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Approche communicationnelle des films de fiction


par Alexandre Chirouze
Université Montpellier 3 - Doctorat 2006
  

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D- L'utilisation du cinéma américain à des fins politico-militaires

La deuxième utilisation du cinéma par les gouvernants américains fut plus idéologique et politico-militaire que morale.

Dès la seconde guerre mondiale, la production cinématographique fut très influencée par le débat stratégique et donna naissance à ce que certains appellent le cinéma de sécurité nationale. Lorsque la guerre éclata en Europe, un sondage Gallup révéla que 84% des Américains souhaitaient la victoire des Alliés, mais que 96% désiraient voir leur pays rester en dehors du conflit. C'est alors que le Président Roosevelt compta « sur le cinéma pour agir sur une opinion publique plus que réticente face à l'entrée en guerre des Etats-Unis » (d'Hugues, 1999, p.47).

Mais comme le fait remarquer Valantin (2003), ce n'est qu'à partir de 1942 qu'un lien étroit est créé entre les autorités militaires et le monde du cinéma : «  l'institution militaire américaine, composée de trois grandes armées (l'Army, la Navy, l'Air force), a « un rapport vital, organique, au cinéma qui permet d'articuler les forces de défense aux grands mythes, aux processus de légitimation politique et à l'actualité par la mise en scène héroïsante de leurs personnels et de leurs pratiques (...). Cette articulation remonte à 1942 (...) après que Franklin Roosevelt ait convoqué à la Maison-Blanche les plus grands réalisateurs de l'époque dont John Ford et Franck Cappa, pour leur passer commande de dizaines de films dans la perspective de la mobilisation psychologique du pays, le ministère de la Guerre installe un bureau de liaison à Hollywood. » (Valantin, 2003, p.18).

Depuis cette collaboration s'est à la fois intensifiée et diversifiée, aussi bien en matière d'objectifs poursuivis que de moyens mis en oeuvre. Elle fut également à l'origine de la célébrité de certains réalisateurs 438(*). L'un des effets le plus facilement mesurable sur les spectateurs, montrant la puissance du média-cinéma, est l'augmentation du nombre de volontaires pour la Navy qui subissait depuis la fin de la guerre du Vietnam une crise de recrutement. La Navy décida alors de participer à la production de Top Gun (1989) de Tony Scott. Elle lui prêta, comme dans un placement de produit (Chirouze, 2002), un porte-avions, des avions, des pilotes. La Navy mit au point des chorégraphies aériennes et de nouveaux moyens de filmer en vol. En contrepartie, elle demanda à Tony Scott de filmer les avions au décollage et à l'atterrissage du porte-avions, également pendant les scènes de combat au-dessus de l'océan, pour affirmer le caractère « Navy » du film. « Le succès de celui-ci fut tel que la Navy installa des bureaux de recrutement à la sortie des salles ; ce qui semble-t-il, d'après la Navy, joua un rôle non négligeable dans la résolution de sa crise de recrutement. » (Valantin, 2003, p.19).

L'utilisation idéologique du cinéma fut poussée à son paroxysme quelques années après la fin de la seconde guerre mondiale, lorsque la lutte contre le communisme devint une priorité pour les autorités américaines. Alors que pendant la guerre, l'Union soviétique fut, à la demande du Président Roosevelt, plus que célébrée par Hollywood, une période de chasse aux communistes dans tous les secteurs d'activité y compris le cinéma débuta avec la guerre froide439(*) et dura plusieurs décennies. Cette période noire pour le cinéma américain, le maccarthysme, porte le nom du sénateur du Wisconsin JoeMacCarthy qui prit la tête de cette croisade de 1950 à 1954.

L'HUAC, une commission des activités anti-américaines, après de multiples auditions de professionnels du cinéma, dressa la fameuse liste noire des dix d'Hollywood. En réalité, la liste de dix professionnels du cinéma condamnés à des peines allant de 6 mois à 1 an de prison et à 1 000 et 10 000 dollars d'amende.440(*)

Il serait faux de croire que l'utilisation du cinéma à des fins idéologiques se soit achevée avec la disparition de l'URSS. Les cibles ont changé mais les pratiques demeurent.

Les attentats du 11 septembre 2001 sont un tournant dans les relations entre les autorités américaines et Hollywood. « Le 11 novembre 2001 se tient à Hollywood une rencontre entre des représentants des grands studios, le président du syndicat des acteurs, le puissant et redouté Jack Valenti, et Karl Rove, éminent conseiller politique du président George W. Bush. Le but de la réunion est la coordination de la politique étrangère américaine, dominée par la « guerre contre le terrorisme » avec les productions hollywoodiennes » (Valantin, 2003, p.137).441(*)

Conséquence plus inattendue de la nouvelle politique américaine, sous la présidence Bush, pour ses positions contraires aux « intérêts américains » en Irak, la France est devenue une cible que ne ménage pas un certain cinéma américain.

* 438 Valantin (2003, p.18) : « Les modalités de coopération entre l'appareil de sécurité et les grands studios sont multiples, complexes et ne cessent de s'accroître au fil des décennies. Elles concernent toutes les étapes de la production : la coopération est logistique, mais implique aussi des réalisateurs, des scénaristes et des acteurs assez largement spécialisés dans ce genre particulier. L'armée peut fournir des matériels, des entraînements, des plates-formes de combat (aussi bien des régiments de chars que des escadrilles d'avions ou des porte-avions).

Le début des années 80, avec l'offensive reaganienne idéologique, politique, technologique, financière et médiatique contre « l'empire du mal » a renforcé cette tendance. D'importants réalisateurs comme James Cameron, John Milius, John McTiernan, Richard Donner, Tony Scott, Edward Zwick, Oliver Stone, Philip Noyce se sont imposés entre 1983 et 1994 en réalisant certains des films les plus forts de cette catégorie, comme Rambo II (1985) et Rambo III (1988), Alien, le retour (1986), Top Gun (1986), Predator (1987), Piège de cristal (1988), Glory (1990), A la poursuite d' « Octobre rouge » (1990) ... »

* 439 D'Hugues (1999) : « En avril 1948 , Maurice Thorez dénonçait dans un discours le cinéma américain qui « non content de réduire nos techniciens au chômage, empoisonne littéralement l'âme de nos enfants, de nos jeunes gens, de nos jeunes filles, dont on veut faire des esclaves dociles des milliardaires américains.. »

* 440 La liste des dix d'Hollywood : Bessie Alvah, Biberman Herbert J., Cole Lester, Dmytryk Edward, Lardner JR Ring, Lawson John Howard, Maltz Albert, Ornitz Samuel, Scott Adrain, Trumbo Dalton.

* 441 Valentin (2003, p.138) : « Le pouvoir cinématographique ne peut se permettre de s'aliéner le public (en allant contre le consensus forgé par les attentats, qui s'est établi en faveur des positions de l'administration Bush).

Cette prudence est à l'origine de la décision de différer la sortie de deux grosses productions portant sur le thème du terrorisme, La Somme de toutes les peurs (2001) de Phil Alden Robinson et Dommage collatéral (2001) d'Andrew Davis. Ces deux films, produits et réalisés à la fin de la période Clinton, donc avant les attentats, deviennent des objets politiques très sensibles en raison de l'incapacité, aussi bien des spécialistes de l'opinion publique de la Maison-Blanche que des responsables de marketing des grands studios, à anticiper les réactions du public. »

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera