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Les créanciers face aux impératifs de sauvetage des entreprises en difficulté en droit OHADA


par Ganiyou BOUSSARI
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Master 2 en droit privé et sciences criminelles/Carrières judiciaires 2022
  

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PARAGRAPHE 1 : LA PERSISTANCE D'UN DESEQUILIBRE DE PROTECTION EN DEFAVEUR DES CREANCIERS

Le déséquilibre dans la protection des intérêts conflictuels en jeu dans les procédures collectives tient non seulement aux restrictions des droits des créanciers (A), mais également à un manque de clarté des textes qui semblent prendre en compte ceux-ci (B).

A- Un déséquilibre tenant aux restrictions des droits des créanciers

A l'analyse des limites apportées par l'AUPC révisé à la suspension ou l'interdiction des poursuites individuelles et celle des suites des accords amiables ou concordataires, il apparait une sorte d'illusion, voire d'incertitude.

En effet, la suspension et l'interdiction des poursuites individuelles constituent des atteintes graves aux droits reconnus aux créanciers dans le cadre des procédures normales de recouvrement et voies d'exécution. La décision d'ouverture de la procédure collective a pour conséquence de regrouper les créanciers dont les créances sont nées avant son prononcé en une masse. Cette masse est dotée d'une personnalité morale capable d'avoir des droits et des obligations. Ainsi, les créanciers dans la masse ne peuvent plus exercer individuellement des actions en recouvrement de créances. Le traitement des créanciers antérieurs à la décision d'ouverture de la procédure collective devient alors collectif et seul le représentant de la masse, pris en la personne du syndic par principe, est capable d'agir au nom et pour le compte de la masse197(*). C'est dire donc que le droit des procédures collectives fait échec à l'application des voies d'exécution, à l'exception de certaines actions qui sont, quant à elles, recevables après la décision d'ouverture d'une procédure collective198(*).

Pour atténuer les conséquences de cette règle, le législateur limite dans le temps ces atteintes aux droits de poursuites individuelles en principe reconnus aux créanciers.

En effet, en matière de règlement préventif, la décision suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles tendant à obtenir le paiement des créances nées antérieurement à ladite décision pour une durée de trois (03) mois, qui peut être prorogée d'un mois dans les conditions définies à l'article 13, alinéa 2 AUPC révisé sans préjudice de l'application de l'article 14 alinéa 3. Ce dernier article prévoit que les créanciers recouvrent l'intégralité de leurs droits, donc celui des poursuites individuelles si la juridiction compétente saisie ne statue pas dans les trente (30) jours de sa saisine.

En matière de redressement judiciaire, la durée de la suspension ou de l'interdiction des poursuites individuelles est de six (06) mois prorogeable de trois (03) mois une seule fois, soit neuf (09) mois au plus199(*). Dansla liquidation des biens, cette durée est de dix-huit (18) mois, prorogeable une seule fois de six (06) mois, soit une durée de vingt-quatre (24) mois ou deux ans au maximum200(*). Cette dernière durée est celle la plus longue au cours de laquelle, les créanciers sont privés de leur droit de poursuites individuelles au nom de la recherche d'une égalité entre ceux-ci, laquelle ne peut être d'ailleurs absolue.

En matière de règlement préventif ou de redressement judiciaire, les durées de suspension ou d'interdiction sont moins longues laissant penser à une brièveté de durée. En réalité, cette vue n'est qu'une illusion dans laquelle le législateur OHADA a plongé les créanciers antérieurs.En dehors des effets de l'exercice des voies de recours contre les décisions de la juridiction compétente sur la durée de la procédure, qui en tout cas, est incluse dans les délimitations des procédures collectives dans le temps, les hypothèses de conversion des procédures prévues par l'AUPC révisé sont illustratives de cette affirmation.

En effet, une procédure de courte durée engagée peut se transformer en une procédure plus longue contre toute attente et aux mépris des droits des créanciers à qui le débiteur avait, au commencement, donné espoir d'être redressé. Dans ce cadre, une procédure de règlement préventif peut se transformer, à tout moment de la procédure, en redressement judiciaire ou en liquidation des biens201(*) lorsque survient en cours d'instance la cessation des paiements. Pareil cas peut se produire à la suite de l'ouverture d'un redressement judiciaire qui se termine en liquidation des biens202(*).

En matière des procédures collectives, le maintien par le législateur de la saisine d'office reconnu à la juridiction compétente203(*) conforte notre position. Le débiteur quant à lui trouve son intérêt à demander la conversion de la procédure déjà engagée en une autre procédure collective lorsque, par exemple, il survient la cessation des paiements de l'entreprise du débiteur.

Il n'est plus à démontrer que ces hypothèses qui arrivent à des moments inattendus par les créanciers sont préjudiciables aux intérêts de ces derniers.

Qui plus est, dans l'hypothèse où une procédure venait à être transformée en liquidation des biens, il faut relever que le risque pour les créanciers antérieurs de demeurer dans une paralysie de leurs droits de poursuites individuelles pendant une période qui peut aller jusqu'à deux ans regorge une portée dangereuse pour l'objectif de sauvetage des entreprises en difficulté. En effet, les créanciers comptent le plus souvent sur les montants à recouvrer auprès de leur débiteur à des échéances bien calculées pour payer leurs dettes vis-à-vis de leurs propres créanciers. Ainsi, maintenir les créanciers dans un état d'impuissance pendant deux ans est susceptible de créer d'autres victimes parmi ceux-ci, qui risquent de se retrouver en difficulté économique ou financière. Le montant des créances que certains créanciers détiennent contre le débiteur est un élément à prendre en compte. Plus ce montant représente une grosse somme d'argent, plus le créancier concerné court le risque de connaitre des difficultés économiques.

En marge de cette illusion de la brièveté des suspensions ou de l'interdiction des poursuites individuelles, les créanciers courent toujours des risques en consentant ou non à l'accord amiable ou à un accord concordataire.

En effet, s'il est vrai que les entreprises qui se redressent, on en cherche, il arrive qu'on en trouve qui se rétablissent quand-même. C'est le cas, par exemple, d'une société dénommée SOCAFI dans une décision du 24 septembre 2014204(*). En l'espèce, un jugement du 09 août 2006 rendu par le TGI de Bobo-Dioulasso avait accordé un règlement préventif à la SOCAFI. Malgré cela, la situation de cette dernière ne connaissait pas d'amélioration et son redressement judiciaire a été prononcé par le tribunal de commerce (créé par une loi du 12 mai 2009), dans sa décision du 13 octobre 2010. Le concordat proposé a été voté à l'unanimité par les créanciers et remplissant les autres conditions, avait fait l'objet d'homologation par jugement n° 32 du 18 mai 2011. Le tribunal de commerce avait ordonné, par la même décision, la clôture du redressement judiciaire ouvert en faveur de la SOCAFI « pour exécution intégrale du concordat. ».

Toutefois, en cas d'obtention d'un accord par le débiteur en difficulté, les créanciers ne sont pas épargnés du risque d'inexécution ou d'une mauvaise exécution du contenu de cet accord. Ce qui permet de mettre en évidence le caractère incertain de l'issue des accords consentis par les créanciers dans le cadre des procédures de sauvetage des entreprises. Certes des contrôles205(*) ont été prévus dans l'AUPC en vigueur dans le but d'assurer une bonne exécution des accords éventuels, mais cela n'empêche pas le débiteur d'être dans l'incapacité d'exécuter ses engagements souscrits dans l'accord envers ses créanciers. Ainsi, les sacrifices consentis par les créanciers se révèlent le plussouvent infructueux car dans la majorité des cas, les tentatives de redressement n'aboutissent pas206(*).

L'illusion sur l'interdiction des poursuites individuelles et les incertitudes dans l'issue des accords concordataires ne présentent plus ainsi aucun doute.

Cette fragilité de la protection des intérêts des créanciers est amplifiée par un manque de clarté de certaines dispositions de l'AUPC révisé.

* 197 Art. 72 alinéa 1er AUPC révisé.

* 198 Il s'agit des actions tendant à la reconnaissance des droits ou des créances contestées, des actions cambiaires dirigées contre les signataires d'effets de commerce autres que le bénéficiaire de la suspension des poursuites individuelles (v. art. 9 alinéa 4 AUPC révisé).

* 199 Art. 33 alinéa 5 AUPC révisé.

* 200 Art. 33 alinéa 3 AUPC révisé.

* 201 Art. 15 alinéa 1er et art. 141 alinéa 1er AUPC révisé.

* 202 Art. 33 alinéa 4 et 5 et art. 134 alinéa 2 AUPC révisé.

* 203 Art. 15 alinéa 1er et art. 29 AUPC révisé.

* 204 T. com. Bobo-Dioulasso, jugement n° 057 du 24 septembre 2014, inédit, obs. sous art. 127 AUPC révisé.

* 205 Art. 20 et 128 AUPC révisé.

* 206 BATHILY (D.), préc., note de bas de page n°43, p. 9.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle