Approche communicationnelle des films de fictionpar Alexandre Chirouze Université Montpellier 3 - Doctorat 2006 |
C- Le paradigme ternaire de FieldLes spécialistes de la rédaction des scénarios leur préfèrent souvent des moyens de structuration plus simples tels que le paradigme de Field selon lequel toute histoire doit comprendre trois actes : l'exposition ou introduction, qui s'achève sur un premier coup de théâtre (plot-point) ; le développement ou noeud avec une confrontation qui se termine sur un deuxième coup théâtre ; et, enfin, le dénouement ou conclusion149(*) (Chion, 1985, p.143-144). « Pour Syd Field, un scénario comprend donc trois actes : le début (beginning) ou exposition (set-up), le milieu (middle) ou moment où se noue le conflit (confrontation) et la fin (end) ou dénouement (resolution) » (Roche et Taranger, 1999, p.28-29). Ces trois actes sont séparés par deux charnières dramatiques majeures (plots points ou turning points). Chacun des trois actes est divisible en trois parties similaires pour constituer un plan-gigogne. Field150(*) va jusqu'à préciser les proportions respectives auxquelles doit obéir tout bon scénario structuré en trois actes : le premier acte doit occuper un quart de la durée totale, le deuxième la moitié et le troisième le quart restant (Chion, 1985, p.144). Toutefois, cette structuration d'un scénario n'est pas nouvelle ; elle reprend à son compte la structure en trois actes des pièces de théâtre, des tragédies grecques, etc. selon le modèle antique : Exposition/Péripétie/Catastrophe ou Exposition/Conflit/Résolution ou Dénouement. Elle peut être également comparée aux formules proposées par Gilles Deleuze (1983, p.197-220) qui distingue deux formes de l'image-action, au cinéma : la grande forme et la petite forme. La grande forme, appelée aussi représentation « est organique ou spiralique, a pour formule S-A-S' », de la situation initiale S à la situation transformée S'grâce à l'action A. « Dans l'ensemble, on peut dire que c'est comme deux spirales inverses, dont l'une se rétrécit vers l'action et l'autre s'élargit vers la nouvelle situation : une forme coquetier ou sablier». La petite forme va au contraire de l'action A à la situation S vers une nouvelle action A' et a donc, pour formule, A-S-A'. Le paradigme de Field est plus proche de la grande forme que de la petite ; cette dernière étant assez rarement respectée, y compris dans les films policiers (Philippe, 1999), contrairement à ce que laisse entendre Deleuze151(*). La forme dramaturgique classique est également reprise par Seger (2000). Linda Seger, l'une des plus célèbres consultantes de scénarios de Hollywood152(*), préconise dans son ouvrage Faire d'un bon scénario un scénario formidable153(*) de donner à un scénario une structure forte qui va soutenir l'histoire. « Cela signifie construire votre histoire d'une façon qui lui donnera une forme, un point de focalisation, un rythme et une certaine clarté ». Le but recherché est clair : attirer l'attention du spectateur et l'aider à comprendre l'histoire sans jamais que son attention ne se relâche : « Vous devrez trouver des façons d'aider les spectateurs à suivre votre histoire, et à ne jamais relâcher leur attention. Vous devez travailler votre histoire de façon dramatique ». Elle conseille, comme Field, d'adopter une structure fondamentale en trois actes : le début, le milieu et la fin : l'exposition (the set-up), le développement (the developpment) et la résolution (the resolution). Chacun des trois actes doit être focalisé sur un élément distinct, les transitions entre deux actes sont rendues possibles par une action ou un événement appelé pivot (a turning pivot). Schéma de la structure en trois actes (Selon Linda Seger, p.41) Climax154(*)
1er Pivot 2ème Pivot Exposition Résolution Acte Un Acte Deux Acte Trois * 149 Sidney Field, Screenplay, The foundations of screenwriter's handbook, A step-by-step guide, Delta Book, Dell Publishing Co, New York, 1979 in Chion (1985) * 150 Syd Field, Comment reconnaître, Identifier et Définir les Problèmes liés à l'écriture de Scénario, Paris, Dixit, 2000. * 151 Deleuze classe le « film policier » dans la petite forme et le « film criminel » dans la grande forme. * 152 Linda Seger est consultante de scénarios depuis 1983. Elle a travaillé avec des compagnies, des scénaristes et des producteurs tels que Ray Bradbury, Tony Bill, ITC Productions, Charles Freis Entertainment, TriStar Pictures, Sundance Institute, etc. * 153 SEGER, Linda, Faire d'un bon scénario un scénario formidable, Paris, Editions Dixit, 2000, 256 pages. * 154 Le climax (échelle en grec) correspond, pour les écrivains, au point culminant ou au dernier événement important d'une oeuvre. Le climax est le moment à partir duquel la tension peut retomber car les problèmes sont résolus, les réponses aux questions du départ sont apportées. |
|