3. Impacts au niveau de la production
Le secteur agricole est aujourd'hui responsable de 20 à
25% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial,
notamment avec la forte utilisation d'énergies fossiles
nécessaires à l'entretien des cultures, mais également
avec l'intensification des élevages. Ce secteur est également
celui qui est le plus impacté par le changement climatique (Tubiello et
al., 2021 ; Branchereau,2022). Ces modifications du climat ont un impact direct
sur les rendements des productions et ces effets ne peuvent que s'intensifier
dans le futur. Les populations animales, de par leur mobilité, sont
moins sensibles à ces variations que les populations
végétales notamment pérennes car leur développement
repose sur leurs adaptations aux conditions du milieu (Castede,2014). Cela est
également vrai pour ce qui est des espèces annuelles. Par
exemple, le blé qui représente l'une des premières sources
de nourriture à l'échelle mondiale est sensible face à ces
fluctuations de températures induisant un stress thermique. Il est
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aujourd'hui montré que cela entraine plusieurs
réponses comme une baisse de l'activité photosynthétique,
une diminution de la viabilité du pollen ainsi que de son potentiel de
germination, mais également au niveau des grains avec une
réduction de la quantité de grains formés et de leur
qualité (Akter & Rafiqul Islam 2017 ; Branchereau,2022). Chez la
vigne, cela se traduit par une augmentation de la concentration en sucre qui va
impliquer des vins avec un plus fort degré d'alcool (Duchêne &
Schneider 2005 ; Seguin 2010 ; Branchereau,2022).
Les espèces fruitières sont aussi fortement
impactées par le réchauffement climatique, cela a
été observé pour de nombreuses espèces telles que
le cerisier (Prunus avium) et le pommier (Malus domestica)
(Legave et al.,2008 ; Branchereau,2022). Les arbres fruitiers vivent
en suivant le cycle de l'année. Pendant l'automne et l'hiver, ils
rentrent dans un état de dormance et doivent satisfaire un certain
besoin en froid pour sortir de la phase d'endodormance et amorcer le
débourrement. Au printemps, à contrario, ils doivent satisfaire
des besoins de chaleur pour sortir de la phase d'ecodormance et permettre de
déclencher leur floraison. Les hivers de plus en plus doux ne permettent
pas de satisfaire réellement ces besoins, ce qui entraîne
plusieurs conséquences. La levée de dormance peut être
retardée et le débourrement des bourgeons, se fait de
manière étalée. A cela on ajoute les fortes
températures en fin d'hiver et au début du printemps qui
provoquent des floraisons précoces. Des températures
élevées en hiver induisent un impact sur la phénologie de
la floraison, les fortes températures estivales vont quant à
elles avoir un impact sur la qualité des fruits et sur l'initiation
florale (Castede,2014). Les floraisons précoces augmentent le risque de
gelée des fleurs, ce qui est aujourd'hui une préoccupation
majeure en production fruitière. De plus, les fortes chaleurs durant la
période de floraison peuvent aussi entraîner des
conséquences sur le développement floral avec l'apparition de
nécroses plus ou moins totales sur les fleurs ainsi qu'une diminution du
taux de nouaison (passage de l'ovaire en fruit). Lors de l'année
suivante, il est clairement évoqué que les fortes chaleurs
provoquent l'apparition de fruits doubles (Figure 13) (Charlot et Pinczon,2015)
non commercialisables pouvant s'étendre à 80% des fruits
présents sur l'arbre chez le cerisier (Castede,2014). Il est aujourd'hui
clair que les hausses de températures induiront des modifications dans
les cycles des arbres fruitiers (Legave et al.,2022)
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Figure 13 : Malformation de la cerise induisant des fruits
doubles ( source: CTIFL)
Outre les problèmes impliquant le développement
phénologique des feuilles et des fruits, l'avancement de la floraison a
aussi pour conséquence de désynchroniser l'espèce
cultivée du cycle de vie de ses pollinisateurs avec un impact le plus
important sur les espèces allogames.
Enfin, la hausse des températures est également
synonyme de migration pour certains ravageurs et d'augmentation de la
rapidité des cycles de reproduction pour d'autres déjà
présents. Par exemple, pour la Drosophila suzukii qui est la
seule drosophile où la femelle pond dans des fruits sains (Figure 14) la
ponte est fortement liée à la température en termes de
vitesse de reproduction. Lorsque la température est de 10°C, le
temps de passage de l'oeuf à l'adulte est de 80 jours, pour une
température de 28°C, le temps nécessaire n'est que de 10
jours (Figure 15) Ensuite, bien que la durée de vie de la mouche femelle
adulte soit inférieure en présence d'une plus forte
température, on observe une augmentation significative du nombre d'oeufs
pondus par femelle avec 140 oeufs/ femelle pour une température de
18°C (Tochen et al.,2014 ; Charlot et Pinczon,2015). La corrélation
entre la température et la vitesse de reproduction de la drosophile
Suzuki est également observable chez le carpocapse qui est un ravageur
des pommes et des poires. Le nombre de générations
présentes augmente avec les hausses de températures (Stoeckli
et al.,2012, Samietz et al.,2015 ; Branchereau,2022).
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Figure 14 : Dégâts de ponte de Drosophila
suzukii (source : CTIFL)
Figure 15 : Evolution de la durée du cycle de
reproduction de D.suzukii en fonction de la température (source :
CTIFL)
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