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Approche communicationnelle des films de fiction


par Alexandre Chirouze
Université Montpellier 3 - Doctorat 2006
  

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Chapitre 3 : Le langage cinématographique et sa grammaire

La détermination des caractéristiques du langage du cinéma a suscité de nombreux débats (Serceau, 1999). L'approche sémiologique qui nécessite la délimitation et la caractérisation de l'objet étudié fut à l'origine des premières tentatives.

I- Les caractéristiques du langage cinématographique

Christian Metz (1971, pp.171-175) isola quatre traits du langage cinématographique le différenciant des autres langages (peinture, photographie, musique, etc.) :

- l'iconicité visuelle des images (réelles et figuratives, non mentales) ;

- la duplication mécanique (vs image obtenue à la main comme en peinture) ;

- la multiplicité des images (vs image unique comme en photographie, par exemple) ;

- la mobilité (vs image fixe comme en photographie ou en peinture).

Constatant que certains films ne mettent pas en jeu l'iconicité (les films abstraits, par exemple), que d'autres n'utilisent pas la mobilité des images (une séquence composée d'un flot d'images fixes, par exemple), que d'autres encore n'emploient pas la duplication mécanique, mais des dessins réalisés directement sur la pellicule, Odin (1982, pp.12-13) propose la définition du langage cinématographique suivante : images multiples (figuratives ou non figuratives, à signifiant temporalisé119(*), projetées de façon discontinue.

Mais ne définir le langage cinématographique que par ses caractéristiques discriminantes suppose que l'on connaisse les traits qu'il partage avec d'autres langages.

C'est la raison pour laquelle de nombreux auteurs insistent sur le fait que le langage cinématographique combine cinq moyens d'expression, qui sont présents dans la bande image, pour les deux premiers d'entre eux, et dans la bande sonore depuis l'apparition du cinéma parlant, pour les trois autres :

- l'image photographique mouvante, caractéristique spécifique du cinéma

- le tracé graphique des mentions écrites

- le son phonique, autrement dit les paroles

- le son musical

- le son analogique, c'est-à-dire les bruits.

Le langage cinématographique se caractérise, en outre, par la simultanéité des deux bandes, bande image/bande sonore, sauf exception voulue par le cinéaste lui-même, par exemple, dans un but artistique ou esthétique.

La compréhension correcte d'un film par le spectateur suppose la connaissance de ces cinq éléments de langage. Mais, il lui faudra également connaître plusieurs codes, dont certains sont spécifiques au cinéma, par exemple, le code de montage, le code des effets optiques, etc. et d'autres, les plus nombreux, sont extra-cinématographiques tels que le code des gestes, le code vestimentaire, le code du récit narratif, etc.

Le plus délicat dans la compréhension comme dans la production d'un film réside dans le fait que le cinéma est un langage composite, s'appuyant sur de nombreux codes, qui produit un sens qui ne résulte pas d'une simple addition mais d'une combinaison complexe de codes n'ayant pas tous, de surcroît, la même importance dans la production de sens.

La notion de code apparaît donc essentielle dès lors que l'on souhaite comprendre les processus de production de sens. Greimas et Courtès (1979) dans le Dictionnaire raisonné de la théorie du langage définissent le code comme « un inventaire de symboles arbitrairement choisis, accompagnés d'un ensemble de règles de composition de « mots » codés, et souvent mis en parallèle avec un dictionnaire (ou un lexique) de la langue naturelle ». Il s'agit donc pour eux, dans sa forme simple, d'un «langage artificiel dérivé ».

Certains auteurs ont repris, pour ne pas dire vulgarisé l'idée qu'un langage est un code et en ont conclu que le langage cinématographique était un code, qu'il existait un code cinématographique et qu'il fallait décrire ce « code du cinéma ».

Or, comme le montre Odin (1990), des différences existent entre les langues et les codes120(*) et elles sont plus fortes encore dans le langage cinématographique : « non seulement le cinéma fonctionne directement à partir de la réalité mais il fonctionne sur le mode de l'homonymie généralisée : pour un même élément représenté, les signifiants changent à la moindre variation de cadrage ou au moindre déplacement de l'objet considéré ; dans un plan nous donnant à voir une voiture successivement de face, de profil puis de dos, ce n'est pas le même signifiant qui renvoie au signifié « voiture » d'un photogramme à un autre : l'image de la voiture est différente suivant qu'elle est vue de face, de profil ou de dos. ».

En substance, le langage cinématographique ne se réduit pas à un seul code. Il s'agit, en réalité, d'une combinatoire de codes.

II- Les différents codes filmiques

Christian Metz fut le premier à s'intéresser à la spécificité du langage cinématographique et notamment aux codes spécifiques du cinéma. « Metz a d'ailleurs, parfois, la tentation de définir la sémiologie du cinéma comme l'étude des seuls codes spécifiques » (Odin, 1990, p149).

Metz distingue, cependant, trois sortes de codes :

- les codes non spécifiques, thématiques et culturels, qui ne sont pas typiquement cinématographiques parce qu'ils se manifestent dans d'autres productions signifiantes ;

- les codes cinématographiques généraux, propres au cinéma et communs, effectivement ou virtuellement, à tous les films (code du montage, code des mouvements de caméra, code de ponctuation, etc.) ;

- les codes cinématographiques particuliers enfin, propres au cinéma mais qui apparaissent seulement dans certains groupes de films.

C'est sur cette distinction que s'appuie l'une des définitions du genre cinématographique. Le genre, au sens de Metz, est un texte singulier caractérisé par le retour régulier de messages et de codes.

En conséquence, pour qu'un film appartienne à un genre cinématographique, il doit obligatoirement utiliser des codes cinématographiques particuliers (c'est-à-dire ceux de la troisième catégorie de codes). Ainsi, comme l'écrit Moine (2002, p.44), « le western classique mobilise, comme tout film, des codes non spécifiques et cinématographiques généraux, mais il n'est un genre que parce que s'y ajoutent des codes particuliers, qu'on peut retrouver dans d'autres matières d'expression, comme les romans ou les chansons de l'Ouest ; l'utilisation privilégiée de plans d'ensemble ou de grands panoramiques, qui sont des codes cinématographiques particuliers. »

Si l'on exclut les codes particuliers de type générique (de la troisième catégorie metzienne), l'ensemble des codes qui interviennent dans un film est donc réparti en deux sous-ensembles :

- le premier est composé de codes n'ayant pas ou peu de rapport avec les traits de la matière de l'expression du cinéma : ces codes sont appelés les codes filmiques non cinématographiques.

- Le deuxième sous-ensemble est constitué des codes directement liés aux traits pertinents de la matière de l'expression du cinéma : ces codes sont dits « filmiques cinématographiques ».

Autrement dit, les codes qui peuvent être utilisés dans un film sont classés en deux catégories selon leur degré de spécificité cinématographique (Odin)121(*).

Il est important de préciser que cette distinction s'applique tant à la bande image qu'à la bande son.

Exemples de codes filmiques

(Selon Metz et Odin)

 

Bande image

Bande son

Codes non spécifiques, ou filmiques non cinématographiques

- code de la narrativité

- code vestimentaire

- code des gestes

- etc.

- code de la construction des dialogues

- code de la musique

Codes spécifiques, ou

filmiques cinématographiques

- code de variation d'échelle de plans

- code des mouvements de caméra

- code des changements d'angle de prise de vues

- code des effets optiques

- code du montage

- code de relations syntagmatiques entre les photogrammes

- etc.

- code de la relation images-sons,

- code du synchronisme

- etc.

En outre, elle s'applique au film dans son entier mais également à toutes les unités significatives qui composent un film : le plan, la sous-séquence et la séquence, éventuellement les syntagmes de Metz.

Du point de vue « technique », le film est construit d'unités significatives de plus ou moins grandes dimensions : le plan, la sous-séquence, la séquence.

Le plan, nous venons de le dire, est considéré par la majorité des auteurs et, surtout, des cinéastes comme « l'unité filmique correspondant au tournage, à la longueur de pellicule impressionnée entre les injonctions du réalisateur : Moteur ! ou Action ! / Coupez ! Au montage, le plan correspond à l'unité significative minimale du récit entre deux collures » (Bessière, 2000, p.40).

Le plan est, en conséquence, un ensemble d'éléments photographiques successifs. « Etant image animée, l'image filmique est constituée par un certain nombre d'instantanés successifs. Chaque série d'instantanés visant une même action ou un même objet sous un même angle, constitue ce que l'on appelle un plan. Le plan est l'unité filmique, mais les multiples éléments photographiques qui le composent sont appelés photogrammes ». (Mitry, 2001, p.53).

La sous-séquence est un ensemble de plans constituant une unité narrative de moyenne importance mais manquant d'autonomie pour former une séquence.

La séquence est ensemble de sous-séquences, voire d'un long plan (le plan-séquence), qui forme une grande unité narrative.

Mais, comme l'écrit Edouard Bessière, cette segmentation en unités significatives, minimales (les plans), moyennes (les sous-séquences) et grandes (les séquences) « relève plus de la narration et n'indique pas grand chose du « style » du film découpé. Il faut évidemment recourir à des notions qui caractérisent mieux l'image et le son ».

C'est la raison pour laquelle nous étudierons, dans un premier temps, la narration au cinéma. Puis, dans un deuxième temps, nous analyserons les codes des deux bandes. Cependant, parce qu'il est difficile de traiter simultanément les deux bandes qui constituent un film, la bande image et la bande son, alors que le sens produit vient de leur combinaison, et que chacune de ces bandes est elle-même composée d'une multitude d'éléments, nous les étudierons en deux parties distinctes.

Mais avant d'analyser ces différents éléments codiques, il nous semble utile d'étudier ce que pense du codage et d'une éventuelle grammaire cinématographique la source122(*) du message-film, c'est-à-dire les cinéastes et parmi eux - celui qui combine, conduit, dirige l'ensemble des professionnels qui réalise le film-message - le réalisateur.

* 119 Odin (1982, p.13) : « Il existe des langages à images multiples et à signifiant non temporalisé : c'est le cas, par exemple, de la bande-dessinée ou des triptyques dans lesquels la temporalisation est introduite par le mouvement de lecture sans que le signifiant soit lui-même temporalisé ».

* 120 Odin (1990) p.141 : « Deux grandes différences séparent les langues des codes :

- Première différence : Si les codes sont des systèmes substitutifs, les langues sont, elles, des systèmes directs. Alors que dans les codes on part toujours d'un message déjà formé pour aboutir à un autre message exprimé par des symboles différents, dans les langues, c'est au point d'arrivée seulement qu'on constate la présence d'un message, sur le point de départ duquel on ne sait à peu près rien.

- Deuxième différence : Dans les langues, les relations bi-univoques entre signifiant et signifié sont l'exception ; il est très rare que l'on ait une correspondance terme à terme entre la série des unités du signifiant et celle du signifié : tantôt, il y a plusieurs signifiés pour un seul signifiant (cf. le phénomène de l'homonymie : le mot « cousin » peut désigner des parents ou une variété d'insectes), tantôt il y a plusieurs signifiants pour un seul signifié : auto, voiture, bagnole, etc. (nous ne parlons ici que des signifiés de dénotation ; au niveau connotatif, ces termes ont des signifiés différents). »

* 121 « A l'une des extrémités, se retrouveront les codes qui n'ont que peu de relation avec la matière du signifiant du langage qui leur sert de support, c'est-à-dire les codes non spécifiques pour ce langage. ...par exemple, le code de la narrativité, les codes sémantiques : la musique, etc. A l'autre extrémité, se retrouveront les codes par rapport auxquels tous les traits de la matière de l'expression propre au langage considéré sont pertinents - de telle sorte que ces codes n'ont aucune latitude de manifestation dans d'autres langages - c'est-à-dire les codes à spécificité maximale » (Odin, 1990, p.154)

* 122 Lendrevie et de Baynast (2004, pp.8-14)

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus