5. Analyse des données des questionnaires
Dans un premier temps, nous étudierons et analyserons
les réponses aux questionnaires détaillés
précédemment.
5.1. La SEGPA, un modèle à
promouvoir
et directeurs de SEGPA.
5.1.1 : L'utilité
de la SEGPA
27 directeurs de SEGPA ont répondu à notre
questionnaire. Les directeurs de SEGPA, qui sont à la fois
chargés de coordonner les actions de l'ensemble de l'équipe
pédagogique et d'assurer le suivi des élèves, pensent
très majoritairement (à plus de 95%) que la SEGPA a sa raison
d'être.
Sur ce graphique, nous notons l'importance des dispositifs mis
en place dans de nombreuses
Figure 6: La structure SEGPA a t-elle sa raison d'être
?
Ils mettent en avant comme leviers principaux que la SEGPA
permet de redonner confiance aux élèves, qu'une adaptation de la
pédagogie est mise en place et que les réunions de coordinations
et de synthèse facilitent le travail d'équipe. Toutefois, ils
regrettent l'étiquetage et constatent que les élèves
restent trop entre eux.
5.1.2 : Répondre à
l'inclusion
5.1. 2.1 : les leviers
D'après la définition de Thomazet, «
L'inclusion, à la différence de l'intégration, suppose non
seulement l'intégration physique mais aussi pédagogique afin de
permettre à tous les élèves d'apprendre dans une classe
correspondant à leur âge ceci quel que soit leur niveau scolaire.
» (Thomazet, 2006, p.20), la SEGPA répond à cette
définition. Les dispositifs mis en place, l'ouverture d'esprit des PE
spécialisés répondent aux exigences de l'inclusion.
SEGPA de la Normandie et nous observons que, quelles que
soient les disparités entre les SEGPA, cette dernière tend vers
un fonctionnement toujours plus inclusif tout en préservant le
bien-être de l'élève qui est la préoccupation
majeure des équipes SEGPA. Pour répondre aux principes de
l'école inclusive, les SEGPA s'ouvrent au collège et inversement
avec la mise en place de dispositifs :
Figure 7: Les dispositifs mis en place dans les
collèges répondants à l'inclusion
Comme nous pouvons le constater, des dispositifs innovants
permettent des liens entre les élèves de SEGPA et les
élèves de l'ordinaire. Les élèves de SEGPA
fréquentant leurs pairs sont à moyenne échéance de
moins en moins stigmatisés. De plus, avec la réformes des cycles,
les élèves pré-orientés SEGPA ne redoublent plus,
en conséquence, ils sont tous dans la même tranche d'âge. De
part leurs spécificités pédagogiques et leurs
manières d'appréhender l'élève en
difficultés, les PE spécialisés répondent aux
exigences de l'inclusion en apportant leur savoir faire. Les directeurs de
SEGPA sont enclins à partager cette noble idée d'inclusion,
toutefois ils restent prudents. Ils expliquent qu'il « faut tendre
à être le plus possible inclusif, mais pas au
détriment du bien être des élèves et aussi,
il faut s'appuyer sur le savoir faire des enseignants du 1er
dégré, et garder la formation pré-professionnelle. Mise en
oeuvre des classes de 6è inclusives dans lesquelles les PE interviennent
en co-enseignements avec les PLC quelques heures par semaine et à
d'autres moment prennent en charge les élèves de 6è
pré-orientés uniquement ».
De plus, pour inclure un élève, cela doit
être réfléchi et préparé en amont : «
inclure un élève, ce n'est pas seulement le placer dans une
autre classe à certaines heures, il faut un véritable
accompagnement, un travail en collaboration étroite entre l'enseignant
de la classe de référence et celui de la classe d'accueil ; parce
que les élèves de SEGPA sont trop nombreux ; parce qu'il me
semble beaucoup plus intéressant de favoriser la coopération
entre les classes d'un même niveau, la construction de projets communs et
le co-enseignement ». La SEGPA fonctionne en groupe classe, ce qui
est une des bases de la réussite de nos élèves. Nous
l'avons vu , les élèves de SEGPA sont à «
réparer », c'est pourquoi tout doit être
réfléchi : Le groupe classe en SEGPA est la base de
l'enseignement adapté surtout en 6ème
où les élèves sont souvent en souffrance dans le
système scolaire et ont besoin ensemble de se reconstruire et de prendre
conscience de leur capacité à réussir. L'inclusion, pour
être bénéfique, doit répondre à une projet
comme le DNB-pro, la confrontation au milieu ordinaire, l'approfondissement de
connaissances ou compétences dans une discipline...
5.1 .2.2 : Les freins
Dans le cadre des sixièmes pré-orientés
SEGPA qui ont fait l'expérience d'une sixième inclusive, les
directeurs de SEGPA constatent de nombreux freins, à la fois chez les
PLC et les PE spécialisés :
Ø Une image dévalorisée des
élèves, un manque de moyens humains et financiers
Ø La peur de disparaître chez les PE spé.
Ø Trop d'heures d'enseignement par jour pour les
élèves (fatigabilité, concentration limitée)
Ø Des classes ordinaires surchargées
Ø La difficulté pour se repérer dans les
emplois du temps
Ø Le manque d'investissement des PLC
Ø Les PLC préfèrent travailler avec
l'élite
Ø Le manque de formation des enseignants
Ø L'impossibilité de mettre en place une
sixième inclusive si trop de pré-orientés
Ø Le manque de soutien réel des institutions et
des textes encadrants
Ø Le manque d'investissement des équipes
Ø Le manque de travail collectif
Ces freins nous les retrouvons dans les analyses de Saillot
et Laville (2019) sur un collège ayant mené des
expériences de sixième inclusive. Dans le tableau ci-dessous,
nous avons répertorié les réponses des enseignants sur le
souhait ou non de voir les élèves de SEGPA totalement inclus dans
le collège.
31 personnes ont répondu au questionnaire
Tableau 6: Présentation du panel
interrogé
Vous êtes
|
Nombre
|
PLC
|
19
|
PLP
|
6
|
PE spé
|
6
|
|
A la question : Souhaiteriez-vous que les
élèves de SEGPA soient totalement inclus dans les classes
ordinaires et pratiquez-vous de la co-intervention ?, nous notons les
réponses suivantes :
Tableau 7: Pratique de la co-intervention dans les
collèges
Vous êtes
|
Nombre
|
Inclusion totale des élèves de SEGPA
|
Co-
intervention
|
|
|
OUI
|
NON
|
OUI
|
NON
|
PLC
|
19
|
|
18
|
9
|
9
|
PLP
|
6
|
|
6
|
1
|
5
|
PE spé
|
6
|
|
6
|
3
|
2
|
|
Aucun des enseignants interrogé ne souhaite
l'inclusion totale des élèves de SEGPA. Or, si l'ensemble de la
communauté éducative n'est pas prête à ce
changement, si les institutions ne donnent pas les moyens humains et financiers
pour mener à bien ce projet, l'inclusion totale ne peut aboutir et nous
pourrions nous interroger sur le bien fondé de cette inclusion totale
souhaitée par nos politiques et de nombreux chercheurs (Puig par
exemple).
Au regard de ce qui vient d'être analysé,
nous pouvons affirmer que notre hypothèse n°3 est
validée. Les directeurs adjoints de la SEGPA sont enclins
à faire évoluer la SEGPA vers des dispositifs toujours plus
inclusifs mais à certaines conditions:
Ø Préserver le bien être de
l'élève
Ø L'inclusion doit être réfléchie,
préparée et anticipée et au cas par cas.
La SEGPA a une organisation bien à elle et un
fonctionnement qui a fait ses preuves. La SEGPA, de par son fonctionnement,
offre des conditions de travail propices au développement de
5.1.3 : Une pédagogie à
part
l'enfant. Un directeur explique que « les
élèves ont besoin d'être rassurés, de reprendre
confiance en eux et donc de travailler en petits effectifs », «
ils ont besoin d'un enseignement adapté dont ils ne peuvent pas
bénéficier la plupart du temps dans une classe
générale », l'enseignement apporté aux
élèves relève d'une « plus grande souplesse
». Il est nécessaire de « favoriser la
coopération entre les classes d'un même niveau, la construction de
projets communs et le co-enseignement ».
La SEGPA semble s'apparenter à une famille, «
la SEGPA peut apparaître parfois comme "un cocon un
peu trop protecteur" mais, après tout, à quoi bon vouloir
supprimer une structure adaptée et, en effet, sécurisante pour
ces élèves en difficultés ? » . « Les
élèves ont besoin de stabilité et repères
» grâce notamment au PE spécialisé qui
généralement les suit pendant quatre années et s'investit
dans une relation de confiance. Dans l'hypothèse d'une inclusion totale
des élèves de SEGPA, ces derniers perdraient ce qui fait la force
de la SEGPA car « le groupe classe en SEGPA est la base de
l'enseignement adapté surtout en 6ème où les
élèves, souvent en souffrance dans le système scolaire,
ont besoin ensemble de se reconstruire et de prendre conscience de leur
capacité à réussir ». Les élèves
de SEGPA bénéficient de conditions de travail qui leur sont
bénéfiques dans leur construction identitaire : Ils
bénéficient « d'effectifs moindres, d'une prise en
compte individuelle, du temps pour chaque élève, la construction
d'un véritable projet d'orientation professionnelle, un travail
important sur l'estime de soi, de la bienveillance, une écoute attentive
et une compréhension de chaque besoin ». Ce fonctionnement
intrinsèque à la SEGPA semble porter ses fruits dans la
construction de l'identité de l'élève mais aussi chez le
PE spécialisé qui ne semble pas vivre une véritable crise
identitaire. Or, nous nous rendons compte que les PLC ne vivent pas si bien
toutes les transformations sociétales et les répercussions
qu'elles peuvent avoir dans leur classe. Le PLC, expert de sa discipline, ayant
une formation initiale calée sur le profil « magister » semble
aujourd'hui en proie aux difficultés et aux doutes. Son travail
s'intensifie, se diversifie et se complexifie. (Maroy, 2006, p.126). Il
découvre un nouveau « public scolaire » et les «
difficultés de réaliser les missions de l'école dans une
société en mutation » expliquent en partie son
mal-être.
A la différence des PE spécialisés qui
ont de petits effectifs et qui sont habitués à gérer
l'hétérogénéité , « la gestion de
classe devient de plus en plus difficile et elle implique des
compétences très diverses » (Maroy, 2006, p.123). Le travail
des PLC « devient tout autant émotionnel qu'intellectuel car il
faut mobiliser, outre les savoirs académiques, des connaissances, des
savoir-faire divers pour assumer les interactions qui rendent possible
l'apprentissage » (Rayou et Van Zanten, 2004, p.31). Hargreaves, en 1994,
décrit l'intensification du travail des enseignants par les corollaires
suivants :
Ø Manque de temps pour le développement des
compétences
Ø Surcharge chronique
Ø Remplacement du temps devant élèves par
des tâches administratives
Ø Diversification de leurs expertises
L'enseignant du secondaire est , semble t-il, obligé
de développer des compétences auxquelles il n'est pas
préparé. Or, l'enseignant de SEGPA, lui, développe ces
compétences en permanence car le fonctionnement de la SEGPA le lui
permet : des effectifs allégés, du temps accordé aux
élèves, une pression moindre des programmes, des réunions
d'équipe, un directeur adjoint de la SEGPA qui permet aux PE
spécialisés de mieux appréhender les difficultés du
quotidien, une pédagogie individualisée et personnalisée.
Désormais le PLC qui travaille notamment en banlieue avec des conditions
de travail de plus en plus difficiles doit, quant à lui , s'adapter dans
« le domaine du maintien de l'ordre par des stratégies plutôt
masculines de domination directe ou par des stratégies de contrôle
des classes par des techniques plus douces ». Les PLC doivent « faire
le deuil des modèles et projets pédagogiques forgés en
formation initiale » (Maroy, 2006, p.126).
Au regard de ce qui vient d'être analysé, nous
pouvons affirmer que notre hypothèse 1 est
validée, à savoir que la SEGPA porte en elle un
fonctionnement à promouvoir et qui peut servir de modèle afin de
palier à la fois à
l'hétérogénéité et aux difficultés
grandissantes au sein des classes. Les PE spécialisés et le
fonctionnement de la SEGPA portent en eux les clés de la réussite
dans une société en profonde mutation.
5.2 : Une identité professionnelle
ancrée dans une histoire
5.2.1 : Des qualités
communes
Nous utiliserons pour analyser le rôle des PE
spécialisés en SEGPA, les réponses aux questionnaires des
directeurs et des enseignants (PLC et PE).
Les PE spécialisés en SEGPA ont des
qualités professionnelles communes et, comme avec leurs
élèves, ils savent s'adapter aux nouvelles exigences ou
transformations. Ils « co-interviennent » et « adaptent les
documents si nécessaire », ils ont « des connaissances sur la
façon d'aborder et de remédier aux difficultés
rencontrées par les élèves de SEGPA » mais aussi les
autres élèves en cas de co-intervention. Ils « sont garants
du projet individuel de l'élève ». Ils travaillent dans
« la bienveillance ».
A l'aide d'un tableau, nous avons recensé les
réponses des enseignants : Tableau 8: Le savoir-faire et savoir
être du PE spé
PLC
|
|
A reçu une formation, des compétences que nous
n'avons pas.
|
|
|
Apport de pratiques et de connaissances
|
|
|
Approches différentes
|
|
|
Compréhension plus large de l'enfance et de
l'adolescence
|
|
|
Ressource essentielle pour le collège
|
|
|
Porte un autre regard sur
l'élève
|
|
|
Nous apporte des clés.
|
|
|
Meilleure prise en charge de la difficulté scolaire
|
PE spécialisés
|
|
Préparé à la gestion d'élèves
en difficultés
|
|
|
Porte un regard bienveillant
|
|
|
Un certain savoir-faire.
|
|
5.2.2 : Une crise identitaire chez les PE
spécialisés en SEGPA ?
Pour répondre à cette question, nous avons
utilisé en partie le questionnaire sur l'identité professionnelle
et nous avons, à l'aide d'un tableau, regroupé les
réponses afin de répondre aux questions. (Annexe X)
Dans le tableau ci-dessous, nous avons récapitulé
les participants et le corps auquel ils appartiennent :
Tableau 9: Les catégories des participants
Catégorie
|
Hommes
|
Femmes
|
professeur du second
degré
|
30
|
50
|
Professeur spécialisé du premier degré
|
6
|
12
|
|
Afin de mieux cerner le sujet et d'en délimiter les
contours, nous avons fait le choix de n'utiliser que les réponses des PE
spécialisés. Nous constatons que la crise identitaire nait de
deux causes :
La première est institutionnelle.
Les PE spécialisés expriment une «
volonté à peine déguisée de détruire
l'école publique en la rendant toujours moins efficace [...] de
manière à favoriser la migration des élèves et des
personnels vers le privé ». Ils reprochent la « non
reconnaissance » par la hiérarchie qui explique selon eux le
manque de vocation dans l'enseignement mais aussi la multiplication des
phénomènes
de résistance (Maroy, 2006, p.132). Les mots «
mépris, ne pas se sentir reconnu » sont récurrents dans les
réponses apportées. Par ailleurs, les enseignants font remarquer
qu'il existe un « fort décalage entre les attentes
institutionnelles, la réalité de terrain et les besoins de notre
société ». Dans les réponses ouvertes les PE
spé. critiquent les lois sur l'inclusion et les conséquences sur
leur identité professionnelle mais aussi sur le bien-être des
élèves. Un des répondants écrit que « les
lois sur l'inclusion ne sont qu'un outil déguisé pour faire des
économies sur le dos des plus faibles. Cette loi (Il parle de la loi de
2005), sous couvert d'une éthique qui se veut humaniste et
incontestable, permet de supprimer des places en établissements
spécialisés (IME, IMPRO, ITEP...) et d'envoyer tout ce petit
monde vers les établissements dits "ordinaires". La situation est
d'autant plus perverse qu'aucun personnel de l'éducation nationale ne
peut refuser un jeune en situation de handicap. Qui peut dire : je ne veux pas
de "machin" par qu'il en fauteuil ou parce qu'il est autiste ? Personne ! On
passerait pour des monstres. La conséquence sur mon identité
professionnelle, c'est que maintenant, je me sens dépassé,
submergé par des situations de plus en plus nombreuses, sources de
souffrance des élèves. Je n'ai pas les moyens de leur permettre
à tous d'évoluer sereinement à mes côtés. Je
dois faire des choix, des sacrifices. Ca me désole, j'en ai honte. Je ne
suis pas en mesure de répondre à la mission qui est la mienne. Le
plus grave dans cette affaire, c'est qu'on bousille des jeunes sur le long
terme ! C'est juste scandaleux d'agir de la sorte, de se cacher derrière
l'humanisme des gens pour faire des économies », d'autres se
questionnent sur l'avenir de la SEGPA....
La seconde est sociétale : «
On nous fait passer pour des privilégiés accrochés
à leurs privilèges vacanciers, on dénigre nos missions et
leur importance et dans l'ignorance générale
véhiculée par l'air ambiant des réseaux sociaux de
l'idiocratie, on assiste à au détachement du soutien des familles
à notre égard. » Les PE spécialisés sont
habitués à gérer
l'hétérogénéité et sont habitués
à prendre « l'élève tel qu'il est » (Rayou et
Van Zanten, 2004). La difficulté dont ils font part n'est pas tant dans
la gestion de classe ou les conditions de travail mais plutôt dans la non
reconnaissance affichée de l'institution et la non prise en compte du
bien-être de l'élève. A l'instar des enseignants du
secondaire qui, comme le soulignent Rayou et van Zanten en 2004 évoluent
dans « la prise en compte de l'élève, demandant plus de
concertation sur la discipline, sont moins honteux et plus enclins à
avouer leurs échecs ou leurs faiblesses en classe », alors que
paradoxalement, ils ont le sentiment de « perte de statut », et de
« dévalorisation de leur profession » (Tardif, 1998), les PE
spécialisés en SEGPA ressentent à travers cette non
reconnaissance, cette dévalorisation de leur métier, cette crise
intérieure, identitaire qui provoquent chez eux un certain mal
être. Dans nombre d'enquêtes d'opinion, le corps enseignant,dans
son ensemble, semble ressentir cette crise (Maroy, 2006, p.134). La crise
identitaire ressentie par de nombreux PE spécialisés est à
mettre en relation également avec le statut même du PE
spécialisé, à
savoir le corps auquel il appartient. Mais nous notons que
cette crise identitaire n'est pas liée au changement que provoque les
lois sur l'inclusion.
5.2.3 : Un empan liminal.
Comme nous l'avons vu précédemment, le PE
spé. a reçu une formation initiale correspondant au corps du
premier degré. Il appartient donc au premier degré mais il est
amené à enseigner dans le second degré avec un
fonctionnement très éloigné du premier degré
(emploi du temps, personnel administratif et de direction, public
adolescent...). Dans ces conditions, nous sommes amenés à nous
interroger sur son identité professionnelle. Comment se situe le PE
spé ? A quel corps appartient-il ? Se sent-il encore dans le premier
degré ou plutôt plus proche du second degré ?
Van Gennep développe le rite de marge qui constitue un
rite liminaire, un « entre-deux », dans lequel l'individu se trouve
dépossédé de son statut antérieur, sans en avoir
acquis encore un nouveau. C'est donc la période de tous les dangers : il
flotte entre deux mondes.
Dix enseignants sur dix-huit interrogés dans le
questionnaire sur l'IP21, répondent qu'ils se sentent
à la marge. Ce sont des « enseignants hybrides » qui
bénéficient de la « richesse et de la polyvalence » du
premier degré, « spécialistes dans plusieurs types
d'approches pédagogiques » avec une « capacité
d'adaptation dans un milieu encore trop magistral » mais dont le statut
est « batard », souvent trop « lourd à porter ». De
plus, et nous le verrons dans l'analyse des entretiens, une grande
majorité des PE spé. n'a jamais enseigné en primaire. Une
fois la formation initiale terminée, ils ont été «
balancés » (E3) dans le spécialisé. Ils s'y sont
adaptés et généralement y sont restés. Les PE
spé. sont conscients de leurs forces émanant de leur formation
initiale comme le montre Zimmermann dans sa thèse sur l'identité
professionnelle des professeurs des écoles, toutefois, un certain nombre
ne se retrouvent pas dans le second degré. Ils sont dans un «
entre-deux » et flottent entre deux mondes.
Compte tenu des réponses ouvertes des
répondants, nous serions tentés d'infirmer notre
hypothèse 2, à savoir que le PE spé en
SEGPA est dans un entre-deux. Ces premières données
exploitées à partir des questionnaires vous nous permettre de
mieux définir notre sujet et répondre à notre
problématique en analysant désormais les entretiens que nous
avons fait passer.
21 IP : identité professionnelle
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