Les créanciers face aux impératifs de sauvetage des entreprises en difficulté en droit OHADApar Ganiyou BOUSSARI Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Master 2 en droit privé et sciences criminelles/Carrières judiciaires 2022 |
CHAPITRE 2 : LA PERFECTIBILITE DE LA SITUATION DES CREANCIERSLa révision du droit des procédures collectives intervenue en 2015 a redonné un nouveau souffle aux créanciers qui n'avaient quasiment plus de pouvoir face au débiteur en procédure de sauvetage. Les droits reconnus aux créanciers par différentes lois en période normale étaient significativement restreints sous l'empire de l'AUPC du 10 avril 1998 au point où un auteur a pu désigner les créanciers comme des « acteurs de la procédure aux droits maltraités »193(*). Cette situation correspondait à une sorte d'injustice, même si l'on peut penser qu'il s'agissait d'une solidarité dictée par l'irruption d'un certain humanisme dans la règlementation du droit des entreprises en difficulté194(*). Cet humanisme se décline comme une sorte de solidarité entre des entreprises. Il est marqué par le souci de protéger la partie faible, qualification qui semble centrée sur le débiteur, même défaillant. S'il est vrai que l'introduction d'un humanisme dans le droit des procédures collectives est salutaire pour le sauvetage des entreprises et par ricochet, pour l'économie des Etats parties à l'OHADA, il ne faut pas cependant occulter le fait que cet humanisme doit s'inscrire dans une idéologie de justice qui implique l'équité et l'équilibre dans les rapports juridiques. Malgré les efforts fournis par le législateur OHADA pour renforcer la protection des intérêts des créanciers par opposition aux intérêts du débiteur, il y a lieu de relever que cette protection reste encore insatisfaisante. La protection des intérêts des créanciers dans les procédures de sauvetage semble insuffisante dans la mesure où le déséquilibre de protection des intérêts conflictuels est important. Par ailleurs, la soumission des créanciers à une discipline collective quasiment généralisée195(*) n'est pas en partie compatible avec l'objectif privilégié du législateur qui est de sauvegarder les entreprises en vue de maintenir les emplois et favoriser le développement économique des Etats parties.Face à la persistance du mépris des droits des créanciers et son incompatibilité avec le souci de pérenniser les entreprises dans l'espace OHADA, la recherche de solutions s'avère nécessaire. Ces solutions doivent s'orienter vers une meilleure conciliation des intérêts de l'entreprise débitrice et ceux des entreprises des créanciers. Au vu de ce qui vient d'être exposé, il sera analysé la subsistance d'une mise à mal de la situation des créanciers dans le sauvetage de l'entreprise (Section I) et exploré quelques pistes de solutions pour une meilleure amélioration de la situation de ceux-ci (Section II). SECTION I : LA SUBSISTANCE D'UNE MISE A MAL DE LA SITUATION DES CREANCIERS DANS LE SAUVETAGE DE L'ENTREPRISELa révision de l'AUPC196(*) n'a pas réussi à réduire au strict minimum les entorses aux droits des créanciers. Ce qui est de nature à mettre ceux-ci dans des difficultés face à leurs propres engagements envers leurs fournisseurs ou plus généralement envers leurs partenaires d'affaires. La mise à mal des droits des créanciers se traduit par la persistance d'un déséquilibre de protection en défaveur des créanciers (Paragraphe 1) et la subordination de ceux-ci à une discipline collective incompatible avec les impératifs de sauvetage (Paragraphe 2). * 193 BATHILY (D.), préc., p. 28. * 194 EVELAMENOU (S.K.), Le concordat préventif en droit OHADA, Thèse, Université Paris-Est, 2012, n° 1, p. 10. * 195 NGOM (M.), « La situation du propriétaire dans le droit OHADA des procédures collectives d'apurement du passif », Revue Sénégalaise de Droit des Affaires, éd. 2011, p. 34 et ss. ; V. www.ohada.com, Ohadata D-12-54. * 196 Intervenue en 2015, la révision de l'AUPC visait à corriger les erreurs, à combler les lacunes et non à réécrire un nouvel acte avec une nouvelle numérotation des articles. |
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