Approche communicationnelle des films de fictionpar Alexandre Chirouze Université Montpellier 3 - Doctorat 2006 |
B- L'analyse actancielle de GreimasEn tant que sémanticien, Algirdas-Julien Greimas148(*) s'est davantage intéressé au problème de la signification qu'à celui de la syntaxe fonctionnelle, c'est-à-dire à l'enchaînement des différentes unités dans le récit comme le firent, notamment, Roland Barthes et Claude Brémond. L'analyse sémantique qu'il fait des récits reprend le principe de Propp selon lequel le nombre des rôles, des personnages, est limité. Ce que Propp appelle les sphères d'action, il les nomme les actants. Il ne retient que six actants, sachant que ces derniers peuvent s'incarner dans des personnages, des animaux, des objets, etc. : - le destinateur, celui qui confère la mission, celui à cause de qui la situation s'est créée, le responsable. - le sujet : celui qui reçoit la mission et va l'accomplir, le héros de l'action - l'objet de la quête : la valeur que le héros cherche, le but de son action - le destinataire, celui qui doit bénéficier de l'objet de la quête, celui qui profite de l'action, celui à qui elle s'adresse ou pour qui elle a lieu - l'adjuvant, celui qui aide le sujet-héros à accomplir sa mission, - l'opposant, celui qui tente de l'en empêcher, qui crée des obstacles. Il part également des 31 fonctions de Propp qu'il restructure en 20, puis en 4 concepts : Contrat, Epreuve, Déplacement, Communication. Le but de la méthode est de décrire la structure narrative en clarifiant les rapports entre les actants qui ont une fonction dans le récit. La méthode comporte trois étapes : le repérage des séquences narratives, le repérage des actants et leur parcours par séquence, l'analyse des transformations diverses affectant les actants d'une séquence à l'autre. (Mucchielli, 1993, p.18-22) - Le repérage des séquences narratives consiste à diviser le récit en scénettes homogènes, à définir les actants de ces scénettes, leurs rôles et leurs relations que l'on visualise à l'aide d'un schéma. DESTINATEUR OBJET DESTINATAIRE ADJUVANT SUJET OPPOSANT L'axe qui joint le Sujet à l'Objet est l'axe de la quête, du désir, tandis que l'axe qui joint le Destinateur au Destinataire est l'axe dit de la communication. - Le repérage des actants selon les six catégories (destinateur, sujet, objet, destinataire, adjuvant, opposant) ; les qualifications des actants sont expressives des motivations qui les animent, des craintes, des peurs, des pulsions, etc. - L'analyse des transformations qui revient à mettre en évidence et à étudier les transformations d'une scène à l'autre. « On considère le parcours narratif total et l'on examine les transformations d'état et de relation qui affectent les actants d'un point de vue de leur vouloir-faire, savoir-faire ou pouvoir-faire. » (Mucchielli, 1993, p.19). Aumont et Marie citent l'un des rares exemples d'application de ce modèle à une analyse de film, celle d'Alan Williams qui, en 1974, étudia Metropolis de Fritz Lang. « Il se heurta très vite à l'obligation de considérer plusieurs héros (plusieurs sujets) au fur et à mesure que sa description progresse. Ainsi, le premier segment du film pose les ouvriers comme Sujet, l'axe du désir - défini dans le film par leur condition aliénée - les amenant à désirer comme Objet la maîtrise de leur condition (= le pouvoir politique). Le second segment institue Freder comme Sujet, et, lui révélant l'existence d'un monde du travail ignoré de lui, situe comme Objet la connaissance de ce monde ouvrier. (...) Plus tard encore, c'est Maria qui sera l'Objet d'un désir amoureux de la part de Freder, etc. ». Les modèles de Propp et de Greimas ont été largement étudiés et repris depuis, notamment par Vanoye. Dans son ouvrage Récit écrit, récit filmique (1979, rééd.1989), ce dernier reprend les hypothèses de Vladimir Propp et de Claude Bremond qui envisagent la structure d'une histoire comme relativement indépendante des techniques qui la prennent en charge, qu'il s'agisse d'un roman, d'un film ou d'une pièce de théâtre. Ces deux modèles, antérieurs aux années soixante-dix, sont néanmoins peu utilisés dans le domaine filmique, notamment en raison de leur rigidité et de leur lourdeur. * 148 Greimas, Algirdas-Julien, Sémantique structurale, Paris, Larousse, 1966 |
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