Approche communicationnelle des films de fictionpar Alexandre Chirouze Université Montpellier 3 - Doctorat 2006 |
Mais
4- Il est encouragé par un Mentor, un vieux sage, une bonne mère, etc. 5- Il consent, il s'implique dans l'aventure : Le Passage du premier seuil. Le premier seuil, à la fin de l'Acte I, est le tournant qui déclenche l'Acte II. Où6- Il rencontre des Epreuves, des Alliés et des Ennemis 7- Il atteint le Coeur de la caverne : un endroit particulièrement dangereux où l'objet de la quête est caché. Il observe généralement une pause avant de passer le deuxième seuil 8- Il subit l'Epreuve Suprême où il est confronté à ses plus grandes peurs. 9- Il s'empare de la Récompense après avoir survécu à l'épreuve suprême, à la mort (fin de l'acte II) 10- Il est poursuivi sur le Chemin du Retour vers le Monde Ordinaire (début de l'acte III) 11- Il passe le troisième seuil et ressuscite, transformé par l'épreuve : La Résurrection 12- Il revient dans le Monde ordinaire en rapportant l'Elixir : le Retour avec l'Elixir, qui peut être un trésor, une leçon du monde extraordinaire ou encore un savoir, une expérience qui serviront le héros et sa communauté. ___________________________________________________________________________ Comme dans les autres structures déjà présentées, celles de Propp, de Greimas, de Field ou de Seger, dans le Voyage du héros, le récit a un commencement et une fin. Et, en cela, le récit s'oppose au « monde réel » qui, selon Metz, n'a ni « commencement, ni fin ». Cela ne signifie par pour autant qu'une suite soit interdite, comme le montrent le succès de la saga légendaire de George Lucas (La Guerre des étoiles, L'Empire contre-attaque et le Retour du Jedi), celui de la trilogie mythique de Peter Jackson, Le Seigneur des Anneaux, ou encore des Harry Potter162(*). Comme Propp avec ses sphères d'action (sept) et Greimas avec ses actants (six), Vogler définit un certain nombre de personnages qui peuplent le paysage du récit. Il les appelle les archétypes en référence aux archétypes de Jung.163(*) Vogler conseille au narrateur d'utiliser « ces personnages types, ces symboles et ces schémas relationnels universels qui appartiennent à l'héritage commun de l'humanité » pour donner de la force à son histoire. Selon lui, bien qu'il existe un grand nombre d'archétypes, « autant que de qualités et de défauts humains », sept personnages sont les plus utiles : - le Héros, - le Mentor (vieux sage ou bonne mère), - le Gardien du Seuil, - le Messager, - le Personnage protéiforme, - L'Ombre, - Le Trickster. L'archétype du héros est associé à l'idée d'épreuve, de difficulté vaincue, de séparation et de retour triomphant. Celui du Mentor, fréquent dans les rêves, les mythes et les histoires, représente un personnage positif qui soutient le héros par son aide et ses conseils. Les Gardiens du Seuil sont les obstacles sur la route de l'aventure. Le Personnage Protéiforme est un personnage changeant, à plusieurs visages dont la loyauté est douteuse. L'Ombre est l'adversaire « de qualité » du héros tandis que le Trickster est un personnage incarnant la ruse et la dissimulation. Pour chacun de ses archétypes, Vogler définit leurs fonctions psychologiques et dramatiques, reconnaissant que « cette réflexion me (lui) fut inspirée par le travail de Vladimir Propp » (p.38) et part, du principe, que les personnages n'ont pas de rôles rigides mais, au contraire, peuvent prendre différentes formes. Fonctions psychologiques et dramatiques des archétypes de Vogler
Plusieurs remarques peuvent être faites sur cette structure mythique de Vogler. Elle s'inspire à la fois des modèles de Propp et de Greimas tant en matière de structure du récit qu'en matière de personnages, de sphères d'action ou d'actants. Elle a été élaborée à partir du travail de Joseph Campbell qui, aux dires de Vogler, s'est appuyé sur les écrits de Carl G. Jung notamment ceux sur les mythes. En réalité, dans le Guide du scénariste de Vogler, les emprunts à Jung sont essentiellement terminologiques, et se manifestent notamment par une utilisation, parfois abusive, de mots tels que « archétypes », « moi », « soi », « animus » et « anima » et, d'une façon évocatrice, en désignant l'un de ses « archétypes » par l'Ombre qui, pour Jung symbolise notre « autre côté », notre « frère obscur » du même sexe et qui, avec le moi, la persona, l'âme, l'animus ou l'anima compose la psyché. 164(*) L'analogie, quelque peu forcée, se prolonge entre le Voyage du Héros et le processus d'individuation, le chemin du développement de la personnalité (tel que le permet une analyse). Ainsi, Vogler suggère que lors de la onzième étape de son voyage, la Résurrection, le héros doit avoir changé. Sa « personnalité doit refléter les meilleurs côtés de l'ancienne, enrichie des leçons apprises tout au long du chemin ». (p.171). Il conseille également de placer le climax du scénario lors de cette étape, climax qui « doit engendrer une sensation de catharsis165(*) ». La catharsis qui soulage et purge est souvent recherchée par le narrateur parce qu'elle provoque chez le héros et le public un « élargissement de la conscience et une perception à un degré supérieur » (p.176). Selon Vogler, la catharsis déclenchée par des rires, une peur ou tout autre expression physique des émotions est le climax logique de l'arc transformationnel de tout héros. Or, le développement des personnages est essentiel à une bonne histoire (Seger, 2000)166(*). Pour éviter qu'un seul événement ne fasse évoluer un personnage brutalement, ce qui est rare dans la vie, le changement de la personnalité, dans le scénario, doit être progressif, d'où l'idée de Vogler de mettre en parallèle le modèle du Voyage du héros et l'arc transformationnel qu'il appelle également arc du caractère. Présenté de cette façon, l'arc transformationnel pourrait apparaître comme un véritable chemin jungien de développement de la personnalité. A dire vrai, la description de l'arc transformationnel que fait Vogler lui-même n'est qu'une suite d'étapes dans le processus de résolution du problème posé au héros. Il s'agit donc davantage de donner au personnage principal une trajectoire ascensionnelle dans le récit plutôt qu'un véritable chemin de développement de la personnalité. On retrouve là, mais aussi dans la description que Vogler fait de ses «archétypes », le classement des personnages selon des critères narratologiques 167(*) : leur moment d'apparition dans le récit (au début, à la fin, aux moments forts, etc.), leur fréquence d'apparition, leurs lieux d'apparition (leur mobilité ou leur présence qu'en un seul lieu), leurs modalités d'apparition (seul ou accompagné, actif ou passif, avec une mission ou non, etc.), ainsi que leur évolution dans le bon ou mauvais sens. Ainsi, Roche et Taranger (1999, p.81) distingue « le personnage dont la trajectoire dans le récit est ascensionnelle ou descendante, le personnage fort ou faible narrativement parlant ». Mise en parallèle des étapes de l'arc transformationnel et de celles du voyage du héros * 162 Des adaptations cinématographiques des romans de J.K. Rowling : Harry Potter à l'école des sorciers (Chris Columbus, 2001), Harry Potter et la chambre des secrets (Chris Columbus, 2002), Harry Potter et le prisionnier d'Azkaban (Alfonso Cuaron, 2004), Harry Potter et la coupe de feu (Mike Newell, sortie prévue le 30 novembre 2005) et, déjà planifié, Harry Potter et l'ordre du Phoenix (David Yates, sortie prévue 2007). * 163 Ce terme a été donné par Jung, en 1919, pour désigner les images primordiales communes au moins à tout un peuple ou à toute une époque, ce qu'il appelait auparavant « dominante de l'inconscient collectif ». * 164 SOLIE, Pierre, « Carl Gustav Jung et la psychologie analytique », in MOUSSEAU, J., et MOREAU, P.F. (dir.), L'inconscient de Freud aux techniques de groupe, 1976, p. 312-346 * 165 Du grec khataros, pur. Ce terme était utilisé dans la Grèce antique pour désigner une cérémonie de purification à laquelle devaient se soumettre les candidats à l'initiation aux mystères, aux cultes secrets. Aristote employa ce mot pour définir l'effet bienfaisant de la tragédie sur les spectateurs qui en s'identifiant à l'un des acteurs, en éprouvant ses émotions, se libéraient de leurs propres craintes, pitiés, peurs, etc. Les rires, les pleurs, les frissons de terreur et, plus globalement, toutes les expressions physiques des émotions sont les déclencheurs les plus efficaces de la catharsis. * 166 Comme l'écrit Linda Seger (2000) : « Dans les meilleurs films, l'un des personnages au moins est transformé (...), il s'agit en général du héros ». (p.216) ». Elle a, par ailleurs, constaté que « les critiques aiment massacrer un film en disant que le personnage n'évolue pas. » (p.217) * 167 HAMON, Philippe, Pour un statut sémiotique du personnage. Poétique du récit, Paris, Le Seuil, 1976 |
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