WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Approche communicationnelle des films de fiction


par Alexandre Chirouze
Université Montpellier 3 - Doctorat 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

C- Les effets de la censure sur la création cinématographique aux Etats-Unis

Pour échapper à cette censure morale qui limitait la création, les cinéastes eurent recours aux changements de contextes : spatial, temporel, normatif, identitaire, etc.

Concrètement, les cinéastes placèrent tout simplement l'histoire de leur film  dans une période ancienne ou dans une culture différente. « Le code Hays est alors tolérant, l'éloignement dans le temps et l'espace est un gage de liberté. Les orgies romaines, l'immoralité des villes bibliques de l'Ancien Testament sont acceptées sans difficulté. L'adultère est plus recevable hors du territoire américain, surtout s'il est situé dans des régions méditerranéennes où la passion semble plus indigène (Intermezzo). De même, les seins nus des femmes exotiques sont acceptables, comme pour les Polynésiennes de Mutiny on the Bounty ( Les Révoltés du Bounty) car il s'agit d'une tradition ethnique à « valeur documentaire ». (Pecha, 2000, p.45-46). Cela n'a pas empêché que Jane, interprétée par Maureen O'Sullivan, assez dévêtue dans Tarzan et sa compagne (Cedric Gibbons et Jack Conway, 1934), voit son pagne et sa chemise se rallonger deux ans plus tard dans Tarzan s'évade (Richard Thorpe, 1936).

Le Code eut également pour effet de stimuler « l'imagination des cinéastes (comme celle du spectateur) en rappelant qu'un euphémisme peut se transformer en litote, qu'il peut être plus efficace de suggérer que de montrer explicitement (...). C'est sans doute l'aspect le plus intéressant du Code dans sa conséquence esthétique : le recours à une rhétorique visuelle soit métonymique, soit métaphorique permettant de suggérer ce qu'il était interdit de montrer ou de dire, ce dont il fallait faire l'économie ou l'ellipse » (Bourget, 2002, p.2002).

Rappelons que la rhétorique existe depuis environ 2500 ans. Le traité d'Aristote (384 avant J.C.) sur la rhétorique comme art du discours et de la parole feinte fait toujours autorité.

Les figures classiques de rhétorique telles que l'ellipse, la métaphore, l'hyperbole, la métonymie, etc. furent adaptées au discours cinématographique.

Une rhétorique visuelle s'est alors codifiée notamment pour évoquer les relations amoureuses et l'acte sexuel.

La banalisation des formules en a fait des clichés : « étoffant et corsant la simple ellipse temporelle, l'accent peut être mis, de manière métonymique, sur l'environnement propice ou complice (plan romantique du clair de lune), et notamment sur le prélude amoureux (étreinte ou baiser passionné suivi d'un fondu au noir) ou, symétriquement sur la phase succédant à l'accomplissement (iconographie du feu de bois et de la peau d'ours devant la cheminée). » (Bourget, 2002, p.128). Autre cliché, la consommation de cigarettes ou d'alcool pour dénoter soit l'avant soit l'après, « avec le même effet de sens », selon Bourget (2002, p.128) mais aussi celui du lit défait aux draps froissés.

Certains réalisateurs utilisèrent également les métaphores pour suggérer l'acte sexuel proprement dit : une vague qui déferle, une porte forcée ou une fenêtre ouverte par l'orage, etc. Comme l'écrit Cieutat (1991, p.102) : « La fenêtre peut être un substitut sexuel efficace comme dans On the Beach ( Le Dernier rivage, Stanley Kramer, 1959) où l'une d'entre elles sépare Gregory Peck et Ava Gardner : elle s'ouvre d'un seul coup, le couple s'embrasse, la caméra les cadre en panoramiquement autour d'eux. Stanley Kramer obéit de la sorte au Code tout en étant très explicite : l'ouverture de la fenêtre signifie le proche accouplement et le mouvement d'appareil atténue la suggestion en fuyant leur tendre enlacement ».

Des évocations qui paraissent, souvent trop évidentes à certains qui les traitent, avec mépris, de clichés. Pourtant, les plus grands réalisateurs en firent usage. Cieutat (1991, P.102) cite, par exemple, le film Lolita (1962) dans lequel Stanley Kubrick « fait s'asseoir Sue Lyon sur le rebord d'une fenêtre, un pied sur la table de James Mason où figure en bonne place un autre symbole sexuel privilégié des cinéastes : une assiette avec un oeuf sur le plat »

Alfred Hitchcock fut également un virtuose du genre. Dans La mort aux trousses, il suggère l'acte prohibé par un train qui entre dans un tunnel au moment où Cary Grant entraîne Eva Marie Saint sur la couchette d'un wagon-lit.

Dans Les Enchaînés, il détourne la règle absurde imposant une durée maximale d'un baiser en demandant à Cary Grant et Ingrid Bergman de se toucher les lèvres que pendant les 3 secondes autorisées mais de répéter ce prude baiser plusieurs fois de suite, faisant de cette série l'un des plus longs baisers de l'époque...

Preuve s'il en était qu'un code cinématographique peut ne pas être respecté, voire n'a pas à l'être.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire