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La protection internationale des déplacés environnementaux


par Aimé OUEDRAOGO
Université privée de Ouagadougou  - Master 2 2022
  

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Section 2 : L'insuffisance du droit international spécial

Le droit international spécial est composé de l'ensemble des branches du droit international qui traitent des questions spécifiques, du point de vue international. En fonction de la question traitée, chaque branche spécialisée est alimentée par des instruments internationaux qui abordent ladite question. Dans le cadre du présent travail, il s'agit des branches spécialisées qui traitent de la question de la protection de l'homme. A cet effet, on a le droit international des droits de l'homme, le droit international humanitaire, le droit international des réfugiés. Aucune de ces branches n'offre une protection aux déplacés environnementaux. Il convient alors d'établir l'insuffisance des règles de protections de chacune de ces branches sus-citées du droit international spécial (Paragraphe 2). Au préalable, nous examinerons les règles de protection du droit international de l'environnement (Paragraphe 1), du fait du lien étroit de cette branche avec les déplacés environnementaux.

Paragraphe 1 : L'insuffisance du droit international de l'environnement dans la protection des déplacés environnementaux

Selon Alexandre KISS, le droit international de l'environnement est « la matrice juridique naturelle de la protection de l'environnement »115. La finalité des règles du droit international de l'environnement est « l'intérêt général de l'humanité »116. Dans ce sens, plus de 500 instruments internationaux et régionaux ont été adoptés jusqu'ici117. Chaque instrument traite d'une question distincte et particulière dans la protection de l'environnement. Cependant, force est de reconnaître que le droit international de

115 (S.) DOUMBÉ-BILLÉ, « Force du droit et droit de la force en droit international de l'environnement », in Le droit international à la croisée des chemins. Force du droit et droit de la force, Paris, Pédone, 2004, p. 368.

116 (A.) KISS, « L'irréductible présence de l'environnement », Mondialisation et sociétés multiculturelles. L'incertain du futur, PUF, 2000, p. 227.

117 Rapport n°A/73/419 du Secrétaire général des Nations unies de la soixante et treizième session de l'Assemblée générale, point 14 de l'ordre du jour, « les lacunes du droit international de l'environnement et des textes relatifs à l'environnement : vers un pacte mondial pour l'environnement », 13 décembre 2018.

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l'environnement se montre insuffisant face à la question de la protection des déplacés environnementaux. Il s'agit d'une insuffisance des règles de protection dans le droit international de l'environnement (A) et les institutions qui sont chargées de leur mise en oeuvre (B).

A- L'insuffisance du contenu du droit international de l'environnement dans la protection des déplacés environnementaux

On observe en droit international de l'environnement, un nombre élevé de principes qui forment le corpus de ce droit118. Mais malgré leur nombre, ces principes n'offrent pas une protection aux déplacés environnementaux. Plusieurs raisons l'expliquent.

Premièrement, il n'y a pas de principes de droit international de l'environnement consacré à la question des déplacés environnementaux. On observe ainsi, un vide juridique dans le droit international de l'environnement qui se manifeste par l'absence de principe consacré à la question de la protection des déplacés environnementaux. Cela permet de dire que le droit international de l'environnement n'a pas d'instruments propres aux problèmes de la protection des déplacés environnementaux. Mais, en plus du fait qu'il n'existe pas de principe propre qui traite de la question de protection des déplacés environnementaux, il faut reconnaître que les principes qui existent en droit international de l'environnement ne traitent pas de la protection des déplacés environnementaux.

Deuxièmement, les principes existants sont formulés de manière vague, ce qui rend imprécises certaines obligations fondamentales. On a l'exemple du principe du pollueur - payeur et le principe de précaution. Le principe de précaution est une norme ambigüe. Selon le Professeur Michel PRIEUR, « le principe de précaution fait partie des grands mythes119 ». Le caractère ambigu se traduit d'abord, par la pluralité de définitions utilisées par des ordres juridiques distincts sur le principe. Si l'objectif de ce principe est de permettre une protection équilibrée de l'environnement, on remarque que dans les différentes définitions, d'un ordre juridique à un autre, l'élément d'imprécision porte, tantôt sur les situations qui peuvent porter « des risques de dommages graves ou irréversibles » 120 et qui nécessitent de la part des Etats,

118 (J. M.) LA VIEILLE, Droit international de l'environnement, 3ème édition, Paris, Ellipse, 2010 p. 157.

119 Revue juridique de l'environnement n°4/2010, pages 689 et Ss.

120 Le principe 15 dit que « pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leurs capacités. En cas de risques, de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte à remettre à plus tard, l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement ».

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la prise des mesures de précaution, tantôt sur la nécessité de la prise de ces mesures121. Ces éléments d'imprécisions fragilisent le principe de précaution et l'empêchent de constituer une protection pour les déplacés environnementaux, à travers la protection de l'environnement.

Pour le principe pollueur-payeur il a été formulé de façon vague par la Déclaration de Rio à son article 13, en ces termes : « Les Etats doivent élaborer une législation nationale concernant la responsabilité de la pollution et d'autres dommages à l'environnement et l'indemnisation de leurs victimes [...] ». Cette définition est accrochée à l'esprit du principe de la souveraineté des Etats sans porter de précision, ni sur la nature de la responsabilité ni sur les conditions de sa mise en oeuvre. Pendant ce temps, la Convention de Paris, citée ci-dessus, définit le principe pollueur-payeur comme le principe « Selon lequel les frais résultants des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur 122». Si la première définition met l'accent sur l'auteur de la mise en oeuvre du principe sans donner son contenu, la seconde quant à elle, se contente de donner les obligations du pollueur sans d'autres éléments. Ces imprécisions laissent une marge de manoeuvre aux Etats, souvent complices, dans les processus d'exploitations abusives des ressources environnementales qui causent la plupart des cas, des dégradations de l'environnement qui provoquent les déplacements environnementaux.

En plus des éléments d'imprécision soulevés dans les définitions, s'ajoutent les contradictions dans l'application de ces principes qui entravent par ricochet la protection des déplacés environnementaux. Pour le principe pollueur-payeur, son application est susceptible de nombreuses dérives dont la marchandisation de l'environnement. On peut dire avec Henri SMETS que ce principe consacre le droit de polluer à partir du moment où le pollueur peut en payer le prix123. Pour le principe de précaution, son application a entraîné des contradictions d'interprétations entre le juge de la Cour internationale de justice124 et le panel de

121 Article alinéa 2 paragraphe (a) dispose que « les parties contractantes appliquent le principe selon lequel des mesures de prévention doivent être prises, lorsqu'il y a des motifs raisonnables de s'inquiéter du fait que des substances ou de l'énergie introduites, directement ou indirectement, dans le milieu marin, puissent entraîner des risques pour la santé de l'homme, nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes marins, porter atteinte aux valeurs d'agrément ou entraver d'autres utilisations légitimes de la mer, même s'il n'y a pas de preuves concluantes d'un rapport de causalité entre les apports et les effets ».

122 Article 2 alinéa 2 paragraphe (b) de convention.

123 (H.) SMETS, « L'examen critique du principe pollueur-payeur », in Mélanges Alexandre KISS, éditions Frissons Roche 1998, P.95.

124 (R.) ROMI, Droit international et européen et de l'environnement, Précis Domat, Paris, LGDJ, 2017, p.49.

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l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) 125. Les interprétations contradictoires du principe de précaution réduisent les chances de protéger efficacement l'environnement et partant, des déplacés environnementaux.

En somme, l'absence de normes de protection des déplacés environnementaux, les éléments d'imprécision ainsi que les contradictions au niveau des interprétations de ces deux principes pris à titre d'exemple permettent d'établir l'insuffisance des règles du droit international de l'environnement dans la protection des déplacés environnementaux. Mais, à côté de la carence des règles de droit international de l'environnement, il y a d'autres facteurs tels que l'inadaptation des institutions de droit international de l'environnement.

B- L'inadaptation des institutions du droit international de l'environnement à la protection des déplacés environnementaux

Des institutions internationales ont été conçues pour la mise en oeuvre du droit international de l'environnement, à travers des mécanismes de contrôle. Dans le cadre de la présente étude, nous allons nous concentrer sur le Programme des Nations unies pour l'Environnement (PNUE)126.

Le PNUE est la plus haute autorité des Nations unies dédiée aux questions environnementales. Pour cet effet, le PNUE se présente comme l'institution habilitée à apporter une réponse adéquate aux problèmes des déplacés environnementaux. Cependant, cette institution manque de bases solides pour traiter de la question des déplacés environnementaux pour plusieurs raisons.

Premièrement, il s'agit du contexte dans lequel le PNUE a été créé. Le PNUE a été créé dans un contexte où la communauté internationale se réunissait autour des grandes questions de la protection de l'environnement. Le PNUE a donc, été mis en place pour servir d'institution de base à la mise en oeuvre des orientations politiques de l'ONU, dégagées à la conférence de Stockholm. En ce moment, les questions qui étaient sur la table de négociation portaient essentiellement sur la protection de l'environnement et les ressources naturelles. La

125 CIJ, « usines de pâte à papier », Argentine c. Uruguay, Annuaire CIJ, 2018-2019, p189. Disponible sur le www.icj.org. Consulter le 23 août 2021 à 14 h 32 mins.

126 Le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) est une organisation dépendante des Nations unies, créée par la résolution A/RES/2997 de l'Assemblée générale de l'ONU en date du 15 décembre 1972, et ayant pour but de coordonner les activités des Nations unies dans le domaine de l'environnement, assister les pays dans la mise en oeuvre de politiques environnementales, http://www.un.org. Consulté le 23 novembre 2020 à 13 h 30 mins.

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question des déplacés environnementaux n'en faisait pas partie, car elle ne se posait pas en ce temps-là.

Ensuite, il s'agit de la mission assignée au PNUE. Pour rappel, la mission du PNUE est de soutenir les gouvernements dans la mise en place et le renforcement d'instruments et d'institutions pour la protection de l'environnement et d'encourager les partenariats pour la promotion du développement. Cependant, cette mission se heurte à la souveraineté des Etats127 qui constitue un obstacle à l'intervention du PNUE dans la politique nationale des Etats sur la protection de l'environnement. Cela entrave la mise en oeuvre d'une politique globale de la protection des déplacés environnementaux, à travers la protection de l'environnement et la promotion du développement durable.

En outre, il convient de noter que le PNUE n'a pas le statut d'une organisation au sens du droit international. Etant en effet, constitué en tant que programme, le PNUE ne pèse pas suffisamment dans le processus de l'édification des normes environnementales. Cela limite les possibilités du PNUE à s'ériger en une institution incontournable pour la protection des déplacés environnementaux.

En somme, force est de reconnaître que le droit international de l'environnement ne dispose pas de moyens juridiques capables qui permettent de traiter de la question de protection des déplacés environnementaux. A l'insuffisance des règles du droit international de l'environnement, s'ajoute l'inadaptation des institutions qui sont chargées de la mise en oeuvre de ces règles, à côté desquelles, on constate l'insuffisance des mécanismes de contrôle128. Mais que peut-on dire des autres branches spécialisées du droit international ?

Paragraphe 2 : L'insuffisance des règles de protection des autres branches spécialisées du droit international à la protection des déplacés environnementaux.

Afin de démontrer l'insuffisance des autres branches spécialisées du droit international dans la protection des déplacés environnementaux, nous allons examiner les branches qui ont trait principalement à la protection des personnes. A ce propos, nous allons examiner le droit international des droits de l'homme, le droit international humanitaire (A) et le droit international des réfugiés (B).

127 Voir Supra pages 26.

128 (C.) IMPERIALI, « L'effectivité du droit international de l'environnement, contrôle de la mise en oeuvre des conventions internationales », Paris, Economica, 1999 p. 90.

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A- L'insuffisance des règles de protections du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire

Le droit international des droits de l'homme comporte d'importants instruments de la protection des droits de l'homme que sont : la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH)129, le pacte international relatif au droit civil et politique130 disposant aux articles 6, 7, et 1, respectivement du droit à la vie, du droit de ne pas être soumis à des traitements cruels, inhumains et du droit de ne pas être privé des moyens de subsistance. Également, on a le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels131 qui, dans son article 11, protège le droit à un niveau de vie suffisant, y compris les besoins de nourriture et de logement. Il y a d'autres instruments comme la Convention relative aux droits de l'enfant132, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard de la femme et la Convention de l'OIT sur les droits des peuples autochtones, qui offrent des protections spécialisées à des catégories de personnes particulières selon leur champ d'application et leur objectif respectif. La Déclaration de 1985 sur les droits des personnes qui ne possèdent pas la nationalité du pays dans lequel elles vivent133 recommande le respect des droits des étrangers garantis par le droit interne de l'Etat d'accueil et aussi, par les obligations universelles.

Mais, malgré ce nombre important d'instruments de protection des personnes, il n'y a pas un seul qui soit consacré aux déplacés environnementaux. Selon Christel COURNIL, il n'y a ni un statut juridique permanent ni une solution durable pour les déplacés environnementaux134. Et concernant les instruments existants, le lien entre dégradation de l'environnement et violation des droits de l'homme n'a jusque-là, pas été établi. Le rapport du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'homme relève trois difficultés à qualifier de violation de droits de l'homme, les effets des changements climatiques, à savoir, l'écheveau complexe des relations causales, l'impossibilité d'établir à quel point un phénomène concret lié aux changements climatiques et ayant des incidences sur les droits

129 Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948.

130 Le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966.

131 Le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966.

132 Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies dans sa résolution A/RES/44/25 du 20 novembre 1989.

133 Par la résolution A/RES40/144, l'Assemblée Générale des nations unies a adopté la Déclaration sur les droits de l'homme des personnes qui ne possèdent pas la nationalité du pays dans lequel elles vivent, le 13 décembre 1985.

134 (C.) COURNIL, « Vers une reconnaissance des « réfugiés écologiques ? », Quelle(s) protection (s) quel (s) statut (s) ? », Revue de Droit Public et de Science Politique n°4, 2006, p. 1045.

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humains est imputable au réchauffement de la planète, et le caractère hypothétique des dommages, alors que les violations des droits de l'homme ne sont en principe établies qu'après la survenance d'un préjudice135. Ces difficultés à établir le lien entre dégradation de l'environnement et violation des droits montrent aussi l'insuffisance des instruments existants du droit international des droits de l'homme à offrir une protection aux déplacés environnementaux.

En outre, en dépit de leur valeur universelle et leur opposabilité à tous les Etats136, le manque de volonté ou l'impuissance des gouvernements nationaux ont toujours eu pour conséquence, une mise en oeuvre insuffisante de ces instruments. En témoigne le traitement réservé aux déplacés environnementaux en territoire étranger qui sont en situation irrégulière. Ces derniers sont souvent privés de soins médicaux, de logement et de services sociaux. Sur la base de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme137, ces derniers ne sont actuellement pas protégés par le principe de non-refoulement. En effet, ce principe ne traite pas de tous les déplacés, de manière équitable. C'est pourquoi tout Etat peut légalement les renvoyer dans leur pays d'origine ou de résidence habituelle à condition qu'ils ne soient pas protégés par un autre cadre juridique.

Quant au droit international humanitaire, il regorge d'instruments de protection que sont principalement les conventions de Genève de 1949138 et leurs protocoles additionnels139. Ces textes offrent de la protection aux personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays140. Cependant, « cette protection a établi ses propres limites, au regard de son champ d'application, à savoir la guerre au sens des conventions de 1949, les conflits armés internationaux au sens du protocole 1 et les conflits armés non-internationaux, selon le protocole additionnel II et l'article 3 commun aux quatre conventions »141. Ces instruments du droit international humanitaire, au regard de leur champ d'application, n'offrent pas de

135 Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, « Rapport sur les liens entre les changements climatiques et les droits de l'homme », A/HRC/10/61, 5 janvier 2009, p. 25.

136 Second Protocole additionnel aux conventions de Genève de 1949 « Ces droits sont des prescriptions à valeurs universelles opposables aux Etats, même en l'absence de toute obligation conventionnelle ou de tout engagement exprès de leur part ».

137 CEDH, BUCKLAND c. Royaume-Uni, requête n°40060/08, du 18 septembre 2012, in CEDH et droit au logement, Mémento de Cécile BENOLIEL, janvier 2017.

138 Les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949.

139 Les deux protocoles additionnels du 8 juin 1977.

140 (F.) BUGNION, « Droit de Genève et droit de la Haye », in Revue de la Croix-Rouge internationale, n°844, décembre 2001, p. 913.

141 (P. A.) LAURA, La protection internationale des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, International Law, Revisita Colombiana de Dercho Internacional, 2017, p. 7.

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protection aux déplacés environnementaux. Ils ont été adoptés bien avant la naissance du droit international de l'environnement moderne et la question des déplacés environnementaux.

En somme, le DIDH et le DIH, malgré le nombre important d'instruments qui les composent, restent insuffisants face à la question de la protection des déplacés environnementaux.

B- L'insuffisance des règles de protection du droit international des réfugiés

Le cadre juridique international pour les réfugiés est composé d'un instrument international qu'est la convention relative au statut de réfugié (Convention de Genève de 1951)142 et quatre instruments régionaux qui sont : la convention régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique (Convention de l'OUA 1969)143, la Déclaration de Carthagène sur les réfugiés de l'Organisation des Etats américains (Déclaration de l'OEA 1984)144, la directive 2001/55/CE145 du 20 Juillet 2001 du Conseil de l'UE et enfin la directive 2004/83/CE146 du 29 avril 2004 du Conseil de l'UE. Ces instruments relatifs aux réfugiés comportent bien des règles de protection qui auraient pu contribuer à la protection des déplacés environnementaux. Il y a des règles qui précisent les conditions d'accès au statut de réfugié, l'admission dans un pays étranger et les droits qui peuvent être accordés dans le pays d'accueil. Cependant, deux constats permettent d'établir l'insuffisance de ces textes dans la protection des déplacés environnementaux. Il y a en effet, l'insuffisance liée à l'inadaptation de la Convention de Genève et celle liée à la portée relative des autres textes.

Les règles qui résultent de la Convention Genève de 1951 ne sont pas suffisantes pour traiter la protection des déplacés environnementaux. Il est largement admis que celles-ci ne sont pas applicables147 pour plusieurs raisons.

142 Convention de Genève relative au statut du réfugié, adoptée le 28 juillet 1951, entrée en vigueur le 22 avril 1954.

143 Convention de l'Organisation de l'Union Africaine, adoptée le10 septembre 1969 et entrée en vigueur le 20 juin 1774.

144 Colloque sur la protection internationale des réfugiés en Amérique centrale, Organisation des Etats américains, Mexique et Panama, 22 novembre 1984.

145 Directive 2001/55/CE sur les normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire d'afflux massifs de personnes déplacées et sur les mesures visant à promouvoir un effort équilibré entre les Etats membres sur l'accueil de ces personnes et sur le poids des conséquences de ceux-ci.

146 Directive 2004/83/UE sur les normes minimales pour la qualification et le statut de ressortissants de pays tiers ou des apatrides ou des personnes, qui autrement, ont un besoin de protection internationale et sur le contenu de la protection à accorder.

147 (J.) COOPER, «Environmental refugees: meeting the requirements of the refugee definition», New York University Environmental Law Journal, 6, 1998, p. 489.

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La définition de réfugié donnée par la convention fait de la « crainte, avec raison, d'être persécuté » un critère fondamental148 pour l'accès au statut de réfugié. Selon les critères, il faut que la crainte de la personne avec raison d'être persécutée soit du fait de sa race, sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques [...] et aussi émané du comportement de l'Etat ou des autorités étatiques. Cette condition exclut les déplacés environnementaux du champ d'application de la Convention de Genève. Dans le cas des déplacés environnementaux, même si la rupture environnementale peut être d'origine humaine, on ne peut pas établir le lien direct entre le comportement de l'Etat ou celui des autorités étatiques et la crainte de persécution ressentie par les déplacés environnementaux, du moment où c'est la rupture environnementale qui en est la cause directe.

Ensuite, le caractère individuel de la reconnaissance du statut de réfugié qui est annoncé par l'article 1er, alinéa A avec l'emploi répété du singulier traduit une protection individuelle qu'offre la Convention de Genève. Elle vise uniquement, la crainte d'être persécuté à l'étape individuelle en écartant la crainte de persécutions massives. Alors que dans la plupart des cas des déplacements environnementaux, la rupture environnementale affecte des centaines voire des milliers de personnes au même moment et leur inflige le même degré de crainte. Tout compte fait, il sera difficile d'apporter la preuve de la « crainte d'être persécuté » due aux catastrophes environnementales. Les déplacés environnementaux ne pourront donc pas entrer dans « l'esprit » du texte de la Convention de Genève. Pendant ce temps, on se rappelle que les instruments sous régionaux se sont inspirés de cette Convention de Genève.

La Convention de l'OUA tout en réaffirmant la définition149 donnée par la Convention de Genève, ajoute un élément important qui semble intéresser les déplacés environnementaux. En effet, l'article 1er, alinéa 2 de ladite Convention ajoute aux critères d'accès au statut de réfugié, le critère « [...] des événements graves troublant l'ordre public [...] ». En ce moment, les ruptures environnementales pourraient être considérées comme des évènements

148 « [...] La personne craignant avec raison, d'être persécutée, du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays où il a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, ou si elle n'a pas de nationalité, et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, à la suite de cet évènement, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner » article 1 alinéa 2 de la Convention de Genève relative aux réfugiés .

149 Voir article 1 alinéa 1 de la convention de l'OUA sur les réfugiés.

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graves troublant l'ordre public. A cet effet les déplacés environnementaux pourraient bénéficier de la protection qu'offre la Convention.

La Déclaration de Carthagène quant à elle, prévoit en son article 3, la définition du réfugié qui englobe les éléments de la convention de 1951 dans lesquels elle ajoute des éléments propres tels que « autres circonstances ayant perturbé l'ordre public ». Comme dans la convention de l'OUA, on pourrait croire que le déplacement environnemental est implicitement inclus dans la définition en tant que circonstances ayant perturbé l'ordre public. Cependant, il faut noter que la Déclaration de Carthagène est un document politique qui n'a aucun caractère contraignant. Elle sert juste de source d'inspiration pour les législations nationales sur l'asile dans les Etats membres de l'OEA.

Les directives de l'UE sont des régimes complémentaires de protection développés au niveau régional, pour protéger la catégorie de personnes soumises au déplacement forcé, mais non comprises dans la Convention de Genève et qui, néanmoins, méritent une protection internationale. L'article 2150 de la directive de qualification de l'UE offre une protection subsidiaire aux personnes qui « autrement » ont besoin d'une « protection internationale » autre que celle prévue par la convention de 1951. Cependant, l'élément « des atteintes graves » à la vie qui est retenu par la directive pour accorder la protection est clairement établie à l'article 15. Il porte sur une liste exhaustive de cas d'atteintes graves qui n'inclut pas le préjudice de dégradations environnementales. Par conséquent, les déplacés environnementaux ne sont pas protégés par cette directive.

Quant à la directive européenne sur la protection temporaire en cas d'afflux massif, elle définit les limites de la protection qu'elle offre, en intégrant dans la liste des bénéficiaires, une formule de « particulier » qui indique que les victimes d'autres situations que celles évoquées par la Convention de Genève peuvent bénéficier de la protection. Cette directive présente pourtant des limites telles que le caractère temporaire de la protection qui est d'une durée limitée de 3 ans151. Cela ne permet pas une protection suffisante des déplacés environnementaux dont le besoin de protection est souvent de long terme. Aussi faut-il noter le fait que, pour que cette directive s'applique au cas d'afflux massif, c'est à travers une

150 Selon l'article 2 de la directive de qualification de l'UE, une personne qui est admissible à la protection subsidiaire est « [...J tout ressortissant d'un pays tiers ou un apatride qui ne peut être considéré comme réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne consternée...courrait un risque réel de subir les atteintes graves [...J ».

151 Voir Article 4 de la directive 2001/83 de l'Union européenne sur la protection temporaire, en cas d'afflux massif.

décision du Conseil152 qui doit déterminer s'il s'agit d'un cas d'afflux massif ou non, avant que la directive ne s'applique. Ces éléments traduisent les insuffisances de ces directives à offrir une protection suffisante aux déplacés environnementaux.

En somme, l'analyse des instruments internationaux et régionaux relatifs aux réfugiés et leur applicabilité aux déplacés environnementaux montre que certains de ces instruments ne sont pas du tout applicables et que d'autres demeurent matériellement insuffisants.

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152 Ibid, Article 5.

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