s'éloignent à l'infini comme le veulent les lois oculaires de la perspective. Les déformations étant réduites, certains acteurs préfèrent être filmés avec des focales moyennes plutôt qu'avec des focales courtes. Ainsi, John Boorman (in Tirard, 2004, p.67) insiste sur la confiance nécessaire entre le réalisateur et les acteurs, confiance qui résulte pour une bonne part du choix de la focale ; les acteurs « ont besoin de savoir que vous contrôlez tout, sinon ils perdent confiance. Et c'est seulement en ayant confiance en vous qu'ils prendront des risques pour vous. Il est donc important de montrer que vous n'allez pas les trahir. Une façon de les rassurer, par exemple, est de ne jamais les filmer en gros plan avec une focale plus courte que le 50mm (rires). » Une règle de courtoisie qui ne semble pas être respectée par un certain nombre réalisateurs dont les frères Coen.

- L'objectif à longue focale et le téléobjectif208(*). Il déforme l'espace latéralement. La profondeur et les volumes sont comprimés. Les personnages ont l'air d'être proches les uns des autres, comme entassés. Cette focale modifie également la représentation du mouvement. Aplatissant la profondeur, elle laisse à penser que les personnages font du sur-place, lorsqu'ils marchent dans l'axe de la caméra. John Boorman raconte que Kurosawa « engageait un caméraman qui avait pour mission de voler des images dans chaque scène, de façon discrète et généralement avec une longue focale : des gros plans de certains acteurs, des détails, etc. Et, pendant le montage, lorsque Kurosawa se trouvait frustré de n'avoir pas assez de matière pour une scène, il faisait développer ces plans pour voir s'il pouvait les utiliser » (Boorman, in Tirard, 2004, p. 66). A l'inverse de la courte focale, la longue focale peut être utilisée pour mettre à l'aise un acteur qui ne supporte pas bien que la caméra soit trop proche de lui. Ainsi, Claude Sautet avoua que « sur Les Choses de la vie (1969), au début du tournage, être tombé sur un acteur qui se bloquait dès que la caméra était trop proche de lui. Il n'arrivait pas à jouer. La seule solution pour obtenir quelque chose de lui, c'était d'éloigner la caméra, et de le filmer avec de très longues focales. Effectivement, ça l'a aidé à mieux jouer ». Certains réalisateurs, dont Abbas Kiarostami, utilisent la longue focale lorsque l'acteur bouge beaucoup (Ciment, 2003, p.690). Nous verrons par la suite que les distances focales longues connotent le même genre de choses que le geste de zoomer : voyeurisme, espionnage, paparazzi (Jullier, 2002).

En conséquence, « le choix de la focale a une influence sur l'expérience du spectateur. Les distorsions d'objets ou de personnages peuvent avoir des qualités expressives. » (Bordwell et Thompson, 2000, p. 264-268).

Il est également possible, bien sûr, d'alterner les longues et courtes focales pour donner une plus grande richesse visuelle : « C'est un procédé dont le cinéma américain de ces dernières années s'est beaucoup servi, mais qui pour moi va à l'encontre de la notion de style visuel. Je l'ai un peu fait dans Alien, parce que c'était une façon d'entrer dans le jeu hollywoodien, mais sur des films comme Delicatessen ou La Cité des enfants perdus, je me le suis toujours interdit » (Jeunet, in Tirard, 2004, p.54).

Il est assez rare qu'un réalisateur s'extasie devant l'objectif à focale moyenne, pourtant le moins déformant, donc celui qui reproduit le mieux la réalité et qui, sans doute, est le plus utilisé. Il est plus fréquent qu'il ait une préférence forte pour le grand angle ou pour la longue focale. A ce paradoxe, s'en ajoute un deuxième, en cas d'alternance d'objectifs, aussi bien en matière de durée des plans à focales différentes qu'en matière de disparité de focales.

Dans le premier cas, les réalisateurs utilisent l'alternance pour donner du rythme. C'est le cas de Tim Burton qui malgré sa préférence pour le grand angle et, plus précisément, pour le 21 (sans doute l'héritage du dessin animé et de ses débuts comme dessinateur chez Disney) « utilise les très longues focales pour ponctuer très brièvement certaines scènes, de la même façon que l'on mettrait une virgule au milieu d'une phrase » (Burton, in Titard, 2004, p.196).

Dans le deuxième cas, les réalisateurs visent le contraste par des oppositions fortes de focales. John Woo justifie ce choix : « je n'utilise que deux objectifs : le grand angle et la très longue focale. Le premier parce que, quitte à montrer quelque chose, autant le montrer de la façon la plus globale possible et avec un maximum de détails. Le deuxième, parce que je trouve qu'il permet une vraie « rencontre » avec le sujet photographié. Vous filmez un visage d'acteur avec un 180, et vous avez l'impression de l'avoir en face de vous. Il y a une présence qu'un objectif plus court n'arrivera pas à vous donner. Bref, je n'aime que les extrêmes. Tout ce qui est intermédiaire (donc l'objectif à focale moyenne) est pour moi synonyme de compromis et ne vaut rien ». (Woo, in Tirard, 2004, p.205).

* 207 Le terme « grand angle » s'appliquant plutôt à des focales inférieures à 18 mm

* 208 Les longues focales sont comprises entre 75 et 250 mm. A partir de 135 mm, on parle de très longue focale ou de téléobjectif

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius