IV- L'estimation du plaisir (vs déplaisir)
filmique grâce aux pré-tests
Le spectateur cherche un certain plaisir en allant au
cinéma, il en sort, cependant, malheureusement déçu
lorsque le film est un « mauvais objet » qui crée
du « déplaisir filmique » (Metz, 2002). Si les
attentes du spectateur ne sont pas satisfaites, il est clair que le film doit
être considéré comme « une ratée de
l'institution cinématographique ». Cet échec peut avoir
des conséquences négatives sur le comportement futur du
spectateur à l'égard des autres films proposés par
l'institution cinématographique, donc sur le devenir de cette
dernière.
Pour réduire le déplaisir filmique qui vide les
salles et le risque d'échec commercial, l'institution
cinématographique a développé des techniques
inspirées des études marketing et des pré-tests
publicitaires.
A- Les différents pré-tests
Comme pour le développement d'un bien de consommation, des
tests peuvent être réalisés tout au long du processus de
production du film.
Avant le tournage proprement dit, sont parfois
effectués :
- un concept testing, test de concept, pour confirmer
les choix en matière de sujet, de thème du film, voire de
scénario,
- un cast appeal testing, test de la distribution
artistique, pour vérifier que le casting, le choix des acteurs,
est apprécié du public,
- un sneak preview, dernier véritable
test du film avant sa mise sur le marché. Ces tests peuvent faire
l'objet d'un suivi tout au long du processus de fabrication du film. Ainsi
Joseph Farrell, créateur du National Research Group, qui travaille pour
de nombreux studios et indépendants et qui a modernisé,
« scientifisé » le sneak preview, propose
une série d'enquêtes par téléphone effectuées
successivement 16 mois, 8 mois et 3 mois avant la sortie du film afin de
définir et d'affiner la stratégie de lancement du film.
Contrairement à ce que certains pensent, les sneak
previews et les concept tests ne sont pas des techniques
récentes ; ces tests étaient déjà
utilisés dans les années 20 (Augros, 2000, p.70).
En revanche, il est vrai que la technique des sneak
previews a pris une importance considérable dans les années
1980 à Hollywood. Il s'agit de projections visant à tester la
future réception du film auprès du public. «On
sélectionne un public représentatif de la population ou alors une
catégorie d'âge, enfants, adolescents, adultes,....à qui le
film est destiné. A la fin de la projection, on distribue des
questionnaires pour savoir si le film a plu aux spectateurs, quelles sont les
scènes qui « fonctionnent », celles qui
déplaisent et pourquoi, etc. » (Pecha, 2000, p.131).
Dans certains cas, plutôt que d'avoir à remplir des
questionnaires, les spectateurs agissent sur des manettes pour exprimer leur
avis sur le film.
Dans d'autres, 48 heures après la projection,
« un échantillon des spectateurs de la preview est
interviewé par téléphone pour mesurer leur propension
à conseiller le film à leur entourage. Sont parfois
également organisées des réunions de discussion à
bâton rompu de petits groupes de spectateurs. » (Augros, 2000,
p.75)
L'analyse des résultats d'un sneak preview
entraîne des modifications de plus ou moins grande ampleur. Selon les
réponses positives ou négatives, le producteur demandera ou ne
demandera pas des modifications au réalisateur, modifications qui
peuvent concerner la fin du film, une réplique, un geste, une
scène, un plan, une liaison entre deux plans, un acteur ; autrement
dit tous les éléments qui constituent le film, qu'ils soient
spécifiques ou non. Aussi n'est-il pas rare qu'en fonction des avis du
public, il soit nécessaire de procéder à un tournage
complémentaire à moins que le réalisateur n'ait en
réserve des images ou n'ait tourné d'autres versions du plan
à modifier.
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