Approche communicationnelle des films de fictionpar Alexandre Chirouze Université Montpellier 3 - Doctorat 2006 |
V- La profondeur de champ et la distance focaleLa profondeur de champ est la part de netteté de l'image dans le sens de l'axe de l'objectif.205(*) Elle contribue à l'illusion de perspective. Selon Georges Sadoul206(*), Louis Lumière fut le premier à se rendre compte de l'intérêt dramatique de la profondeur de champ. Il en usa notamment dans L'Arrivée d'un train à la gare de la Ciotat qui fit hurler de panique les premiers spectateurs : « Louis Lumière eut le mérite de comprendre instinctivement toute l'importance de l'utilisation dramatique de la profondeur de champ ». La profondeur de l'image filmique est « analysable à l'aide d'une pyramide imaginaire dont la base est formée par les bords du cadre et le sommet constitué par le point de fuite principal : le point où toutes les lignes vont se rejoindre dans un au-delà, censé infini, de l'horizon supposé de l'écran. La position des êtres et des objets, qui varient en proportions par rapport à cet axe de fuite, produit un effet de troisième dimension, dans une analogie avec la perspective perçue par l'oeil lors de la vision du réel. » (Bessière, 2000, p 45-46) Il est donc possible de trouver dans un même plan : - au premier plan, les êtres/objets situés au plus près de la caméra, donc à la base de la pyramide imaginaire - de la sorte, ils paraissent plus larges et plus grands que ceux placés au deuxième plan ; - au deuxième plan, ou à la mi-plan, les êtres/objets qui sont pris dans le resserrement de la pyramide semblent de taille et de volume moyens ; - au troisième plan, vers la pointe de la pyramide, les êtres/objets paraissent petits et fins. Toutefois, il ne faut pas confondre la profondeur de champ, paramètre photographique, avec la profondeur de l'espace représenté, qui est un paramètre de la mise en scène (décors, éclairage, position des acteurs, etc.). Les différents plans successifs d'un même plan peuvent être tous nets. Mais, en revanche, le réalisateur peut opter pour une netteté sélective, en choisissant de faire le point sur un seul plan et de laisser les autres plus ou moins flous. Comme l'expliquent Bordwell et Thompson (2000, p.270), avant 1940, il était courant à Hollywood de filmer les gros plans en faisant le point sur les visages mais en laissant le premier plan et le fond flous. « Le contraste entre la netteté du second plan (du visage) et le flou du premier plan permettait d'attirer immédiatement l'attention du spectateur ». Ce choix stylistique, bien que moins fréquent, existe toujours dans des films plus récents. En conséquence, la profondeur de champ n'est pas qu'un résultat technique, c'est aussi, comme l'écrit Jullier (2000, p.77-78) un outil de narration, notamment en terme de verticalité. Une grande profondeur de champ permet de raconter plusieurs choses en même temps dans l'axe de l'objectif. Une petite profondeur de champ permet d'isoler des détails et par le biais d'une variation de la mise au point, de signaler des relations, de faire de la direction d'attention ». * 205 on la définit aussi comme la portion d'espace située devant l'objectif à l'intérieur de laquelle la mise au point des objets et personnages photographiés est possible, autrement dit où ils apparaissent nets. * 206 Georges Sadoul, Louis Lumière, Paris, Seghers, 1964, p.49 |
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