La protection internationale des déplacés environnementauxpar Aimé OUEDRAOGO Université privée de Ouagadougou - Master 2 2022 |
B- La réforme des instruments de protection dans le DIDH et le DIHLe Droit International des Droits de l'Homme (DIDH) et le Droit International Humanitaire (DIH) sont les branches spécialisées du droit international qui se consacrent plus à la protection des droits humains. Ils disposent tous deux des instruments qui offrent des protections multiformes aux personnes. Il convient donc, d'analyser leur réforme, afin de prendre en compte la protection des déplacés environnementaux. Selon Michel MOREL et Nicole MOORE, « Dans les recherches des solutions à la protection des migrants climatiques et environnementaux [...], les droits de l'homme peuvent jouer un rôle important238 ». En effet, le DIDH comporte les règles de protection des droits les plus élémentaires des personnes239. Selon le 6ème rapport du GIEC240, il est important que le DIDH soit reformé, afin de prendre en compte la protection des déplacés environnementaux. A cette fin, il convient de procéder à l'aménagement des dispositions qui intègrent les déplacés environnementaux dans le texte fondamental des droits de l'homme qu'est la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH)241. A cet égard, l'article 22 de la DUDH dispose que « Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l'effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l'organisation et aux ressources de chaque pays242 ». Pour la réforme de la DUDH, il conviendra d'intégrer dans l'article 22, « un devoir de solidarité internationale » aux côtés de l'effort national et en lieu et place de « coopération internationale » afin de rendre obligatoire la protection des déplacés environnementaux. 238 M. MOREL, N. MOORE, « Migrations climatiques : quel rôle pour le droit international ? », Cultures et conflits, N°88/HIVER 2012, p. 64. 239 Article 3 de La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948. 240 Synthèse du 6ème rapport du GIEC sur les changements climatiques, Cophenague, août 2021. Disponible en ligne à travers le site https://climat.be/changements-climatiques/changements-observes/rapport-du-giec. Consulté le 20 juin 2022 à 17 h 50 mins. 241 Ibid, 242 Voir article 22 de la DUDH. 66 Ensuite, pour les deux pactes de l'AG de l'ONU de 1966243 qui comportent, pour rappel, pour l'un, les droits civils et politiques et pour l'autre, les droits économiques, sociaux et culturels, il conviendra d'ajouter des dispositions qui portent des précisons sur la nécessité de prendre en compte des déplacés environnementaux. Pour le DIH, sa réforme permettra d'apporter une réponse efficace à la question de la protection des déplacés environnementaux, au regard des instruments juridiques dont il dispose. En effet, à travers les résolutions n°43/131244 du 8 décembre 1988 et n°45/100245 du 14 décembre 1990, le DIH offre des solutions d'assistance humanitaire aux victimes des catastrophes naturelles. Il convient alors d'intégrer des dispositions de précision qui permettront de prendre en compte la protection des droits des déplacés environnementaux. En fin, la réforme des instruments de protection du DIDH et du DIH présente l'avantage de l'adhésion de tous les Etats à la protection des déplacés environnementaux. En somme, la réforme des règles de protection dans les branches spécialisées du droit international peut permettre de prendre en compte la protection des déplacés environnementaux. Toutefois, cette réforme comporte des difficultés non négligeables. Cela amène à réfléchir à une protection spécifique, à travers l'adoption d'instruments nouveaux. Section 2 : L'élaboration de nouveaux instruments juridiques spécifiques aux déplacés environnementaux La protection des déplacés environnementaux par l'élaboration de nouveaux instruments juridiques spécifiques peut se faire par l'adoption d'un protocole additionnel dans certaines branches spécialisées du droit international (Paragraphe 1) mais aussi, elle peut se faire surtout de façon exclusive, par une convention spécifique aux déplacés environnementaux (Paragraphe 2). 243 Voir Supra, pages 35. 244 Résolution n°43/131 adoptée par l'Assemblée générale des Nations-unies, le 8 décembre 1988 relative à l'assistance humanitaire aux victimes des catastrophes naturelles et situation d'urgence du même ordre. 245 Résolution n°45/100 adoptée par l'Assemblée générale des Nations-unies, le 14 décembre 1990, relative à l'assistance humanitaire aux victimes des catastrophes naturelles et situation d'urgence de même ordre. 67 Paragraphe 1 : L'adoption d'un protocole additionnel dans certaines branches spécialisée du droit international. Il y a des branches spécialisées du droit international qui comportent déjà des instruments de protection des personnes. Il conviendra d'élaborer un protocole, relatif à la protection des déplacés environnementaux, pour compléter ces instruments. C'est le cas dans le droit international des réfugiés avec la convention de Genève relative au statut de réfugié (A), et dans le droit international de l'environnement avec la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (B). A- L'adoption d'un protocole additionnel à la Convention de Genève relative au statut de réfugié A défaut de pouvoir appliquer la Convention de Genève aux déplacés environnementaux, une autre piste consiste à élaborer une protection par ricochet avec la mise en place d'un protocole additionnel à la Convention de Genève, afin d'accorder une protection spécifique aux déplacés environnementaux. Cette idée a été soulevée au colloque de Limoges sur les réfugiés écologiques et environnementaux, tenu en octobre 2005 246 et aussi, lors de l'Appel de Maldives lancé par l'UNICEF en 2006247 dans le cadre de la protection des déplacés du Tsunami de 2004248. Cette idée semble pertinente pour deux raisons. D'abord, du point de vue de son contenu, un protocole additionnel à la Convention de Genève va comporter des mesures nouvelles pour la protection des déplacés environnementaux, en plus des droits contenus et protégés par la Convention. Ensuite, du point de vue de sa portée, le protocole additionnel bénéficiera de l'adhésion des parties à la Convention249. Il sera facile pour les Etats de procéder à l'adoption du protocole qui vient compléter la Convention à laquelle ils sont déjà membres. Également, 246 Appel de Limoges sur les réfugiés écologiques, tenue le23 juin 2005, disponible en ligne à travers le lien http://www.cidce.org/ consulté le 21 août 2021 à 20 h 45 mins. 247 First meeting to discuss Protocol on environmental refugees: recognition of environmental refugees in the 1951 Convention and 1967 Protocol relating to the status of refugees, 14 et 15 août 2006, Maldives. 248 Le tsunami du 26 décembre 2004 a fait plus de 220 000 morts et avait entrainé le déplacement des dizaines de milliers de personnes, http://www.lemondre.fr/asie-pacifique/article/2014/120/26/le-tsunami-de-2004-un-des-pires-cataclysmes-des-temps-modernes_4546203_3216.html, consulté le 20 juin 2022 à 20 h 40 mins. 249 (C.) COURNIL, « Quelle protection juridique pour les réfugiés écologiques ? Quel statut pour les réfugiés environnementaux ? » in Actes de la journée du 14 décembre 2007, Collection les journées d'études, Paris, 2008, p. 19. 68 les règles de protection qui seront dégagées par le protocole auront la même valeur juridique que celles contenues dans la Convention. Cela va permettre d'offrir une protection efficace aux déplacés environnementaux. Le Protocole aura le même respect et la même garantie juridique que ce qui est accordé à la Convention de Genève. Cependant, selon certains experts250, l'adoption d'un protocole additionnel à la Convention de Genève relative aux déplacés environnementaux présenterait le risque d'avoir comme résultat l'abaissement des standards de protection actuelle251, ce qui serait contre-productif252. En plus, conformément à la Convention, ce protocole ne permettra pas de régler le problème des déplacés environnementaux à l'intérieur du pays, puisque la Convention ne s'applique que dans l'hypothèse de l'affranchissement d'une frontière253. Et dans la pratique, selon Christel COURNIL, « La mise en place d'un tel protocole additionnel occulte la question de la responsabilité politique, économique et écologique à l'origine des déplacements. Il faudra imaginer un mécanisme de responsabilité à coté de cette protection »254. |
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