L'utilité réelle et la fiabilité
de l'analyse filmique sont des sujets récurrents. A la question :
pourquoi étudier les films ? « La réaction du bon
sens serait de protester : le cinéma, comme les bananes, se
consomme sur place. Inutile d'y revenir, trêve de ratiocinations.
D'ailleurs à quoi cela sert-il ? L'autre question tout aussi
meurtrière est : l'auteur a-t-il bien voulu dire ce que vous voyez
dans cette oeuvre » (Liandrat-Guigues et Leutrat, 2001, p.157).
Le spectateur normal n'en a pas besoin pour prendre du
plaisir à regarder un film. Le spectateur-analyste peut, à force
de découpage, de déconstruction et de reconstruction, trouver des
interprétations auxquelles le réalisateur lui-même n'avait
pas pensé, voire créer des règles qui limitent la
création.
Un constat que fit Pedro Almodovar :
« J'ai répondu à des questions que des étudiants
se posaient sur mes films. Or ce qui m'a frappé, c'est que, clairement,
mon opinion ne ressemblait pas du tout à ce que leur avaient appris
leurs professeurs. Je les sentais perdus, déroutés, non par
la complexité de mes réponses, mais au contraire, par leur
simplicité. Ils imaginaient que j'allais leur exposer toutes sortes de
règles précises et mûrement réfléchies, mais
la vérité, c'est qu'il y a soit trop, soit trop peu de
règles, et que je connais des centaines d'exemples qui prouvent qu'en
brisant chacune de ces règles, on peut quand même faire du bon
cinéma. (...) « On peut apprendre le cinéma, dans une
moindre mesure, en regardant des films. Le danger, néanmoins, quand on
fait ça c'est que l'on risque de tomber dans le piège de
l'hommage. On regarde la façon dont filment certains grands
maîtres et ensuite, on essaie de les imiter dans ses propres
films. » (Almodovar, in Tirard, 2004, p.30-31).
Les grands réalisateurs d'aujourd'hui sont, en
effet, très partagés sur l'intérêt d'analyser les
films pour apprendre la mise en scène.
Certains comme Emir Kusturica et David Lynch sont
plutôt favorables à un apprentissage par l'analyse de films. Ainsi
Emir Kusturica (in Tirard, 2004, p.83-84) déclarait lors d'une interview
: « J'ai enseigné le cinéma pendant deux ans
à l'Université de Columbia, à New York, et j'en ai
retiré le sentiment qu'il est impossible d'offrir à quiconque un
parcours fléché sur la façon de réaliser un film.
En revanche, je crois qu'il est possible de projeter certains films et de les
analyser afin de montrer, sur des exemples précis de scènes ou de
plans, comment chaque auteur utilise son propre talent pour fabriquer un film
(...). Si vous apprenez ensuite à distinguer et à comparer
toutes ces approches du cinéma, au bout du compte, vous devez pouvoir
arriver à déterminer et à fabriquer celle qui sera la
vôtre en tant que cinéaste ». Quant à lui, David
Lynch (in Tirard, 2004, p.122) avoue : « je n'ai pris qu'un
seul cours de cinéma dans ma vie, avec un professeur qui s'appelait
Franck Daniel. C'était un cours d'analyse, dans lequel il montrait des
films aux élèves en leur demandant de ne se concentrer que sur un
seul élément : la photo, le son, la musique, le jeu des
acteurs, etc. Après, on discutait de l'utilisation de cet
élément particulier dans le film, on comparait nos notes et on
trouvait des tas de choses incroyables ».
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