II. Les saisies mobilières à fin
d'exécution
Jusqu'à présent, il s'était agi au moyen
des saisies conservatoires susmentionnées pour le créancier
saisissant, sans doute ému par la situation difficile que connaît
son débiteur, de lui permettre de s'acquitter volontairement de sa dette
et de ne revenir pourquoi pas à meilleure fortune tout en conservant ses
chances d'être
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payé. Maintenant, il est question pour lui de
procéder au recouvrement effectif de ce qui lui est normalement dû
au moyen de saisies mobilières exécutoires.
L'Acte uniforme en organise cinq au total dont les unes lui
sont préexistantes (A) et les autres entièrement neuves (B).
A. Les saisies préexistantes
Pour l'essentiel, il s'agit de la saisie-vente et de la
saisie-attribution des créances en lesquelles sont converties les
différentes saisies conservatoires. Toutes deux étaient
déjà connues de la législation antérieure, bien que
ce fût sous des vocables différents.
La saisie-vente était alors dénommée
saisie-exécution des articles 318 et suivants du code de
procédure civile et commerciale. La saisie-attribution, elle, existait
sous l'appellation de saisie-arrêt, notamment dans sa deuxième
phase, lorsqu'elle avait été autorisée en vertu d'un titre
exécutoire.
Pour ce qui est de la saisie-vente189, objet des
articles 91 à 152 de l'Acte uniforme, elle a vocation à
s'appliquer à tous les biens meubles corporels du débiteur, peu
importe qu'ils soient en sa possession ou détenus par un
tiers190, sous la seule réserve qu'ils ne soient pas
déclarés insaisissables. Son domaine est si large qu'il
s'étend même aux véhicules terrestres à
moteur191ou à des sommes d'argent en
espèces192ou encore aux récoltes et fruits non encore
recueillis. En effet, nos sociétés africaines étant
essentiellement rurales, il peut se faire que le débiteur soit
plutôt un agriculteur. Dans ce dernier cas, on parlera plutôt de la
saisie des récoltes sur pied des articles 147 et suivants de l'Acte
uniforme qui n'en est qu'une modalité
particulière193.
189 Pour les détails, cf. ASSI-ESSO (A.-M), DIOUF (N),
op. cit., n°239 et s., p.118 ; F.P.M. BATOUM, « La saisie-vente dans
la législation OHADA ou le sacre de l'insolvabilité ? »,
(2008/ 74 Juridis Périodique, p.71.
190 Ce tiers, peut être le créancier lui-même
conformément à l'article 106 AUVE.
191Acte uniforme sur les procédures
simplifies de recouvrement des créances et voies d'exécution,
article103 al. 3.
192idem, art. 104. L'Acte uniforme précise
toutefois qu'il doit en être fait mention dans l'acte de saisie. 193 Elle
était déjà connue sous l'ancienne législation sous
le nom de saisie-brandon dont le régime était fixé par la
Loi n° 51-83 du 21 avril 1983 portant code de procédure civile,
commerciale, administrative et financière, articles 361 à 370
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A l'issue de la procédure qui débute par un
commandement de payer, le débiteur en cas de non-paiement procède
lui-même à la vente amiable de ses biens saisis. A l'expiration du
délai d'un mois prévu à cet effet, le créancier est
autorisé à procéder à leur vente forcée.
Toutefois, cette procédure comporte de nombreuses faiblesses relatives
au commandement et à l'institution du débiteur comme gardien
principal des biens saisis déjà analysés dans les
développements précédents qui ont conduit un auteur
à se demander si le droit communautaire ne consacrait pas plutôt
en la matière l'insolvabilité du
débiteur194.
La saisie-attribution, quant à elle, vestige de
l'ancienne saisie-arrêt, est une procédure qui porte sur les
créances de sommes d'argent que le débiteur a contre un tiers.
Elle est réglementée aux articles 153 et suivants de l'Acte
uniforme. Sans renter dans les méandres techniques, on peut dire
simplement que la procédure est dirigée contre un tiers,
débiteur du débiteur qui détiendrait des sommes d'argent
pour le compte de ce dernier.
Le tiers en question peut être un établissement
bancaire ou établissement financier assimilé. La saisie portera
alors sur les comptes bancaires ouverts du débiteur. On parle de
saisie-attribution des comptes bancaires dont des dispositions spéciales
sont prévues aux articles 161 à 163 de l'AUVE.
Il peut arriver que le débiteur soit plutôt une
personne occupant un emploi salarié. L'Acte uniforme a pris en compte
cette possibilité en offrant au créancier du débiteur
salarié de pratiquer une saisie-attribution sur la fraction saisissable
du salaire195 du débiteur entre les mains de l'employeur. En
pareille occasion, la saisie est alors appelée saisie des
rémunérations196.
De même, il se pourrait que le créancier souhaite
au contraire recouvrer une créance de nature alimentaire, une pension
par exemple. Le législateur organise
194 F.P.M. BATOUM, préc., note 188
195 Sur la fraction insaisissable du salaire, v. Isupra, chapitre
1, section1, §1
196 Sur la saisie des rémunérations, lire
Maurice SOH « La situation des créanciers du salarié dans
les procédures d'exécution de l'OHADA ou le difficile
équilibre des intérêts en présence », (2002) 49
Juridis Périodique p. 101-110.
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à son profit une procédure simplifiée
entre les mains du tiers. C'est dire qu'à l'instar de la saisie-vente,
la saisie-attribution admet tout autant des variantes.
Cela dit, il s'est posé en pratique la question de
savoir si un créancier qui détiendrait des sommes pour le compte
de son débiteur pouvait pratiquer une saisie-attribution entre ses
mains. Ce qui pose le problème de saisie-attribution sur soi-même.
A cette question, la doctrine répond par l'affirmative en invoquant
parfois au soutien de celle-ci l'article 106 qui accorde cette
possibilité dans le cadre de la saisie-vente197.
Quel que soit le cas de figure, le créancier muni d'un
titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible
procède à la saisie par la rédaction de l'acte de saisie
signifié au tiers saisi. Cette signification emporte attribution
immédiate de la créance au profit du saisissant. Ensuite, la
saisie est dénoncée au débiteur. Le but de cette
dénonciation, nous le disions, était d'informer le
débiteur de la saisie pratiquée afin de lui permettre de la
contester. S'il ne conteste pas ou laisse entendre qu'il ne la contesterait
pas, le tiers procède au paiement entre les mains du créancier
saisissant et il est mis un terme à la procédure.
A côté de ses anciennes saisies
entièrement rénovées et reconduites, le législateur
en a instauré de nouvelles.
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