E- Le déplaisir filmique
Nous terminerons cette présentation
psychanalytique des relations de certains spectateurs avec certains films par
le concept de déplaisir filmique développé par Christian
Metz dans son ouvrage « Le signifiant imaginaire. Psychanalyse et
Cinéma » (1977, réed. 2002). Selon lui, la
vivacité des réactions du spectateur (aime vs n'aime pas)
à l'égard d'un film et l'existence du déplaisir filmique
« ne font que confirmer la parenté du film de fiction et du
fantasme » (Metz, 2002, p.135). Ce déplaisir filmique a deux
causes principales :
- la
diégèse du film peut ne pas avoir nourri le Ca ; il s'agit
alors d'un cas de frustration proprement dite. Le film sera jugé
« terne », « ennuyeux » ou
« quelconque ».
- la diégèse a trop satisfait le Ca, d'où
une intervention du Surmoi et des défenses du Moi qui prennent peur et
contre-attaquent. Il s'agit souvent d'un film de mauvais goût ; le
goût devient alors un alibi contre ces films outranciers, ou infantiles,
ou sadico-pornographiques, etc. « en un mot les films dont on se
défend par le sourire ou par le rire, par l'allégation de
sottise, de grotesque ou d'invraisemblance ».
En définitive, si un film de fiction n'est pas
aimé, c'est qu'il en fait trop ou pas assez, ou les deux ensemble. Metz
en conclut alors que pour qu'un sujet aime un film, il est nécessaire
que le « détail de la diégèse flatte
suffisamment ses fantasmes conscients ou inconscients pour lui permettre un
certain assouvissement pulsionnel, et il faut aussi que cet assouvissement
reste contenu dans certaines limites, qu'il demeure en deçà du
point où se mobiliseraient l'angoisse et le rejet » (Metz,
2004, p.136).
Il signale également d'autres phénomènes de
déception du fantasme, notamment lorsque l'intrigue ne va pas dans le
sens que le spectateur souhaite. La fin du film en est souvent à
l'origine d'où les précautions que certains producteurs et
réalisateurs prennent en prétestant auprès d'un petit
nombre de spectateurs les différentes fins possibles à leur film.
Autre déception fréquente, le hiatus entre le personnage et
l'acteur qui l'interprète, déception plus forte encore si le film
est une adaptation d'un roman que le spectateur a lu et qu'il a, en
conséquence, imaginé le physique du personnage.
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