2. Critères de sélection et attentes des
consommateurs
a) Structure de l'arbre
Il est aujourd'hui indispensable de rechercher des arbres dont
la conduite en verger est plus simple. Les arbres trop vigoureux ne
présentent pas des caractéristiques optimales, en revanche la
sélection se portera sur des génotypes présentant des
fortes densités d'éperons (branches latérales issues des
branches principales sur lesquelles se forment les fleurs) ou alors ayant une
plus forte ramification. Les éperons seront moins denses, mais le nombre
de branches principales sera plus important. D'un point de vue logistique pour
la mécanisation, le ramassage, la mise en place d'équipement au
niveau des vergers, certaines recherches (par
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sélection d'hybrides, mais aussi en utilisant les
mutations naturelles) ont notamment été réalisées
pour former des cultivars à port compact. (Bargioni,1996 ; Quero Garcia
et al.,2017). Cependant c'est aujourd'hui avec la sélection sur les
porte greffes, avec l'arrivée des porte-greffes nanisants et
semi-nanisants que la taille des arbres est le mieux contrôlée. De
plus, on contrôle également la taille des arbres grâce aux
différents modes de conduites (tailles, irrigations, espacement,
enherbement). D'un point de vue général, la sélection
porte également sur la précocité des arbres,
c'est-à-dire l'âge à partir duquel ils ne sont plus dans la
période juvénile, mais également sur le rendement des
productions ainsi que sur leurs régularités aux cours des
années (Quero Garcia et al.,2017). Les conditions
météorologiques jouent cependant un rôle important dans la
régularité de production des arbres, tout comme les conditions du
sol. Il est donc difficile de déterminer clairement les cultivars les
plus réguliers car des fortes variations de production peuvent
s'appliquer pour un même génotype planté dans des sites
différents.
b) Caractéristiques des fleurs
L'auto-fécondité est un objectif majeur de la
sélection, elle permettrait d'obtenir des fruits sans l'action
d'insectes pollinisateurs, ce qui est un atout important actuellement où
l'on observe parfois des désynchronisations entre la période de
floraison et la présence de certains pollinisateurs.
L'auto-incompatibilité pollinique est courante dans le monde
végétal. Dans le cas des fruitiers, et notamment de la cerise,
elle est d'origine génétique. En effet, elle provient de la
présence de gènes d'incompatibilités
représentés par des allèles divers
(CTIFL-L'auto-incompatibilité pollinique). Par exemple, un grain de
pollen portant les allèles S1 et S2 sera compatible si l'ovaire porte
des allèles S3 et S4 (différents de S1 et S2) (Figure 18). Chez
le cerisier cette incompatibilité est aussi présente pour
plusieurs variétés distinctes. De nombreux travaux de biologie
moléculaire ont permis de mettre en évidence des groupes
d'incompatibilité. (ANNEXE I). Par exemple « Ferdouce » et
« Folfer » sont compatibles, car elles ne possèdent aucun
allèle commun. « Belge » et « Badascony » sont
incompatibles. De plus en plus de cultivars auto-compatibles sont
créés, comme « Cristobalina » qui est beaucoup
utilisé dans des programmes de sélection.
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Figure 18 : L'auto-incompatibilité pollinique chez le
cerisier (source : CTIFL)
c) Tolérance aux stress
La production de cerises est très dépendante des
conditions météorologiques comme les précipitations, les
basses températures hivernales ou encore les très fortes
chaleurs.
La fissuration des fruits (Figure 19) apparaît
aujourd'hui comme l'un des principaux facteurs pouvant affecter la
rentabilité de la production. Pour évaluer la résistance
à l'éclatement des fruits, il est possible de réaliser des
tests en submergeant les cerises dans de l'eau et de relever le temps au bout
duquel l'éclatement est visible. Cependant, il est aussi indispensable
de mettre en place des évaluations directement sur les parcelles de
production. Pour cela, il faut bien entendu que les précipitations
soient suffisantes lors de la date de maturité des fruits (Quero Garcia
et al.,2017). Une très faible partie des cultivars majoritairement
cultivés présentent cette particularité. Les cultivars
« Fermina » et « Regina » sont résistants face
à l'éclatement et dans l'avenir ils devraient être
utilisés en combinaison avec d'autres cultivars présentant
d'autres qualités des fruits pour former des hybrides résistants
à l'éclatement.
34
Figure 19 : Eclatement provoqué par la pluie
De plus, le réchauffement climatique augmente le risque
de formation de fruits doubles. Actuellement, aucune étude n'a
été réalisée pour déterminer la source
génétique de ce caractère. Plusieurs cultivars ont
cependant été identifiés comme moins propices à la
formation de fruits doubles. Les fruits doubles ne pouvant être
commercialisés, cela peut donc induire des pertes économiques
importantes suivant les cultivars.
La résistance au froid hivernal a également
été étudiée, notamment dans des pays comme la
Russie, la Lettonie, l'Ukraine ou encore l'Allemagne. Pour étudier cette
résistance, des tests sur terrain en conditions naturelles ou
après application d'un gel artificiel ont été
réalisés. Les travaux les plus importants ont été
réalisés en Allemagne, il en ressort que sur 131 cultivars de
cerisiers doux, neufs d'entre eux présentaient une résistance au
froid (Fischer et Hohlfeld,1998 ; Quero Garcia et al.,2017).
D'autre part, la zone de production de la cerise douce s'est
également étalée vers des régions telles que le sud
de l'Espagne, le nord de l'Afrique ou encore la Californie qui sont
caractérisées par des hivers beaucoup plus doux. De ce fait, les
cultivars de ces régions doivent avoir la capacité de satisfaire
leur besoin en froid avec des températures plus hautes durant l'automne
et l'hiver. Parmi eux, on peut citer « Lapins », « Rainier
», « Brooks » ou encore « Cristobalina » qui est
très précoce et auto-fertile. Les caractéristiques
optimales cherchées sont donc d'avoir des cultivars qui se satisfont de
faible besoin en froid l'hiver pour sortir de dormance tout en ayant des
besoins en chaleur au printemps assez importants pour ne pas
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lancer la floraison trop tôt dans l'année et
augmenter le risque de dégâts dus aux gelées
printanières.
Les principaux stress biotiques de la cerise douce sont
induits par le chancre bactérien, le puceron noir du cerisier (Myzus
cerasi Fab.), la mouche de la cerise (Rhagoletis spp.), la
mouche Drosophila suzukii ainsi que le champignon Monilinia
spp.
Le chancre bactérien est causé par
Pseudomonas syringae pv. Syringae ou P.syringae
pv.mors-prunorum, cette maladie est la plus présente dans
les zones humides. Un programme de sélection mené au John Innes
Institute au Royaume-Uni a permis de mettre en évidence la
résistance de certains cultivars tels que 'Merla', 'Mermat', 'Merpet' et
'Inge' à une des souches de cette bactérie. Cependant, des
observations sur la diminution de cette résistance ont également
été relevées à la suite d'infections par d'autre
souches ( Quero Garcia et al.,2017).
Figure 20 : Cerise infectée par le champignon
Monilia
Pour ce qui est de la résistance à la moniliose,
(Figure 20) plusieurs évaluations ont été
réalisées mais aucune résistance totale n'a pu être
mise en évidence. Certains cultivars tels que 'Regina', 'Early Korvik',
'Melitopolska Chorna' et 'Valerij Chkalov' ont tout de même
présenté un bon niveau de résistance.
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Enfin, il n'y a pour l'heure actuelle encore aucun cultivar
résistant à Rhagoletis spp et à la Drosophila
suzukii. Pour ce qui est du puceron noir de la cerise, des
résistances ont été observées chez les
espèces Prunus canescens, Prunus incisa, Prunus
kurilensis et Prunus nipponica. Le cultivar «
Napoléon » a été croisé avec ces
différentes espèces et certains des hybrides ont
présenté une tolérance partielle au puceron noir.
(Bargioni, 1996)
d) Qualité des fruits
La qualité des fruits est également au coeur des
programmes de sélection avec une multitude de fruits variés.
(Figure 21). Plusieurs caractéristiques sont étudiées,
comme la taille des fruits, la fermeté, la couleur de la peau et de la
chair mais aussi la saveur du fruit ainsi que son taux de sucre. La
sélection a permis une réelle amélioration en termes de
taille et de fermeté des fruits pour répondre aux demandes des
consommateurs. Pour ce qui est de déterminer la couleur des fruits, il
est possible de réaliser des tests ADN. Le goût des fruits est
analysé grâce à des mesures objectives telles que
l'acidité titrable ainsi que des mesures subjectives issues du
goût procuré par le fruit (Kappel et al.,2012 ; Quero Garcia et
al.,2017). Déterminer le moment de maturité du fruit est
également indispensable pour décider ou non de récolter.
Il existe aujourd'hui un appareil non destructeur qui permet d'obtenir la
teneur en chlorophylle (Figure 22) dans le fruit. Il existe une
corrélation entre la diminution du taux de chlorophylle présent
dans le fruit et son arrivée à maturité.
Figure 21 : Cerises arrivées à maturité
avant analyse en laboratoire
37
Figure 22: Instrument de mesure du taux de chlorophylle non
destructif
e) Etalement de la période de récolte
Un autre objectif de la sélection est de permettre aux
arboriculteurs d'étaler la durée durant laquelle ils peuvent
commercialiser des cerises au cours de la saison. Pour cela, ils doivent
posséder plusieurs cultivars dont les fruits arrivent à
maturité à des moments distincts (Tableau 4). Les objectifs
premiers étaient de sélectionner des cultivars qui arrivent
à maturité avant le cultivar « Burlat », atteignant sa
maturité entre fin mai et début juin et qui sert de
référence pour définir la précocité des
autres cultivars. Bien que des cultivars très précoces existent,
c'est-à-dire qu'ils arrivent à maturité avant la
référence « Burlat », ceux-ci ne possèdent pas
les mêmes qualités en termes de goût des fruits, de taille
et de sensibilité face à l'éclatement. Actuellement, aucun
hybride très précoce et possédant des fruits
d'intérêt commercial n'a été formé. D'autre
part, la sélection de cultivars très tardifs et possédant
des fruits commercialisables semble mieux progresser ( Quero Garcia et
al.,2017).
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Tableau 4 : Présentation des principales
variétés de cerises avec leur période de récolte
respective (source : Le Figaro)
f) Aptitude à la récolte
mécanique
La récolte mécanique est principalement
utilisée pour le ramassage des cerises acides destinées à
la transformation. Récolter mécaniquement n'est possible que pour
les cerises sans pédoncule, et la volonté de commercialiser des
cerises fraiches sans pédoncules est de plus en plus présente (
Kappel et al .,2012 ; Quero Garcia et al.,2017). C'est d'ailleurs
déjà le cas depuis plusieurs années au Royaume Uni avec
les importations provenant de la vallée del Jerte en Espagne (CTIFL-
Variétés de cerises aptes à la récolte sans
pédoncule). Ce nouveau segment de marché présente
plusieurs avantages : tout d'abord la capacité de récolter des
cerises sans pédoncules permet la mise en place d'une récolte
mécanique, ensuite, il permet aussi de mécaniser les
conditionnements des petites portions ( 100 à 300 grammes) (Figure 23)
qui doivent se faire manuellement pour les cerises avec pédoncules (
CTIFL- Variétés de cerises aptes à la récolte sans
pédoncule). De plus, le pédoncule diminue le temps de
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préservation visuelle de la cerise en agissant comme
une pompe sur le fruit. Certains cultivars tels que 'Ambrunés',
'Cristalina', 'Fermina', 'Linda', 'Sumste' et 'Vittoria' (Quero Garcia et
al.,2017) sont adaptés à la récolte mécanique, ils
produisent un tissu cicatriciel entre le fruit et le pédoncule qui
permet de maintenir le jus et la qualité du fruit et de le
préserver des attaques extérieures (Sansa- vini et Lugli, 2008,
source xxx).
Figure 23 : Cerises récoltées sans
pédoncules conditionnées en petites portions (source : La
Tapy)
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