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Inclusion SEGPA et identité professionnelle


par Séverine Foursin
INSPE Mont-Saint-Aignan - Master 2 2022
  

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1.2 : Observation de l'évolution de mon milieu professionnel

Lorsque j'ai obtenu ma certification pour enseigner auprès d'élèves en difficultés scolaires, il y a vingt ans, il était courant d'entendre déjà à cette époque que les SEGPA allaient disparaître. C'est encore le cas aujourd'hui, mais cela devient plus tangible, compte tenu du contexte évolutif de l'école à visée inclusive. Comment peut-on promouvoir une école à visée inclusive en laissant exister des structures dites « ségrégatives » ? Or, lorsqu'on considère les leviers pour que l'école devienne inclusive, la SEGPA porte en elle tous ces leviers : pédagogie adaptée et différenciée, travail en équipe, heures de synthèse et de coordination, réunions avec les principaux partenaires qui encadrent un élève, élaboration de projets, coopération. Mais la SEGPA pose problème dans le sens où elle génère une certaine stigmatisation liée à l'étiquetage et va à l'encontre des principes inclusifs, mais les politiques (rapport Tolmont) sont conscients de son fonctionnement pérenne et contribuent à son maintien.

Les lois de 2005 sur l'égalité des droits et des chances, de 2013 et de 2019, portent en elles des continuités mais surtout des accélérations vers le processus d'une école inclusive. Des expériences sont menées à certains endroits pour inclure les élèves pré-orientés SEGPA dans les classes de l'ordinaire. La structure SEGPA fait désormais l'objet d'observations (bilan des SEGPA de Abraham et Desprez, 2018), de préconisations et de critiques, ainsi Puig et Benoit parlent d'une « structure archaïque » qui n'a pas su évoluer avec son temps.

1.3 : Les enjeux de l'inclusion et les conséquences sur l'identité professionnelle.

Dès lors, nous pouvons nous interroger sur la façon dont se sont mises en place les tentatives d'inclusions. Les enseignants spécialisés et les enseignants de collège étaient-ils partie prenante dans le processus ? Etait-ce sur la base du volontariat ? Comment les enseignants du secondaire ont-ils été accompagnés ? Quelles sont les nouvelles missions des enseignants spécialisés ?

S'intéresser à l'école à visée inclusive va donc de pair avec l'évolution de la construction de l'identité professionnelle des enseignants du secondaire, formés et non formés à l'inclusion.

1.3.1 : Expérience personnelle

Enseigner en SEGPA a été un choix construit et mûrement réfléchi. Forte de mes années d'expériences, mon identité professionnelle s'est construite sur la base d'un groupe classe où je pouvais mener des pédagogies innovantes sans crainte d'un non respect des programmes. Bien que l'enquête PISA de 2018 estime que les résultats des élèves de SEGPA seraient les mêmes si ces derniers avaient suivi une scolarité dans l'ordinaire, je reste persuadée que les graines que nous avons semées, à savoir la confiance en soi, l'intérêt pour l'école, l'engagement dans des projets, la valorisation et l'estime de soi, l'autonomie, la découverte professionnelle, ont pu germer chez un certain nombre d'entre-eux.

Or, mon identité professionnelle semble devoir subir des transformations inhérentes aux volontés portées par les politiques. En effet, si l'inclusion se généralise à toutes les classes de SEGPA, que deviendra alors ma mission en tant que professionnelle ? Quelles seront mes nouvelles fonctions ? Aurai-je toujours une classe ?

1.3.2 : Les enseignants du secondaire

Le même enjeu peut être posé aux enseignants du secondaire qui, pour la plupart, ne sont pas formés pour accueillir ces jeunes « ayant des difficultés graves et persistantes » (circulaire, 2016). Bien souvent ces enseignants travaillent déjà avec les élèves de SEGPA. Ils connaissent le profil de ces élèves et ne rechignent pas forcément à leur faire cours. En général, ils mettent en place des pédagogies adaptées et cherchent avant tout à les intéresser. Mais lorsqu'ils font cours à ces élèves, ils ont devant eux « un groupe classe » bien défini avec des caractéristiques propres et singulières. Or, avec la visée inclusive, ces élèves de SEGPA ne seraient plus un groupe classe mais des individus avec leur singularité, insérés dans une classe ordinaire, avec la difficulté pour l'enseignant de gérer encore une fois une hétérogénéité massive. La construction identitaire des enseignants s'est formée sur l'image qu'ils se faisaient du métier et de la transmission du savoir à apporter aux élèves. Les enseignants « véhiculent un ensemble de valeurs et de croyances partagées par d'autres, compatibles avec leur pratiques professionnelles ou personnelles et repérables à travers les représentations du métier, des autres et d'eux-mêmes » (Cattonar, 2001,p.44). Ils se construisent avec une « identité pour soi » et « une identité pour autrui » (ibid, 2001,p.44). Or, leur construction identitaire est questionnée, malmenée, et chez certains on observe une véritable crise identitaire. Désormais, ces enseignants doivent faire face à de nombreuses évolutions : détérioration des conditions d'exercices et d'emploi, dévalorisation de leur statut social, modification du public scolaire, désinstitutionnalisation de l'école. Toutes ces transformations ont non seulement modifié la teneur de l'exercice professionnel mais ont aussi complexifié et rendu plus incertains la tâche et le rôle des enseignants, elles semblent aussi avoir ébranlé les bases de leur identité traditionnelle. (Cattonar, 2001, p.50). Ils doivent sans cesse répondre à des injonctions paradoxales. Ainsi on leur demande de « contribuer à l'amélioration de la performance de l'école pour lui permettre de tenir son rang dans la comparaison internationale et de participer à une école accueillante de toutes les différences » (Ramel, 2010 ,p.390), on leur demande d'abandonner la posture de l'enseignant « magister » pour devenir le pédagogue ou le « praticien réflexif ».

1.3.3 : Entre le dire et le faire

La plupart des enseignants partagent le même désir d'une école pour tous. Mais les discours portés par les institutions ne disent rien des pratiques réelles, or les contradictions sont notables entre les « belles paroles, les bons sentiments » (Cifali, 2020) et la réalité de terrain. Ce n'est pas en prononçant le mot « école inclusive » que tout se mettra en place. Il ne suffit pas « de dire pour

transformer ». Nous avons besoin d'illusions et elles peuvent être créatrices mais elles ne sont pas la réalité, elles nous guident, nous portent. Elles portent notre quête. Nous vivons constamment des tensions entre nos rêves et la réalité.

Vivre avec un handicap n'est pas être une victime. L'école devrait rester une institution, dans le sens noble du terme, qui ne soit pas aux mains des uns ou des autres, mais qui crée les conditions pour que chacun trouve sa place , « l'institution doit être garante de la violence lorsque les humains travaillent ensemble et doit veiller à ce qu'elle-même ne soit pas porteuse de destruction. » (Cifali, 2021)

Accepter l'autre, accepter les différences, est un cheminement long qui n'en est encore qu'à ses balbutiements. Une école à visée inclusive nécessite des remaniements importants, tant sociétaux que professionnels et politiques. Les enseignants sont-ils prêts à ce changement ? Le projet d'une école à visée inclusive dans la France d'aujourd'hui est-il réalisable ? Et si oui quels en sont les enjeux ?

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein