B- L'adoption d'un protocole additionnel à la
CCNUCC
Il existe des réflexions allant dans le sens de
l'adoption d'un protocole à la Convention-cadre des Nations unies sur
les changements climatiques pour la protection des déplacés
environnementaux. Frank BIERMANN et Ingrid BOAS ont proposé
l'élaboration d'une protection qui va reconnaître
légalement le concept de déplacés
environnementaux255, grâce à l'adoption d'un protocole
additionnel à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements
climatiques256.
250 (M.) HOCHULI, « Protection et perspectives pour les
réfugiés climatiques », Genève, Caritas,
2017, p.6.
251 (A.) COSTI, « De la définition et du statut
des « réfugiés climatiques », une première
réflexion », Yearbook of the New Zealand Association for
Comparative Law 489-505, Wellington, Victoria University of Wellington,
2011, p. 399.
252 Coordination et Initiatives pour Réfugiés et
Etrangers, « Ceci n'est pas un réfugié climatique »,
Bruxelles, 2010, p. 6.
253 (J.) Mc ADAM, « Environmental Migration Governance
», UNSW Law Research Paper N°2009-1, 2009, p. 12.
254 (C.) COURNIL, « Quelle protection juridique pour les
réfugiés écologiques ? Quel statut pour les
réfugiés environnementaux ? », Actes de la
journée du 14 décembre 2007, Collection les journées
d'études, Paris, 2008, p. 21.
255 (J. G.) SPETH et (P. M.) HAAS, « Global environmental
governance », Pearson Education, Delhi 1100107 Inde, 2007, p. 12 et Ss
256 (F.) BIERMANN et (I.) BOAS, «Preparing for a Warner
World : Towards a Global Governance system to protect Climate Refugees»
Working paper N° 33, Global Governance, 2007.
69
L'option de ce protocole est à explorer plus amplement
pour deux raisons. Premièrement, il s'agit du lien entre la protection
de l'environnement et la protection des déplacés
environnementaux. Ce lien s'établit dans le sens selon qu'une protection
efficace de l'environnement permet, d'une part, de prévenir les
dégradations environnementales qui provoquent les déplacements
environnementaux et d'autre part, de protéger le droit des
déplacés environnementaux à un environnement de
qualité. Selon Sophie PECOURT257, la protection des
déplacés environnementaux va de pair avec la protection de
l'environnement. Conformément à l'article 1er de la
Déclaration de Stockholm, le déplacé environnemental a un
droit fondamental « ... a des conditions de vie satisfaisantes, dans
un environnement dont la qualité lui permet de vivre dans la
dignité et le bien-être 258».
Ensuite, ce protocole présente l'avantage d'offrir une
protection efficace aux déplacés environnementaux, car il
comportera les principes de prévention et celui de pollueur payeur. La
mise en oeuvre de ces principes permettra de protéger le droit des
déplacés environnementaux, dans les cas où le
déplacement serait dû à une rupture environnementale
d'origine humaine comme la pollution. Ce fut le cas dans l'affaire
Tatar259 dans laquelle la Cour européenne des droits de
l'homme a condamné l'Etat roumain à réparer les droits des
déplacés environnementaux, en déclarant que les
autorités roumaines ont violé le principe de précaution,
car « Les conditions d'exploitation fixées par elles se sont
révélées insuffisantes260». La cour a
estimé qu'« au regard de l'existence d'un risque sérieux
et substantiel pour la santé et pour le bien-être des
requérants », l'Etat se devait d' « agir afin
d'assurer la jouissance par ces derniers, d'un environnement sain et
protégé ».
En termes de portée, le protocole additionnel à
la CCNUCC relatif à la protection des déplacés
environnementaux aura la même force juridique que la Convention
tirée du principe Pacta Sun Servanda qui lie les Etats par leur
adhésion. Cependant, un tel protocole présenterait le risque de
ne pas aboutir facilement, au regard des divergences des Etats sur les
questions des changements climatiques et le lien entre les changements
climatiques et les déplacements environnementaux. Il y a
également, la crainte que la protection des déplacés
257 (S.) PECOURT, « Protections des
déplacés et réfugiés climatiques. Migrations
forcées, droits de l'homme et changement climatique »,
Mémoire en vue de l'obtention du Certificat de formation continue en
droits de l'homme, l'Université de Genève, 2008, p. 16.
258 Principe 1er de la déclaration de Stockholm
de 1972.
259 CEDH, affaire TATAR c. Roumanie, 27 janvier 2009,
67021/01. « Les requérants alléguaient que le
procédé technologique de la société S.C Aurul Baia
Mare représentait un danger pour leur vie »
260 CEDH, Tatar c. Roumanie. Cité par Nicolas HERVEUX
in analyse « catastrophe écologique de Baia Mare et droit à
un environnement sain », publié dans la rubrique Combat des
droits de l'homme (CPDH), le 28 Janvier 2009.
70
environnementaux soit reléguée au second plan
par les parties à la CCNUCC, du fait que les enjeux climatiques sont
déjà énormes.
A la lumière de ce qui précède, on peut
dire que la protection des déplacés environnementaux peut se
faire à travers l'adoption de nouveaux protocoles additionnels aux
Conventions de protection existantes. Toutefois, cette hypothèse
comporte des limites non négligeables qu'il faudrait prendre en compte.
Cela amène à envisager l'hypothèse de la naissance d'une
convention spécifique à la protection des déplacés
environnementaux.
Paragraphe 2 : l'élaboration d'une convention
spécifique aux déplacés environnementaux
L'approche de la mise en place d'une nouvelle convention
internationale autonome pour les déplacés environnementaux se
justifie, au regard des limites et des difficultés que présentent
les hypothèses de réforme et d'adoption d'instruments
additionnels qui ont été développées dans le
paragraphe précédent261. L'idée serait
d'élaborer une convention spécialement relative à la
protection des déplacés environnementaux. A cet effet, plusieurs
projets de convention relatifs aux déplacés environnementaux ont
été proposés par des chercheurs262. Mais,
le projet de convention relative au statut international des
déplacés environnementaux263 proposé par
le Centre de Recherches Interdisciplinaires en Droit de l'Environnement de
l'Aménagement et de l'Urbanisme (CRIDEAU) de l'Université de
Limoges, en collaboration avec la Revue de Droit de l'Université de
Sherbrooke (RUDS), a retenu notre attention. Dans le cas de la présente
étude ; nous allons examiner ce projet parce que, d'une part, il est
bien abouti dans la forme et dans le fond et, d'autre part, il semble apporter
des solutions concrètes aux situations des déplacés
environnementaux. Pour ce faire, nous allons donc, analyser le contenu de ce
projet de convention (A) et apprécier sa portée
(B).
261 (S.) MALJEAN-DUBOIS, « La « fabrication »
du droit international au défi de la protection de l'environnement
» in le droit de l'environnement face aux enjeux environnementaux,
colloque d'Aix-en-Provence, Société Française pour le
Droit International, Juin 2010, p. 490
262 (C.) COURNIL, « Les défis du droit
international pour protéger les « réfugiés
climatiques », in réflexions sur les pistes actuellement
proposées ; ouvrage collectif, Acte de la journée d'études
sur les changements climatiques et les défis du droit, 24 mars 2009,
Villetaneuse. Bruylant Bruxelles, 2009, p. 17.
263 Projet de convention internationale relative au statut des
déplacés environnementaux, adoptée à Paris le 2
décembre 2008.
71
A- Le contenu du projet de convention relative au statut
international des déplacés environnementaux
Le projet de convention relative au statut des
déplacés environnementaux est spécialement conçu
pour apporter une protection adéquate aux déplacés
environnementaux. Le contenu du projet de convention est réparti en cinq
(05) chapitres qui comportent les définitions et le champ
d'application264, les droits garantis265, les
institutions266, des mécanismes de mise en
oeuvre267 et les dispositions finales268. Il renferme au
total, 23 articles. Pour nous, le contenu de ce projet de convention est
formellement satisfaisant selon plusieurs raisons.
Premièrement, il s'agit de l'objet du projet de
convention. Selon l'article 1, « l'objet de la présente
convention est de contribuer à garantir des droits aux
déplacés environnementaux et à organiser leur accueil,
ainsi que leur éventuel retour, en application du principe de
solidarité »269. Afin de garantir les droits des
déplacés environnementaux, le projet de convention s'appuie sur
des principes tels que le principe de responsabilités communes mais
différenciées, le principe de proximité, le principe de
proportionnalité ou encore le principe d'effectivité. Ces
principes sont exposés à l'article 4 du projet de convention.
Deuxièmement, il s'agit des droits garantis. Dans le
projet de convention relatif aux déplacés environnementaux, il y
a trois catégories de droits qui sont garantis. Il s'agit des droits
communs270 aux déplacés environnementaux qui sont au
bénéfice de toute personne qui tomberait dans la
définition-cadre des déplacés
environnementaux271. Il y a également les droits des
déplacés environnementaux temporaires272. Aussi, il y
a les droits des déplacés environnementaux
définitifs273 et les droits spécifiques aux familles
et populations274. Avec tous ces droits
énumérés, on peut dire que le projet de convention relatif
aux déplacés
264 Voir Chapitre 1 du projet de convention relative au statut
international des déplacés environnementaux
265 Voir Chapitre 2
266 Voir Chapitre 3
267 Voir Chapitre 4
268 Voir Chapitre 5
269 Voir Article 1.
270 Voir Article 5.
271 Voir Article 2, alinéa 2.
272 Voir Article 6.
273 Voir Article 7.
274 Voir Article 8.
72
environnementaux couvre suffisamment le besoin de protection
des déplacés environnementaux.
Troisièmement, il s'agit des institutions et
mécanismes de mise en oeuvre prévus par le projet de convention
pour la protection effective275 des déplacés
environnementaux. A cet effet, le projet de convention prévoit l'Agence
Mondiale pour les Déplacés Environnementaux (AMDE) et le Fonds
Mondial pour les Déplacés environnementaux (FMDE) pour
l'application de la convention276. L'AMDE sera une institution qui
aura le statut d'une organisation spécialisée des Nations Unies
et dont les missions seront celles de conduire des travaux, de mobiliser des
moyens, d'évaluer les programmes mis en oeuvre pour prévenir,
traiter et assister les déplacés environnementaux. Le FMDE
permettra la mise en oeuvre des aides financières et matérielles
pour la protection des déplacés environnementaux277.
Les mécanismes de mise en oeuvre que sont la coopération, la
conférence des parties et les rapports nationaux
d'application278 sont prévus, afin d'assurer l'application
effective de la convention.
Enfin, on peut dire que le projet de convention relative aux
déplacés environnementaux pourra être l'instrument
juridique tant attendu pour la protection des déplacés
environnementaux, au regard de son contenu. Toutefois, il s'agit d'un projet,
et il convient d'apprécier sa portée juridique.
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