1.1 Genèse du questionnement
A mes débuts professionnels, j'ai enseigné
pendant deux ans dans des classes dites « ordinaires » puis je me
suis très vite orientée vers des élèves ayant des
difficultés scolaires et comportementales. J'exerce donc depuis vingt
ans comme professeur des écoles spécialisée en
SEGPA1.
Mon rapport au savoir a toujours été très
compliqué et, compte tenu de mon parcours scolaire pavé
d'embûches, je devais donner un sens à mon métier. Quel
était le rêve que je me faisais à propos de l'école
? J'imaginais une école sans ségrégation, sans exclusion,
sans étiquettes, où chaque enfant pourrait, en fonction de sa
propre singularité, évoluer dans une école où il ne
serait pas jugé en fonction de ses capacités ou
incapacités. Je rêvais d'une école qui aurait oublié
de hiérarchiser les élèves, de les sélectionner
selon des critères porteurs d'exclusion. Je rêvais d'une
école où chaque élève serait traité comme un
humain quelles que soient ses potentialités car, selon moi, chaque
différence est un atout pour progresser, évoluer et partager.
Force est de constater que mon rêve resterait à
l'état de rêve. L'école dont je rêvais et dont je
rêve ne peut exister si la société et l'école
elles-mêmes ne sont pas prêtes à l'accepter. Cette
société qui porte en-elle historiquement les germes de
l'exclusion, qui parque les individus dès qu'ils sont
diagnostiqués « à la marge » en est toujours aux
premiers balbutiements. Or, « il n'y a pas de vie majuscule sans vie
minuscule » (Gardou). L'école est un tout, somme de plusieurs
parties et, sans ces parties, le tout n'existe pas. Néanmoins, le tout
inclusif, comme le préconisent certains chercheurs est-il la bonne
réponse contre la ségrégation ? L'école dispose
t-elle des moyens nécessaires pour inclure tous les élèves
? Comment les enseignants envisagent-ils l'école inclusive ? Tous les
élèves ont-ils intérêt à être inclus
dans des classes ordinaires au risque d'être une fois de plus mis
à la marge ?
1 SEGPA : Section d'Enseignement Général
Professionnel et Adapté
Face à cette école qui fabrique en son sein des
inégalités, des discriminations, des exclusions, il fallait que
je donne un sens à ma quête de justice et d'équité.
Ce sens, je l'ai découvert en enseignant auprès
d'élèves que la société et l'institution avaient
décidé d'étiqueter et de parquer à l'écart
des élèves qui correspondant à la norme établie. Je
suis devenue enseignante spécialisée, à la marge des
enseignants ordinaires. J'ai toujours considéré que, quelles que
soient les difficultés inhérentes à l'élève,
qu'elles soient d'ordre psychologique, familiale, cognitive ou comportementale,
l'élève est avant tout une personne qui est capable d'apprendre.
Encore faut-il trouver les moyens à mettre en place pour favoriser les
apprentissages et que l'école ne soit pas à nouveau cette
institution qui, pour beaucoup d'élèves, est synonyme de rejet.
Dans ce cadre précis, l'inclusion des élèves de SEGPA en
milieu ordinaire serait-il pertinent ? Les enseignants du secondaire sont-ils
prêts à accueillir ces élèves, non pas comme une
classe, mais comme des individus greffés au sein d'une classe comportant
déjà une forte hétérogénéité
souvent difficile à gérer ?
|