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Les créanciers face aux impératifs de sauvetage des entreprises en difficulté en droit OHADA


par Ganiyou BOUSSARI
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Master 2 en droit privé et sciences criminelles/Carrières judiciaires 2022
  

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B- Un besoin de renforcement de protection des créanciers accentué par les expériences de la crise sanitaire liée à la covid-19

A une période où le monde est en sortie progressive de la crise sanitaire liée au covid-19, la réflexion sur la condition des créanciers dans le sauvetage des entreprises en difficulté, invite à faire une rétrospection pour mieux se préparer à l'avenir pour un problème similaire éventuel. Cette crise sanitaire s'est montrée d'une particularité incontestable et a eu beaucoup de conséquences aussi bien négatives que positives sur le plan juridique. Conséquences négatives parce que la crise pandémique a bouleversé, voire empêché l'application normale des systèmes juridiques et positives parce qu'elle a révélé les faiblesses de plusieurs de ces systèmes de droit, dont le droit des procédures collectives régi par les dispositions de l'AUPC révisé.Avant une analyse de la situation des créanciers sous le prisme de la crise à coronavirus, un passage en revue des généralités s'avère judicieux.

La Covid-19 (Coronavirus Disease 2019) est une maladie infectieuse, une zoonose, dont l'origine est encore débattue et qui a émergé en décembre 2019 dans la ville de Wuhan, dans la province du Hubei en Chine251(*). Elle est une maladie respiratoire pouvant être mortelle chez lespatients fragilisés par l'âge ou une autre maladie chronique. Elle se transmet par contact rapproché avec des personnes infectées252(*).Elle a bouleversé le monde sur le plan sanitaire253(*). Par sa destruction massive de l'espèce humaine, la Covid-19 a désarticulé les plans de développement et mis à nu l'esprit de grandeur.

Pour endiguer sa progression, les États ont dû prendre des mesures plus ou moins drastiques. Il s'agit, entre autres, de la restriction des déplacements des personnes ou leur interdiction, du confinement ciblé ou généralisé, de la fermeture des frontières, de la suspension des vols, de l'instauration de l'état d'urgence sanitaire avec son cortège de règles254(*).

Ces mesures quoique nécessaires pour inverser ou arrêter la progression alarmante du nombre de malades et de morts à travers le monde, ont impacté négativement l'économie et sont à n'en point douter, sources d'importantes perturbations dans le monde des affaires.

Le fonctionnement de l'entreprise a été en effet perturbé non seulement par les restrictions ou interdictions de déplacement des personnes, mais aussi par les difficultés d'approvisionnement en matières premières, d'indisponibilité temporaire de la clientèle commerciale, de la non-exécution de beaucoup de contrats. Certains ont pu dire que l'économie était en confinement aussi255(*).

Alors que les économistes réfléchissaient sur l'impact de la Covid-19 sur les activités économiques et la croissance, les juristes pensaient à sa répercussion sur le droit.

Les mesures imposées par la lutte contre la propagation rapide de la covid-19 étaient aux antipodes des règles de droit commun, qui régissent les rapports entre les acteurs économiques, et spécialement du droit des affaires en vigueur dans l'espace OHADA. Les délais prévus par les actes uniformes, sous peine de forclusion sont mis à l'épreuve parce que leur respect nécessitait, pour la plupart, des rassemblements des personnes, des déplacements, donc des contacts physiques. Les entreprises, sous l'influence des mesures urgentes qui s'imposaient, ne pouvaient plus satisfaire convenablement à leurs obligations légales et contractuelles256(*). Face à ce contexte de pandémie, la question de la compétence de légiférer s'était posée avec acuité. A qui revenait-il d'adopter les textes portant mesures d'urgence pour adapter le fonctionnement et les activités des entreprises à la situation qui bouleversait le monde entier ?

Le législateur OHADA, n'a pas prévu dans son système juridique des dispositions définissant l'organe compétent à légiférer en cas d'urgence, ni des procédures à observer dans ces cas. Certains parlent de carence révélée en droit des affaires OHADA257(*). En effet, si l'on s'en tient au parallélisme des formes, il peut être admis que l'organe compétent pour adopter des mesures d'urgence est le Conseil des Ministres de l'OHADA qui a adopté lui-même les actes uniformes258(*). Mais il n'était pas évident que cet organe soit en mesure de répondre utilement et dans un bref délai aux impératifs causés par la situation pandémique. Cela était vrai d'autant plus que le droit des affaires OHADA ne contient pas une disposition expresse autorisant le Conseil des Ministres à prendre des mesures dérogatoires aux actes uniformes, sans passer par la procédure de révision prévue à cet effet et qui se trouve être longue259(*).

Par ailleurs, les Etats membres de l'OHADA ne pouvaient pas rester indifférents face à la carence constatée dans le droit OHADA pendant la crise sanitaire liée à la covid-19. Ils avaient l'obligation de garantir et de protéger les vies de leurs citoyens et leurs économies, ainsi que l'exigent leurs Constitutions et les instruments internationaux de protection des droits humains, qu'ils ont ratifiés. Là encore, le droit des affaires OHADA a été défié dans son caractère supranational et sa vocation à uniformiser les règles relevant du domaine des affaires. En effet, les Etats ont, par l'adoption des décrets et ordonnances, pris des mesures exceptionnelles identiques dans leurs formes et dans leurs finalités, mais sans doute, différentes quant aux fonds en raison de leurs réalités sociales et économiques propres. Cette situation n'est pas sans conséquences juridiques. Les mesures d'urgence prises par les Etats membres pour limiter la propagation de la maladie, étaient-elles juridiquement valables ? Dans une certaine mesure, la réponse à cette interrogation semble négative au regard de l'article 10 du traité créant l'OHADA260(*) et le caractère impératif des Actes uniformes. Les Etats ne pouvaient valablement adopter des textes dérogatoires aux Actes uniformes que dans les cas où ces actes eux-mêmes autorisent des dérogations261(*). Le droit des affaires OHADA en vigueur ne contient pas une habilitation des Etats à prendre des mesures exceptionnelles dérogeant aux règles impératives en matière du droit des sociétés commerciales ou des voies d'exécution ou encore des procédures collectives, pour ne citer que celles-là. Leur habilitation doit passer par une révision du traité OHADA pour y être introduite262(*). Ainsi, du point de vue juridique, les mesures prises par les Etats ou les entreprises en violation des Actes uniformes sont, en principe, inopérantes263(*). Or, dans le contexte de la covid-19, les délais légaux d'accomplissement de certains actes ou de certaines formalités obligatoires prescrits à peine de nullité, ne pouvaient plus être observées. Mêmes les règles autorisées à faire l'objet de stipulations contraires par les entreprises n'ont qu'une portée limitée face à la crise sanitaire de la covid-19. Il en est de même des dispositions des actes uniformes compatibles aux exigences imposées par la situation de la covid-19. Nous pouvons évoquer, en exemples, les règles relatives à la tenue de réunions ou de vote par visioconférence ou tout autre moyen de télécommunication.

Le droit des entreprises en difficulté, constitue l'une des matières qui entrent dans le champ du droit des affaires OHADA et n'a pas été épargné des implications de la pandémie, qu'elles soient juridiques ou économiques. Il setrouve que les tous premiers dégâts causés par une crise financière qui frappe uneentreprise ont essentiellement trait aux difficultés de paiement des créanciers et dessalariés, sans lesquels l'entreprise ne peut fonctionner.Ainsi, les créanciers ne sont pas restés en marge des perturbations. En effet, le souci premier des créanciers est de recouvrer leurs créances dans le délai convenu avec le débiteur. Les créanciers prennent également des engagements vis-à-vis de leurs partenaires d'affaires en prévision du recouvrement de leurs créances pour les exécuter au moment venu. Avec la covid-19, tout le cortège des mesures prises par les Etats parties, notamment la fermeturetemporaire de certaines entreprises dans le but d'éviter des rassemblements, a suscité la crainte que ces entreprises aient dumal à faire face aux engagements qu'elles avaientpris à l'égard de leurs créanciers. Le sort dessalariés de l'entreprise semblait encore plus alarmant264(*).Ce qui revient à dire que la crise liée à la covid-19 qui était non seulement sanitaire, mais également économique, était de nature à aggraver la situation des entreprises dont les difficultés étaient naissantes. Ainsi, les créanciersétaient appelés à souffrir doublement. Outre les sacrifices à eux imposés par les dispositions de l'AUPC révisé, ils étaient contraints de se plier aux mesures de lutte contre la propagation rapide du coronavirus, de faire face au retard de paiement de leurs créances. Le risque pour les entreprises des créanciers d'être victimes de difficultés pouvant les conduire à fermer définitivement leurs portes était plus élevé.

Les effets de la pandémie sur la situation des créanciers dans le sauvetage des entreprises doivent attirer l'attention du législateur sur la nécessité d'améliorer de manière significative la condition de ceux-ci en prenant en compte beaucoup plus leurs intérêts.

Plusieurs facteurs justifient donc le besoin de renforcement de la protection des créanciers dans les procédures de sauvetage prévues par l'AUPC révisé, que ce soit les objectifs du législateur OHADA, les données statistiques et les implications de la pandémie liée au covid-19. Il sera alors question de rechercher quelles doivent être les orientations du renforcement souhaité de la protection des intérêts des créanciers.

* 251Elle s'est rapidement propagée, d'abord dans toute la Chine, puis à l'étranger provoquant une pandémie. 

* 252La maladie pourrait aussi être transmise par des patients asymptomatiques mais les données scientifiques manquent pour en attester avec certitude.

* 253Tous les continents ont subi l'effet dévastateur de cette crise même si la situation est relativement variable d'un continent à l'autre. L'Afrique au départ a semblé être ignorée par la Covid-19. Les semaines qui ont suivi la propagation du virus dans le monde et particulièrement en Europe, ont ouvert les portes de l'Afrique à la pandémie. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), par la voie de son Directeur, avait appelé l'Afrique à se réveiller face à la menace de ce virus et se préparer au pire.

* 254 Au Sénégal, V. Ministère de l'économie, du plan et de la coopération, « Recueil des principaux textes émis depuis le début de la crise sanitaire liée au covid-19 », https://www.economie.gouv.sn/sites/default/files/2021-01/Detail-des-textes-reglementaires-Covid-19-v170520.pdf, consulté le 02 avril 2022 à 21H40.

* 255 Tout en soulignant la floraison d'une économie liée à la COVID-19 dans les secteurs d'urgence : supermarchés, pompes funèbres, fabrication des gels d'hygiène des mains, des masques etc. (V. NEMEUDEU (R.), « La Covid-19 et le droit », https://www.lequotidienlejoenlejour.info/pr-robert-nemedeu-le-covid-19-et-le-droit , consulté le 02 avril 2022 à 22H18.

* 256 FASSASSI (Q.), « Réflexions sur la qualification juridique de la covid-19 en droit des contrats », Bull. ERSUMA, n° 031, Mars 2020, p.4.

* 257 MARTOR (B.), « Covid-19, un casse-tête pour les sociétés de droit OHADA ? », http://www.ohada.com/imprimer/actualite/5431/covid-19-un-casse-tete-pour-les-societes-de-droit-ohada.html, Consulté le 8 avril 2022 à 20H35.

* 258 MBAYE (M. N.), « Tenir les réunions : le dilemme des organes de gouvernance des sociétés commerciales de l'espace OHADA pendant la crise sanitaire de la covid-19 », Bull. ERSUMA, n° 31, Mars 2020, p. 8.

* 259 V. Art. 6 à 9 et 12 du Traité OHADA tel que révisé à Québec le 17 Octobre 2008 et entré en vigueur le 21 mars 2010.

* 260 L'article 10 du traité OHADA dispose que « Les actes uniformes sont directement applicable et obligatoires dans les Etats parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure.».

* 261 MARTOR (B.), péc.

* 262 Ibid.

* 263 MBAYE (M. N.), préc.

* 264 AMENYINU (G.T.S.), « Covid-19 et prévention des difficultés des entreprises en droit OHADA : que faire pour limiter les dégâts ? », https://www.ohada.com/actualite/5404/covid-19-et-prevention-des-difficultes-des-entreprises-en-zone-ohada-que-faire-pour-limiter-les-degats.html, consulté le 9 avril 2022 à 23H10.

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