4.1.1.1.2 Fraude fiscale
Les impôts, pris uniquement du point de vue des
ponctions qu'ils opèrent sur les revenus des ménages et des
entreprises, réduisent les dépenses de ces derniers
(Asher, 2001; Azam, Gauthier et Goyette, 2004). Cela
est la cause principale des pratiques de certains contribuables comme le cas de
la fraude fiscale. La fraude fiscale est la dissimulation par un agent
économique de la valeur réelle des transactions
économiques légales dans le but d'éviter la charge fiscale
(Hindricks et al. (1999); Acconcia, D'Amato et Martina,
2003). Elle consiste donc en divers procédés
frauduleux de dissimulation de revenu ou de bénéfice, de ventes
sans factures, de fausses factures destinées à diminuer
artificiellement les bénéfices des sociétés, des
fausses déclarations d'impôts, des falsifications de documents
comptables, etc. Grace à la fraude fiscale, les contribuables payent
moins d'impôts que ce qu'ils devraient en réalité ou n'en
payent pas du tout. Cet état de fait a pour conséquence
principale d'agir négativement sur les recettes fiscales. La fraude
fiscale n'est pas uniquement le propre des pays en développements, elle
concerne également les pays développés, avec toutefois une
légère variation de son degré. En effet, tous les pays
développés ont admis que la fraude fiscale existe sur leur sol
(Jean Claude Martinez, 1990, p. 22). Par exemples, la
Suède estime la fraude fiscale entre 3,8 % et 5,5 % de son PIB national,
le Royaume-Uni établit que la simple fraude concernant les insuffisances
déclaratives génère au moins 3,5 milliards sterling par an
d'évasion fiscale. Au Canada, la fraude fiscale a été
estimée à hauteur de 10 % de l'imposition sur le revenu, un
chiffre similaire évalué par les USA sur leur propre territoire.
Selon un rapport de l'OCDE (2010) : « L'évasion et la fraude
fiscales mettent en péril les recettes des États du monde entier.
Aux États-Unis, le Sénat estime à 100 milliards USD par an
le manque à gagner imputable à l'évasion et à la
fraude fiscale et dans un grand nombre de pays d'Europe, les recettes perdues
se chiffrent en milliards d'euros. Le phénomène se traduit par
une contraction des ressources disponibles pour financer les infrastructures et
influe sur les conditions de vie de tous, tant dans les économies
développées que dans les économies en
développement. La mondialisation offre des perspectives d'accroissement
de la richesse mondiale, mais multiplie aussi les risques. »
(Promouvoir la transparence et l'échange de renseignements
à des fins fiscales, note succincte de référence de
l'OCDE, 21 Avril 2010). Cela étant, la fraude fiscale est
l'une des raisons qui entrave la mobilisation des recettes fiscales au Niger.
a. Instruments de mesure de la fraude fiscale
Les instruments de mesure de la fraude sont nombreux, mais ne
sont, toutefois, que approximatifs compte tenu du fait que le mécanisme
de la fraude étant caché par principe, il ne peut être
évalué avec exhaustivité. J.C Martinez (1990, p.14) en
cite deux utilisées par les autorités fiscales françaises
et par d'autres pays :
1-L'économie occulte (travail et
revenus dissimulés) selon l'estimation dite méthodique doit
laisser des traces sur les marchés et agrégats
économiques. L'objectif est d'évaluer la distorsion entre les
différents revenus nationaux évalués. Ces traces sont
alors approchées par étude statistique du marché (ex du
travail), en partant d'échantillons dits probants d'acteurs
économiques au sein de la population dont la cohérence entre le
revenu et la dépense est analysée. Sont aussi utilisés les
agrégats de la comptabilité nationale. La statistique des
contrôles fiscaux qu'élabore le Ministère de
l'Économie est rapproché des revenus nationaux.
Cette méthode est plus statistique, moins incantatoire,
mais imparfaite tant il est difficile de connaitre par extrapolation le montant
de la fraude fiscale par l'examen de la différence entre les montants
rappelés par le contrôle, de la connaissance d'un état des
revenus et richesse. Fragilité du calcul qui peut donner selon les
paramètres utilisés par les Pays un résultat en indice
entre 1 à 5. Néanmoins cette méthode a eu le mérite
et l'avantage de mieux baliser en vue du calcul le profil « sociologique
» du fraudeur fiscal.
2- La méthode de
l'échantillon représentatif des contribuables : elle est
très répandue, car elle intègre l'évaluation par
sondage d'une population dite représentative, avec les statistiques du
contrôle fiscal réalisé chaque année.
Concrètement, le sondage s'établit aléatoirement sur 40
000 foyers fiscaux. Cet échantillon est alors réduit par des
règles statistiques et mathématiques à 4 165 contribuables
dont les revenus sont rapprochés sur une année x, avec les
contrôles et rappels d'impôts effectués sur ledit
échantillon. Puis on extrapole sur l'ensemble des redevables les
résultats statistiques obtenus sur l'échantillon. Il peut
être aussi utilisé dans le calcul des résultats
tirés de questionnaires envoyés à une population de
personnes (question sur le travail au noir, les connaissances fiscales, le
droit etc.). Les États-Unis, par ce moyen ont par exemple pu
établir en 1979 que sur 65 millions de ménages assujettis, de 6
à 8 % n'avaient fait aucune déclaration. L'avantage de cette
démarche est de permettre d'évaluer la fraude au sens juridique,
mais aussi le montant des revenus non déclarés « qui
seraient découverts s'il était procédé à la
vérification exhaustive de tous les foyers fiscaux imposés.
» (Jean Claude Martinez, 1990, p.19).
Néanmoins, l'inconvénient de cette
méthodologie est qu'elle demeure tributaire des distorsions des sondages
(ex sur la représentativité), ou des questionnaires
(réponses biaisées, ou sous/ sur estimées de la part des
sondés), ou simplement tributaire de l'efficacité des services de
contrôles, intimement liée aux moyens déployés par
l'administration à cette fin, ainsi que des hommes politiques et de leur
clientèle : patronat, acteurs « défiscalisés »
et climat social (tel mode ou type de fraude peut être ainsi
sous-estimé ou sur évalué au travers du prisme de
l'attitude implicite des acteurs socio-économiques d'un pays).
Toutefois, pour des raisons pratiques et vu la quasi
impossibilité d'obtenir les données à utiliser dans le
cadre des méthodes susvisées, nous ne serons pas en mesure, dans
notre étude, d'analyser objectivement l'impact de la fraude fiscale sur
les recettes fiscales du Niger.
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