II.9. LA PARENTHÈSE
COMME MÉTADISCOURS RECTIFICATIF OU AUTOCORRECTIF
Le métadiscours correctif ou rectificatif vise
l'ajustement du dire d'un locuteur par lui-même au cours de sa production
des illocutions. Ce texte de Kourouma regorge de telles configurations
énonciatives et stylistiques :
« Les enfants-soldats étaient en
colère, rouges de colère. (On ne doit pas dire pour des
nègres rouges de colère. Les nègres ne deviennent pas
rouges : ils refrognent.) Donc les smal-soldiers s'étaient
renfrognés ; ils pleuraient de rage. » (pp.
56-57)
Dans ce passage, on aperçoit que la parenthèse
constitue un métadiscours rectificatif du parler. En effet, le
« on ne doit pas dire » fait figure d'une modalité
injonctive, car le locuteur profère une défense à
l'interlocuteur au sujet de la façon de parler. En tant que
matériaux du texte, les métadiscours rectificatifs ou correctifs
restreignent l'activité critique du texte sur le plan sémantique.
Car après avoir défini la contextualité des constituants
encombrants de son discours, le locuteur limite l'effort interprétatif
des lexies textuelles pour le lecteur. Du côté du texte, on peut
estimer que cette autocorrection ou rectification découd, elle aussi, le
texte dans sa linéarité. En tant qu'adresse au destinataire, elle
crée l'effet stylistique de « mise en description »,
car le locuteur offre à l'allocutaire une réflexion via laquelle
il l'interpelle à la partager en refusant d'adopter la lexie
« rougir de colère » pour adopter celle de
« renfrogner » qu'il estime convenable. C'est ce que l'on
appelle, en stylistique des figures de style,
l' « épanorthose ». celle-ci désigne une
« figure de correction qui consiste à reprendre un terme
pour le corriger, le préciser ou [le] développer »
(Frédéric Calas, 2013 : 272). La parenthèse
comme rectification se rencontre encore dans cet extrait :
« Me voilà présenté en six
points en os avec en plume ma façon incorrecte et insolente de parler.
(Ce n'est pas en plume qu'il faut dire, mais en prime. Il faut expliquer en
plume aux nègres noirs africains indigènes qui ne comprennent
rien à rien. D'après Larousse, en prime signifie ce qu'on dit en
plus, en rab.) » (p.12)
Il résulte de cet extrait que le locuteur
désigné par le « je » opère
lui-même l'adéquation du dire en rejetant le « dire en
plume » pour considérer le « dire en
prime ». Il occupe un statut autoritaire car la parenthèse
qu'il insère dans sa narration laisse sous-entendre qu'il maîtrise
toute chose. Le fait de se poser comme incontestable se trouve encore
renforcé par l'argument d'autorité que constituent ses
références dictionnairiques. Car en se plantant devant la strate
narrataire prédéfinie dans l'histoire, Birahima ne peut
qu'être agréé comme tel grâce à la
suprématie qu'il s'arroge au cours de sa narration à travers la
parenthèse.
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