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Inclusion SEGPA et identité professionnelle


par Séverine Foursin
INSPE Mont-Saint-Aignan - Master 2 2022
  

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6. Analyse longitudinale des entretiens 6.1. Présentation

La méthodologie d' analyse des onze verbatims comporte plusieurs étapes :

Ø Lire les verbatims (annexe XI)

Ø Faire le portrait de chaque enseignants (neuf PE spé. et trois PLC)

Ø Recenser leurs représentations de la SEGPA

Ø Relever leurs propos sur leur identité professionnelle et ses éventuels changements

Ø Elaborer un tableau synthétisant les données de chaque enseignant autour des questions

suivantes :

· la SEGPA est-elle un modèle de fonctionnement à promouvoir ?

· Quelles sont les forces de la SEGPA ?

· Quelles sont les qualités des PE spé ?

· Comment perçoivent-ils les élèves ?

· Vivent-ils une crise identitaire et si oui, comment se traduit-elle ?

· Sont-ils dans un entre-deux ?

· Comment perçoivent-ils le professeur de collège ?

· Existe t-il un lien entre leur construction biographique et leur construction

professionnelle ?

· Comment vivent-ils les injonctions ministérielles ?

· Que mettent-ils en place pour répondre à l'inclusion ?

· Quels sont selon eux les leviers et les freins à une école inclusive dans le cadre de la

SEGPA ?

A l'aide des verbatims, nous avons trié les réponses des interviewés en fonction des thèmes. Nous avons dans un premier temps réalisé des tableaux en reprenant de nombreux verbatims correspondants aux thématiques puis nous les avons regroupés dans des tableaux plus synthétisés. (Annexe XII)

A titre d'exemple, nous vous proposons le tableau de E3 :

Tableau 10: Analyse longitudinale E3

Les forces de la SEGPA

Les qualités des PE spé

La perception des élèves de SEGPA

Une crise identitaire

- avoir des classes à petits effectifs

- les élèves ont le temps de pouvoir échanger entre eux

- travailler le projet
professionnel

- redonner confiance aux
élèves

- adapter les contenus

- importance d'avoir un
groupe classe

- marcher en atelier - marcher en projet

- un enseignement qu'est
hyper adapté à leurs besoins. - un travail d'équipe

- transfert de compétences avec les ateliers -individualisation -personnalisation

- motivant

- patience

- bienveillance

- prise en compte de
l'individualité de chaque élève

- donner envie à un élève de rentrer dans sa classe

- d'être heureux

- troubles du comportement,

grosses grosses difficultés
scolaires

- qui ont besoin de
l'enseignant

- balancé dans le second

degré

- obligée de m'adapter

- je ne me sens pas légitime pour être personne ressource - peur de ne plus faire le

même métier en cas
d'inclusion

- AESH de luxe

- peur de perdre sa liberté pédagogique

Un entre-deux

La perception des PLC

Un lien entre deux identités

(biographique et
professionnelle)

Les injonctions

ministérielles

- jamais connu le premier degré.

- je suis polyvalente

- je suis à la marge parce que je ne travaille pas dans le premier degré.

- expert de leur discipline

- refus de se remettre en

question

- les PLC ne sont pas prêts

- mauvaise perception des

élèves en difficultés

- pas d'individualisation

- j'étais un cancre

- j'aimais l'école

- les cours étaient balancés

- pas de manipulation

- cracher leur savoir

- les PLC ne savent pas

s'adapter au public

- pas d'accord avec

forcément ce que les
supérieurs nous demandent. - les lois sont balancées - pas de retour

- les lois sont connues un peu

La SEGPA une réponse à l'inclusion

L'image de la SEGPA

Le tout inclusif

Leviers/freins à l'inclusion

- le système de barrette - présenter la SEGPA pour éviter la stigmatisation - on propose des PASS

- plusieurs types d'inclusionsd'apprendre, possibles

- dépend du nombre d'élèves - la co-intervention : les deux

enseignants qui co-
construisent quelque chose ensemble.

- la SEGPA c'est quand

même un petit cocon

- Leur redonner envie

de travailler

- réparer un peu des élèves qui ont été blessés dans leur vie

- les élèves ne peuvent pas être tous inclus

- c'est quoi l'école ordinaire ?

- l'étiquette SEGPA - inclusion inversée

6.2. Analyse longitudinale des données par enseignant

Nous avons choisi, à partir de l'analyse longitudinale de chaque enseignant de réaliser une carte mentale pour chacun d'eux afin de repérer les grands thèmes :

Ø Le PE spécialisé

Ø

Figure 8: Carte mentale de E1

La construction identitaire

Ø Les forces de la SEGPA

Ø La SEGPA, une réponse à l'inclusion

Nous commencerons par les cartes mentales des PE spécialisés : E1, E3, E4, E6, E7, E8, E9 et E10 puis les cartes mentales des PLC : E2, E5, E11.

6.2.1 : Les FE spécialisés

E1 est une professeur expérimentée qui a connu à la fois le premier degré et le second degré. Elle considère appartenir au premier degré et s'est retrouvée en SEGPA suite à une recommandation de son inspecteur qui lui a dit « Est- ce que vous avez pensé à la suite ? ». Son objectif était de « ne pas s'enterrer dans un poste » et ne plus passer son temps « à réconforter des vieilles instits en fin de carrière aigries qui font mal leur boulot alors qu'elles ont été excellentes ». Elle a vécu l'expérience de la 6ème inclusive dans son collège et en tire une conclusion globalement positive pour les élèves au niveau de la stigmatisation, « l' inclusion a favorisé les gamins qui ont fait une sixième inclusive, ils connaissent tous les sixièmes donc ils connaissent toute leur cohorte en fait ». En revanche, elle est convaincue du bien fondé de la SEGPA « qui est une chance que tous les élèves devraient avoir ». Elle met en avant la polyvalence, les petits effectifs, la prise en compte de la difficulté scolaire. Elle se sent utile.

E3 est une jeune collègue qui n'a jamais exercé en primaire, elle considère « avoir les compétences de quelqu'un du premier degré » et être « polyvalente ». Elle met en place des « projets » et « n'est pas du tout une PLC ». Elle se sent « à la marge ». E3 perçoit les PLC comme des experts de leur discipline qui « crachent leurs savoirs » et « balancent les cours sans se préoccuper des élèves ». Elle ressent une aversion contre les PLC, liée à son expérience personnelle. Les qualités du PE spé sont sociales et humaines avant tout avec « la bienveillance ». Travailler en SEGPA est « motivant », elle veut faire « progresser » les élèves et se « démener pour eux ». Elle se sent utile. Elle ne « pense pas que tous les élèves puissent être inclus » car la SEGPA est un « cocon » et que le bien-être de l'élève est prioritaire. Elle « répare des élèves qui ont été blessés ».

Figure 9: Carte mentale E3

E4 est un professeur expérimenté, fatigué et usé par les injonctions mais toujours aussi motivé par son travail auprès des élèves. C'est sa « motivation ». Sa SEGPA est « ouverte » avec des mises en barrettes et une sixième inclusive sauf en maths et en français où « les élèves sont sortis ». Il se définit comme un « vieux machin », (le mot vieux est un terme récurent dans ses propos) qui se « bat contre lui-même », qui a « peur de perdre l'identité de la SEGPA », qu'on lui « vole » son savoir-faire pour le donner aux PLC. E4 est en « souffrance ». Il se demande avec l'inclusion ce

qu'il va devenir, « j'ai vraiment très peur, qu'est-ce qu'on va devenir, qu'est ce que vont devenir nos élèves ? ». Il « se remet en question » en permanence, ce qui crée chez lui « un mal-être » profond. Son travail est centré sur l'élève dans sa globalité : « l'élève arrive avec sa valise de problèmes, il est encombré, il faut faire le tri avant de pouvoir entrer dans les apprentissages ». L'élève « doit avoir confiance ».

Ses réactions envers les PLC sont très claires : « ce sont de très bons élèves, excellents dans leur domaine mais qui ne savent pas faire passer leur savoir car ils le maîtrisent trop ». En SEGPA l'enseignant a « un autre regard » sur l'élève, il dispose d'une « liberté de fonctionnement » et ne subit pas la « pression des programmes » d'où une certaine liberté : « faire du français ou parler de la pluie, du beau temps, il peut le faire. Ou si il veut les emmener dehors, il peut le faire ». L'inclusion lui fait peur, il trouve que l'expérience de la sixième inclusive « est une perte de temps » puisqu'ils reviennent ensuite en 5ème SEGPA. Il se demande si derrière cette « belle idée » contre laquelle « personne ne peut être en désaccord » ne se cachent pas « des histoires d'argent et d'économie ». Pour ne pas perdre son identité, « il tire les ficelles » pour ne perdre la main, « je me bats contre moi-même pour essayer encore trouver de me convaincre, de dire Allez, si je m'investis, j'aurai encore le pouvoir ».

Figure 10: Carte mentale E4

E6 est une professeur expérimentée, timide, qui à la base ne voulait pas répondre à mes questions. Son directeur l'a motivée et l'entretien s'est très bien passé. Elle n'a fait qu'une seule année en primaire et n'a jamais quitté la SEGPA car elle « s'y sent utile ». Ses élèves sont « ses doudous » et

sa famille c'est « l' équipe SEGPA ». La SEGPA est dans le bâtiment principal mais ils ont une salle des professeurs SEGPA. Elle n'arrive pas à s'affirmer et prendre confiance en elle, elle est « encore mal à l'aise par rapport aux élèves » et « se sent parfois démunie ». Ce qu'elle veut par-dessus tout c'est que ses élèves « soient heureux dans sa classe » et qu'elle-même y soit heureuse. Elle se définit comme « un coeur de cible ». L'élève de SEGPA est « atypique », « attachant, à qui il faut donner une chance pour le faire progresser ». Elle rajoute « qu'il faut changer le regard qu'ils portent sur eux ». C'est pourquoi, le PE spé se définit comme « à l'écoute, je sens les choses, j'ai une intuition, une empathie, j' aime les élèves » et pour ce faire « je suis souple et patient ». Son identité semble héritée. Elle a toujours été une bonne élève avec un « parcours très lisse » pour « faire plaisir à maman ». La SEGPA selon elle « permet aux élèves en difficultés de mettre en valeur des compétences qu'ils ont déjà en eux, de leur redonner confiance, ce qui, dans la vie, est complètement indispensable sinon tu ne peux pas être heureux ». Sa perception du PLC est qu'il est "expert dans sa discipline" , c'est " sa matière qui prime", et que "leur degré d'exigence finalement est une forme de maltraitance". L'inclusion, elle n'est pas contre, mais elle doit "être réfléchie et anticipée".

Figure 11: Carte mentale E6

E7 est une jeune professeur qui passe le CAPPEI et qui se qualifie de « bébé de l'éducation nationale ». Elle n'a jamais enseigné dans le primaire et a un sentiment d'appartenance à la SEGPA. Elle « ne connaît pas les enseignants du premier degré ».

Elle était terrifiée lorsqu'elle a su qu'elle allait enseigner à des adolescents, « mais qu'est-ce-que c'est un adolescent ? Comment je travaille avec eux ? J'adapte comment ? ». « L'envie de sourire et de pleurer » dit-elle.

Lorsqu'elle parle de son identité, elle utilise le mot « challenge » et lorsqu'elle parle de ses élèves, elle utilise le mot « défi ». Elle est ouverte d'esprit et se questionne sur la pédagogie à mettre en place pour « motiver ses élèves ». Elle pense que « si je n'avais pas eu le parcours que j'ai eu , je ne pourrais pas travailler avec des enfants qui sont en difficultés scolaires ». Le PE spé est « bienveillant » et elle rajoute que « la bienveillance, elle devrait être partout ». Elle est « dans la compréhension », Elle a de « la patience », et une « capacité à s'adapter en proposant différents supports ». Il est nécessaire d'avoir beaucoup de « motivation ». Oui à la co-intervention qu'elle trouve « hyper enrichissante » qui est basée sur des projets. Elle aime travailler avec les PLC car ils sont « experts dans leur discipline » et de son côté, elle leur apporte « la méthodologie et la pédagogie ». Elle apprécie avant tout « le partage » plutôt que « la discipline ».

Figure 12: Carte mentale E7

E8 est un enseignant expérimenté qui n'a connu que l'enseignement spécialisé « avec un public spécifique depuis vingt-deux ans ».

L'inclusion c'est « que l'on vive tous ensemble » et surtout « que l'on tienne compte des spécificités de chacun pour pouvoir y répondre au mieux et pouvoir donner une chance à tous ». « C'est une belle idée, mais derrière cette belle idée, y a des remaniements et des suppressions de postes et des élèves se retrouvent placés avec d'autres sans bénéficier d'adaptations ». L'inclusion passe selon lui par « la différenciation des parcours » et non « l'uniformisation ». La SEGPA est une force dans les « liens » qu'elle met en oeuvre et il souhaiterait qu'elle « soit plus ouverte aux autres élèves ». Travailler en SEGPA est pour lui une « fierté ».

Son identité s'est construite sur le modèle du second degré, néanmoins il se sent très différent de ses collègues PLC qu'il appelle « les profs de l'autre côté ». Il n'envisage pas de « retourner en primaire car le public et les méthodes de travail sont différents ». Si la SEGPA venait à évoluer dans un tout inclusif, il « changerait de métier et deviendrait cuistot ! ». Toutefois, ce serait pour lui « une trahison ». Cette inclusion deviendrait pour lui synonyme « d'inégalitaire ».

Il établit un lien fort entre sa construction biographique et professionnelle. L'expérience qu'il a vécu en 6ème l'a marqué profondément. Il a « fait partie d'une classe expérimentale avec une inclusion inversée mêlant des élèves de CPPN22 et des élèves ordinaires ». Cette expérience a été « une expérience marquante » car, issu d'un milieu social classique (parents enseignants), il a découvert d'autres types d'élèves qui « savaient faire plein de choses avec leurs mains » et il a pris conscience qu'il n'y avait pas « qu'une seule forme d'intelligence ».

Les qualités du PE spécialisé sont l'amour des enfants et le fait de savoir qu'il y a plusieurs formes d'intelligence. Son discours est paradoxal sur la crise identitaire car, d'un côté, il est toujours aussi motivé par le travail qu'il met en oeuvre avec ses élèves et souhaite qu'ils « réussissent et progressent » et de l'autre, il a le sentiment d'un « mépris et d'une non reconnaissance de l'institution ».

22CPPN : Classe Pré Professionnelle de Niveau

Figure 13: Carte mentale E8

E9 est enseignante depuis quatorze ans. Elle est très impliquée dans le processus inclusif et met en place de la co-intervention avec les collègues PLC. Elle se qualifie de « caméléon professionnel », elle change de posture régulièrement pour contribuer à faire évoluer les comportements et attitudes de ses collègues.

L'inclusion, selon elle, doit être « ponctuelle ». « Ce n'est pas tout beau , tout propre, cela demande beaucoup d'investissements, de temps et on n'a pas de retour sur les expériences. Tout dépend du besoin des élèves ». Le collègue PLC « apporte le savoir » et elle apporte « la pédagogie, le savoir-faire ». Certains PLC freinent des quatre fers pour la co-intervnetion car ils ont peur du « jugement ». Le PLC est « là pour faire cours, pour suivre le programme et malheureusement , il n'a pas le temps de s'occuper des élèves à BEP. Individualiser, il ne sait pas faire ». En SEGPA, « on n'a pas cette pression des programmes ». La perception de l'élève et le travail sont différents : « on est en petits effectifs, on a le temps de s'adresser à chacun des élèves durant la journée, on a le temps de réparer ce qui a été blessé ». La SEGPA c'est un « cocon ».

Elle ne subit pas de crise identitaire car elle se « qualifie de personne ressource » et apprécie « ses nouvelles missions ». Néanmoins, elle s'interroge sur « le devenir de la SEGPA ». « On a tendance à se dire (si on continue les pré orientés 6ème) si on fait la même chose en cinquième, en quatrième, en même temps, est-ce que la SEGPA va disparaître ? ». Selon elle, les PE spé vivent une « vraie crise identitaire » due aux changements qui incombent aux nouveaux professeurs à travers leurs nouvelles missions. Son sentiment d'appartenance tend vers le premier degré car « elle

n'a pas le même travail que les professeurs du collège, pas la même formation et des visions totalement différentes ». Néanmoins, elle rajoute que, face au premier degré, elle « se sent à la marge ». Les qualités du PE spé sont dans l'observation, l'écoute et la bienveillance car l'élève de SEGPA est un élève « abîmé par pleins d'échecs et qu'il a une mauvaise estime de soi ».

Figure 14: Carte mentale E9

E10 est enseignante depuis quatorze ans. Elle n'a jamais travaillé dans le primaire. Dans son collège a été menée l'expérience de la classe miroir. En début d'année, des évaluations sont réalisées sur deux classes, SEGPA et ordinaire. En fonction des résultats, les enseignants répartissent les élèves en fonction des besoins. c'est une inclusion inversée. Elle propose des idées intéressantes comme élaborer des progressions communes afin d'aider au mieux les élèves. Les leviers ont été nombreux : « Une bonne communication entre les enseignants. Des échanges fructueux, des petits projets qui ont été mis en place ». Néanmoins, elle pense que l'inclusion à tout prix ce n'est « ni judicieux, ni possible » car l'élève, quand il arrive en SEGPA, pour « la première fois, il est ravi de venir à l'école, il progresse, il ne vient pas avec la boule au ventre », et ce dont elle a peur c'est qu'en cas d'inclusion totale, les élèves repartent dans leurs difficultés et leurs appréhensions de l'école, selon elle, c'est « les envoyer au casse pipe ». Elle qualifie la SEGPA de « cocon » que les élèves de SEGPA ont « du mal à quitter ». Le PE spé. développe des qualités d'écoute, d'adaptation, une certaine façon d'être. Entre sa formation initiale et aujourd'hui, elle considère qu'il n'y pas eu de

Elle est ouverte d'esprit et trouve que l'inclusion dans « la théorie » est une « super idée ». Mais elle a peur que ce soit dans « un objectif de réduction des moyens avec la fermeture des

« transformation mais une création ». Elle n'a pas de sentiment d'appartenance au premier degré même si elle en a les compétences et la polyvalence. Elle ne se sent pas appartenir non plus au second degré. La SEGPA lui permet une « liberté pédagogique, la non pression des programmes ». Elle aime la relation avec ses élèves, c'est une source de « motivation ». Par ailleurs, elle aime « le travail d'équipe et se sent bien dans l'équipe SEGPA ».

Figure 15: Carte mentale E10

6.2.2 : Les PLC

E2

est enseignante depuis 8 ans. Elle est dans le même collège depuis sa titularisation.

 
 

Elle enseigne la physique-chimie et a toutes les classes du collège une heure par semaine dont les SEGPA. Elle en très contente car « tous les élèves doivent pouvoir accès aux sciences ». Ce qui apparaît majoritairement dans son profil est que, malgré son jeune âge dans la profession, elle est en « souffrance ». « C'est de plus en plus difficile, tout le monde a plein de choses à faire ». Elle est arrivée avec beaucoup de connaissances qui ne lui servent pas. Elle a du axer ses contenus sur l'aspect « pédagogique ».

établissements spécialisés pour pouvoir mettre tous les élèves dans l'ordinaire ». Elle pense qu'il faut garder la structure SEGPA car sinon, les élèves « couleront ». C'est « une chance de réussite pour des élèves qui n'auraient pas pu suivre en ordinaire ». Les élèves de SEGPA sont des élèves qui « ne seront peut-être pas cadres et alors... on n'est pas heureux quand on n'est pas cadre ?".

Elle aime son travail, se sent « hypervalorisée de pouvoir apprendre des choses », en revanche elle ne supporte plus le regard de la société, « ah , t'es encore en vacances ? ». Elle rêve de faire correctement son travail mais elle est « freinée par tout : le nombre d'heures, le nombre d'élèves, le budget à la nage, la récupération du matériel... ». Elle déplore le fait de « ne pas être formée ». Elle se « remet en question de façon permanente, a l'impression de ne pas faire correctement son travail » et n'arrive pas à conjuguer les demandes institutionnelles et la différenciation qu'elle doit mettre en place pour motiver les élèves.

Figure 16: Carte mentale E2

E5

est enseignante depuis huit ans. Elle a toujours travaillé dans le même collège. Elle est

 
 

professeur principal d'une classe de sixième incluant des élèves pré-orientés SEGPA. A la base, c'était imposé, puis elle a accepté librement. Elle est professeur de mathématiques.

Elle apprécie la co-intervention avec les deux PE spé de qui elle apprend beaucoup. Pour elle, « c'est un plus de communiquer avec eux ». Elle remarque que les PE spé travaillent d'abord « sur le positionnement de l'élève », « ils n'entrent pas dans la discipline tant que les élèves ne sont

pas dans la posture d'élève ». Elle regrette d'avoir « la pression des programmes, de toujours devoir avancer et de ne pas avoir le temps de se concentrer sur le bien-être de l'élève ». Le fait d'avoir « des visions totalement différentes permet de se questionner et savoir comment on pourrait faire autrement ».

L'inclusion, elle y est favorable mais pas pour tous les élèves. « Pour certains élèves, c'est bénéfique, ça leur permet de travailler à leur rythme et de voir qu'ils sont capables de suivre dans certaines disciplines ». Pour d'autres, elle parle de « souffrance ». Elle pense que « l'inclusion doit être réfléchie et qu'elle ne convient pas à tous les élèves ». Si tous les élèves devaient être inclus, elle parle de « catastrophe », car elle « ne saurait pas les gérer au regard du nombre dans la classe et elle n'aurait pas la patience ».

Concernant son métier, le mot « compliqué » est utilisé de nombreuses fois dans son verbatim. Elle dit que « tant qu'on n'est pas sur le terrain, on ne sait pas ce que c'est que le métier de professeur ». Elle se « questionne de façon permanente », elle est « épuisée » car elle a l'impression de mal faire son travail et de laisser des élèves sur la touche. Sa souffrance réside dans le fait qu'elle ne « peut faire progresser ses élèves comme elle le voudrait, qu'elle a du mal à gérer l'hétérogénéité et qu'elle n'a pas les moyens nécessaires pour y arriver ». Le PE est essentiel dans l'approche qu'il peut avoir avec les élèves en difficulté. Il est « dans l'écoute, il veut faire progresser ses élèves et il les connaît en profondeur ».

Figure 17: Carte mentale ES

E11

est enseignante depuis 14 ans. Après une année sur un poste protégé, elle s'est « trouvée

 
 

balancée » dans un collège REP+, « jetée dans l'arène ». Elle est professeur d'anglais et choisit d'avoir chaque année une classe de SEGPA.

Elle ne voit pas comment mettre en place de la co-intervention car elle « a bien à faire dans son cours et qu'elle ne trouve pas le temps », toutefois, elle pense que ce « serait un plus considérable ». Les élèves de SEGPA sont des élèves qui « sont capables d'assimiler les choses mais peut-être sur un temps plus long et avec une quantité limitée ». L'inclusion, elle n'est pas contre, bien au contraire, car elle constate des difficultés similaires entre sa classe « profil » et les élèves de SEGPA. Cela lui « paraît pertinent ». Mais elle se « sent perdue ». Elle se demande « justement dans quelle mesure les élèves en difficultés de l'ordinaire ne devraient pas être en SEGPA avec toutes les adaptations qu'il peut y avoir ». Elle s'interroge sur l'orientation dans l'ordinaire des élèves en difficultés en constatant « qu'ils vont rester dans l'ordinaire toute leur scolarité, toute leur vie, alors qu'ils auraient eu besoin d'un enseignement adapté, un rythme adapté, une classe plus petite pour pouvoir exister ».

L'enseignement n'est pas une vocation mais elle aime enseigner. Elle est très exigeante envers elle-même et envers ses élèves. Néanmoins, elle traverse une crise identitaire. Les « injonctions de différenciation et le peu de moyens qu'on nous donne pour faire cette différenciation, c'est révoltant ». Elle est au « bord de la souffrance professionnellement ». Un

mépris de l'institution, « on nous lâche, on nous berce d'illusions tout le temps et puis on nous promet des choses qu'on n'a jamais ». Elle n'arrive pas « à faire confiance à son ministre de tutelle pour faire en sorte d'avoir les bonnes conditions pour aider les gamins et les faire progresser ».

Figure 18: Carte mentale E11

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe