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Approche communicationnelle des films de fiction


par Alexandre Chirouze
Université Montpellier 3 - Doctorat 2006
  

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II- La polysémie de l'image

De nombreux auteurs ont déclaré polysémique l'image et ont tenté de faire croire que cette polysémie de l'image était l'une des spécificités de la communication par l'image.

L'idée de départ était simple : une image fournissant un grand nombre (poly) d'informations (sémies) visuelles, elle ne peut qu'avoir de multiples significations et, par voie de conséquence, de multiples interprétations.

Une image est, en effet, polysémique. Son énoncé iconique, le texte visuel étant complexes, non résumables en un seul mot « mais au minimum par une description (qui peut être infinie) ou un énoncé et parfois même tout un discours » (Eco, 1992).186(*)

Cependant, la polysémie n'est pas la spécificité de l'image. Même un simple mot peut avoir plusieurs significations. Mitry (2001, p.69-70) fut l'un des premiers à critiquer les conclusions de Barthes concernant la synonymie187(*) et la polysémie de l'image. Pour Mitry, affirmer, comme Barthes le fait, la polysémie de l'image est un truisme. « Un signifiant peut exprimer non seulement plusieurs mais une quantité de signifiés puisque l'image ne prend sa valeur de signe qu'à la faveur du contexte et des implications qu'il suppose. Une même image (ou plus exactement la représentation d'une même chose, d'un même objet, d'un même fait) peut prendre autant de sens différents qu'il y a ou peut y avoir de contextes différents au sein desquels elle pourrait être introduite. »

A cette divergence, Martine Joly répond que le terme de polysémie est utilisé à tort pour désigner quelque chose d'autre, « quelque chose que tout le monde sent confusément, une particularité propre (cette fois) à l'image que Metz appelle l'absence de focalisation assertive : l'image parle peu d'elle-même » (Joly, 1994, p.83). Ce manque d'assertivité de l'image provoque l'hésitation interprétative du spectateur. C'est donc cette hésitation que l'on appelle la polysémie d'où la conclusion de Christian Metz, maintenant fameuse :

« ce n'est pas l'image qui est polysémique, mais le spectateur ».

Il n'en demeure pas moins vrai qu'il existe des procédés utilisés par l'image pour focaliser, pour mettre en relief (en focus) tel ou tel point d'un énoncé visuel dont : la couleur, la composition, le cadrage, l'éclairage, le choix des proportions, etc. Tous ces points seront, bien entendu, étudier ultérieurement.

III- De l'image à une combinaison d'images

Toute image dans un film contribue à la production du sens. «Toute image - même la plus quelconque - se trouve déjà chargée d'un certain sens avant que n'intervienne la plus élémentaire des combinaisons en vue d'une signification éventuelle » (Mitry, 2001, p.65).

Mais il va de soi que le sens vient principalement des implications logiques entre plusieurs images. « La signification filmique ne dépend jamais - ou rarement - d'une image isolée mais d'une relation entre les images.(...) L'image du cendrier ne signifie rien d'autre que ce que signifie cet objet. Par implication, ce cendrier « dans lequel les mégots s'empilent » en vient à suggérer le temps qui s'écoule. Dans un autre contexte, il pourrait signifier tout autre chose : l'énervement, l'attente ou encore l'ennui (...) Deux signifiés peuvent donc avoir en commun le même signe » (Mitry, 2001, p.66). La prise en compte de la relation des images nous pousse à définir ce qu'est un plan.

Le plan, unité minimale traditionnelle du langage filmique, est constitué par une série d'instantanés visant une même action ou un même objet sous un même angle et dans un même champ188(*). Le champ étant tout ce qui entre dans le cadre de vision de l'objectif. Autrement dit, le champ est l'espace filmique couvert par le système optique qu'une caméra est capable de reproduire à l'écran. C'est la raison pour laquelle on dit, communément, que l'on est dans le champ lorsqu'on est vu à l'image, à l'écran.

Certains auteurs distinguent le cadre de l'image, le cadre de l'écran, le cadre de la projection189(*). Mais, comme l'écrit Nicolas Opritescu (1997, tome 1, p.36), « nous entrons dans un domaine bien théorique où toutes les définitions sont contestables ».190(*)

Nous avons vu qu'au tournage, un plan est tout ce qui est filmé entre le moment où le cadreur déclenche sa caméra et le moment où il l'arrête. Au montage, le même plan n'est plus que le fragment qui reste après qu'on lui ait retiré les morceaux du début et de la fin, qui servaient de surfaces d'ancrage ou d'articulation avec le plan qui le précède et celui qui lui succède.

Les huit composantes du plan

selon Vanoye et Goliot-Lété (2001, p.28)

1- La durée (du flash au plan égalant la capacité du chargeur de la caméra)

2- L'angle de prise de vue (vue frontale/vue latérale, plongée/contre-plongée)

3- Le mouvement de caméra (caméra fixe/caméra en mouvement : travelling, panoramique, mouvement à la grue, caméra portée, etc.) et le mouvement optique (zoom, objectif fixe)

4- L'échelle de plan (place de la caméra par rapport à l'objet filmé : plan général, plan américain, gros plan, etc.)

5- Le cadrage (objectif choisi, organisation de l'espace et des objets filmés dans le champ)

6- La profondeur de champ (partie de champ nette et visible plus ou moins importante)

7- La situation du plan dans le montage, dans l'ensemble du film (où ?, à quel moment ?, entre quoi et quoi ?)

8- La définition de l'image (couleur/noir et blanc, « grain » de la photo, éclairage, etc.)

Si l'on reprend l'origine historique du mot, le plan se définit en fonction des personnages principaux divisant l'espace selon des plans perpendiculaires à l'axe de la caméra.

* 186 Umberto Eco, La production des signes, Paris, Poche, 1992

* 187 Mitry (2001, p.70) «  Barthes affirme, un peu imprudemment à mon sens, la synonymie éventuelle de l'image. Certes, un signifié peut s'exprimer à travers plusieurs signifiants. Dans le film d'Eisenstein, par exemple, les bougies cassées (qui éclairent le piano dans le salon des officiers) et l'assiette brisée par les matelots, au réfectoire, suggèrent, tout comme le lorgnon, la faillite de la classe possédante....Cette synonymie toute relative est purement accidentelle : elle n'existe que dans le film. Hors du Cuirassé Potemkine il n'y a aucun rapport, aucune analogie signifiante d'aucune sorte entre un lorgnon qui se balance, une assiette brisée et des bougies écrasées. Barthes d'ailleurs le reconnaît implicitement en précisant : « la synonymie n'est esthétiquement valable que si, pour ainsi dire, on le truque : le signifié est donné à travers une série de corrections et de précisions successives, dont aucune ne répète vraiment l'autre ».

* 188 Mitry (2001, p.93) : « Cette notion de plan est relative à l'histoire du cinéma. Lorsqu'après les premières tentatives de D.W. Griffith, le cinéma commença à prendre conscience de ses moyens (...) on enregistra les scènes selon des points de vue multiples, les techniciens durent qualifier ces différentes prises afin de les distinguer entre elles. Pour cela, on se référa à la situation des personnages principaux en divisant l'espace selon des plans perpendiculaires à l'axe de la caméra. D'où le nom de plans. C'est en quelque sorte la distance privilégiée d'après laquelle on réglait la mise au point ».

* 189 Opritescu (1997, p.45-46) : « Au cinéma, le cadre de la caméra et le cadre de la projection sont rigoureusement identiques. A la télévision, les limites du cadre à la projection varient, en fonction des réglages, sur chaque téléviseur qui « mange » plus ou moins les bords haut-bas et/ou gauche-droite de l'image. Ce malheureux phénomène amène une dégradation esthétique à celle causée par l'important rapetissement de l'image obligeant la composition de l'image uniquement au centre du cadre avec des larges plages de « sécurité » (donc neutres) sur les bords du cadre ».

* 190 Bessière (2000, p.41) : « Le champ se différencie du cadre dans la mesure où il résulte de celui-ci. En effet, la prise de vues est une mise en cadre, l'inclusion d'une portion de la réalité dans le cadre créé par l'objectif de la caméra. Il s'agit d'un acte énonciatif. Le champ est le résultat de cette mise en cadre, son contenu et relève de l'énoncé, de la fiction racontée par le cinéaste. La prise de vues (ou mise en cadre) ne forme en rien « une fenêtre sur le monde » ou un miroir qui le reflèterait plus ou moins fidèlement. Elle détermine un choix, une fragmentation de la réalité et cette portion de réalité devient un champ organisé esthétiquement et appartenant à l'espace/temps de la fiction. Aussi n'a-t-on pas affaire à la même dimension spatio-temporelle quand on parle de hors-cadre et de hors-champ. Le hors-cadre relève du filmage, renvoie à tout ce qui n'a pas été prélevé par la caméra, autour de son cadre technique (...) ; tandis que le hors-champ renvoie à ce qui est censé être contigu au champ et appartient à l'espace-temps de la fiction. »

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo