I.3. CADRE MÉTHODOLOGIQUE
Cette section présente, premièrement, les
techniques qui ont concouru à la récolte des données
à analyser, à savoir l'observation et la technique documentaire.
Dans la suite, nous montrons que cette étude se fonde sur trois
approches dont l'énonciation, la stylistique et la poétique. Leur
présentation dans les lignes qui suivent part de l'aspect historique
à l'aspect pratique de chacune d'elles en passant par leur
caractère définitoire. Et ce, de manière succinte.
I.3.1. LES TECHNIQUES
Les techniques sont des moyens qui permettent de recueillir
les données sur terrain. À cet effet, nous nous appuyons sur la
technique documentaire et celle d'observation dans la collecte des extraits
romanesques et des théories nécessaires à notre
interprétation. En effet, au sujet de la technique d'observation, Karl
KOGARD (Op.cit. :153-154) stipule que :
« Tout part de l'observation. [...] c'est avant
tout de l'examen attentif de la forme du texte que peut se dégager un
sens. [...] commencer par l'observation implique que l'on ait à sa
disposition un certain nombre de connaissances préalables, linguistiques
notamment, qu'il s'agit de mettre à l'épreuve du passage
étudié. Cependant, rien de plus dommageable pour le texte que de
lui imposer un outillage linguistique, poétique et rhétorique
sans l'avoir questionné au préalable. »
C'est pour dire que l'observation est aisée lorsque
l'observateur dispose des connaissances préalables pouvant lui permettre
de remarquer, reconnaître, mesurer ou évaluer les données
textuelles qui se présentent en sa face. La technique documentaire, par
contre, nous conduit dans la sélection des documents utiles pour notre
recherche. C'est pourquoi :
« Une fois rassemblés, ces
différents documents peuvent contribuer [...] à cacher le terrain
ou certaines situations et/ou peuvent faire l'objet d'une analyse de contenu
[...]. Cette documentation permet d'étoffer les données et de
donner de l'air aux perspectives, les `'matériaux [devenant ainsi]
très divers, de façon à autoriser une compréhension
de l'ordre des choses dans les fouillis du réel ».
(Gérard DERÈZE, 2009 : 154)
Il convient de souligner que les documents
sélectionnés pour la réalisation de cette recherche ont
servi à rassembler les données théoriques de toutes sortes
dont ce travail est un réservoir. Pour les interpréter, les
approches sont nécessitées.
I.3.2. LES MÉTHODES
I.3.2.1.
L'énonciation
Au sujet de cette approche d'inspiration linguistique,
Fossion et Laurent (1981 :65) estiment que :
« Depuis les années 60 s'élabore,
à la suite du linguiste Émile Benveniste, une linguistique de
l'énonciation. Il s'agit d'aborder les actes de parole en tant
qu'appropriation de la langue par un individu. Benveniste veut tenter de
dépasser la séparation langue/parole en montrant comment la
parole est un exercice particulier d'appréhension de la langue par le
sujet parlant. »
Il en résulte que l'énonciation doit sa
présentation systématique au linguiste français
Émile BENVENISTE dans ses Problèmes de linguistique
générale. Cependant, les premiers jalons de
l'énonciation ont été posés par le russe
Mickaïl BAKHTINE vers 1920, soit douze ans avant que Charles BAILLY ne
vînt lui proposer sa première définition dans le monde
francophone. C'est aussi avec BAILLY et BENVENISTE que l'énonciation a
quitté le contexte phrastique vers celui de la profération
interlocutoire, vers la subjectivité du langage et la prise en compte
des énoncés par leur producteur. C'est ainsi que Benveniste
conçoit cette méthode :
« L'acte individuel par lequel on utilise la
langue introduit d'abord le locuteur comme paramètre dans les conditions
à l'énonciation. Avant l'énonciation, la langue n'est que
la possibilité de la langue. Après l'énonciation, la
langue est effectuée en une instance de discours, qui émane d'un
locuteur, forme sonore qui atteint un auditeur et qui suscite une autre
énonciation en retour. En tant que réalisation individuelle,
l'énonciation peut se définir par rapport à la langue,
comme un procès d'énonciation. Le locuteur s'approprie l'appareil
formel de la langue et il énonce sa position de locuteur par des indices
spécifiques, d'une part, et au moyen de procédés
accessoires, de l'autre.» (Émile Benveniste,
1974 :81-82)
Il y a donc énonciation dès qu'un locuteur ou
énonciateur adresse un énoncé (le produit de l'acte
d'énonciation) dans des circonstances spatio-temporelles
particulières. Le locuteur et l'allocutaire sont appelés des
interlocuteurs. Avec les indices de lieu, de temps, et de la
subjectivité du locuteur dans ses énoncés,
l'énonciation se voit ainsi dotée d'une si noble tâche
d'aider à les analyser dans toute forme de production discursive.
Autrement dit :
« Les recherches linguistiques qui
intègrent la dimension énonciative suivent deux orientations
différentes. L'une s'attache avant tout au fonctionnement
référentiel des formes linguistiques, notamment des pronoms
(deixis et anaphore). L'autre, partant des actes de langage, est
représentée par différents courants pragmatiques,
notamment la pragmatique cognitive (Sperber & Wilson 1989) et l'approche
interactionniste (Kerbrat-Orecchioni 1990-1994). » (Martin
Riegel et al., 2016 :971)
Toute énonciation suppose en effet des protagonistes
(le locuteur et l'interlocuteur), la situation spatio-temporelle et le cadre
environnemental comprenant les objets présents et visibles dans le
circuit interlocutif. Cela veut dire que l'énonciation peut s'occuper
des indices de l'énonciation, notamment les déictiques ainsi que
les modalités d'énoncé et d'énonciation. Elle peut
aussi intégrer les actes de langage vus dans leur configuration de la
pragmatique cognitive. Sans entrer, en effet, dans le détail des
courants de l'énonciation, l'on peut retenir celui qui intéresse
cette recherche. Plus précisément :
« Dans l'analyse de textes littéraires,
les concepts énonciatifs permettent des analyses des formes
langagières et des stratégies littéraires (textuelles)
qu'elles réalisent. Ainsi dans l'étude du roman, en particulier
contemporain, ils contribuent à rendre compte de
phénomènes narratifs tels que les glissements des pronoms
personnels et l'imbrication de différents niveaux de récit et
différents registres. De la sorte, ils se combinent avec les
données de la narratologie. » (Paul ARON et al.,
Op.cit. :234)
Au fait, scruter les formes langagières et des
stratégies littéraires, c'est convoquer les méandres de
création littéraire que cherche à appréhender la
linguistique de l'énonciation :
« Celle-ci permet donc de cerner le texte comme
création : on doit de la sorte cerner les traces du sujet
producteur du discours, dans ses formes grammaticales, dans le statut des
temps, dans la hiérarchie des dépendances narratives, dans
l'insertion et le rapport des interventions des personnages. Sont aussi
à considérer sous ce point de vue toute une masse de variations
sur les modalités, par les adverbes, ordre des mots, mélodie,
l'emploi de certains axiologiques dans le discours ; des valeurs
pragmatiques de diverses figures ; l'usage de stratégies
argumentatives. [...] La linguistique de l'énonciation forme donc un
puissant outil de relativisation en même temps de différentiation
dans l'appréciation de la valeur littéraire d'une oeuvre,
c'est-à-dire dans sa saisie comme littéraire. »
(Georges MOLINIÉ : 1989 : 58-60)
À partir de cette réflexion,
l'énonciation permet d'analyser les investissements linguistiques,
formels et langagiers mis en forme par la parenthèse. Il s'agit
principalement d'étudier les ressources énonciatives que provoque
la parenthèse dans l'économie narrative de l'oeuvre en
étude. Ce qui ne va pas sans convoquer la stylistique.
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