La protection juridique de la faune et de la flore en Côte d'Ivoirepar Serge Landry GBÉLÉ Université Méthodiste de Côte d'Ivoire - Master 2 recherche 2018 |
CHAPITRE II :ESSAI POUR UNE PROTECTION JURIDIQUE AMELIOREE DE LA FAUNE ET DE LA FLORE La protection de la faune et de la flore procède d'une problématique complexe, qui met conjointement en cause, sur le plan juridique, le régime foncier, forestier, environnemental, cynégétique et de conservation des aires protégées et de la faune. La question de la protection de la faune et de la flore n'a été jusqu'à présent abordée que de manière fragmentaire et largement empirique. Les amendements et refontes successifs n'ont pas jusqu'à présent procédé d'une approche véritablement ni rationnellement ordonnée. Le droit positif relatif à la protection de la faune et de la flore offre des éventails de dispositions et de solutions relativement disparates, plus ou moins bien adaptées aux besoins qui se manifestent en ce domaine, et dont la mise en oeuvre reste insuffisante parce que trop souvent aléatoire et ineffective. Il importe dès lors, pour tenter d'y apporter des réponses appropriées, en matière juridique, notamment d'esquisser une réflexion apte à en déterminer les éléments. On peut alors penser en ce sens, face à la gamme des mesures jusqu'alors prévues par le législateur et/ou l'autorité réglementaire, qu'il s'avère impératif d'actualiser, d'adapter ou de refondre de nombreux aspects des dispositions protectrices, préventives et punitives en vigueur, dans leur contenu institutionnel financier et pénal en particulier120. Notre contribution pour améliorer cette protection juridique des espèces fauniques et floristiques se situe à deux niveaux : d'une part, au niveau national (Section I) et, d'autre part, au niveau international (Section II). SECTION I : AU NIVEAU NATIONALAu plan national, on peut envisager l'amélioration de la protection de la faune et de la flore, en tenant compte des recommandations à apporter au niveau juridique et institutionnel, d'une part (Paragraphe I) et, d'autre part, des recommandations relatives aux autres faiblesses (Paragraphe II). 120 BRETTON (Jean Marie), « la lutte contre le braconnage problématique institutionnelle et normative : l'exemple des pays d'Afrique noire francophone », In Revue juridique et politique indépendance et coopération, n°2, 1998, p.207. 77 Paragraphe I : Sur le plan juridique et institutionnelLe problème juridique et institutionnel constitue l'une des lacunes ou des faiblesses que la Côte d'Ivoire doit impérativement combler pour assurer une protection efficace et une gestion rationnelle de sa faune et de sa flore. Dès lors, des recommandations doivent être apportées au niveau juridique (A) et au niveau institutionnel (B). A-Au niveau juridiqueL'approche répressive de la protection de la faune et de la flore repose sur une double démarche : la formulation du dispositif normatif servant de base juridique, et la mise en oeuvre des sanctions. L'un ne va pas sans l'autre, et ce sont les insuffisances, les carences ou les dysfonctionnements constatés aux deux niveaux qui expliquent le peu de succès significatifs qu'a pu connaitre jusqu'à présent la protection de la faune et de la flore121. Au niveau juridique, il y a lieu d'adapter le dispositif normatif (1) et de renforcer l'effectivité des sanctions juridictionnelles (2). 1-Adapter le dispositif normatif L'adoption d'une nouvelle loi portant protection de la faune et de la flore pourrait être nécessaire afin de réactualiser les dispositions de la loi n°65-255 du 4 août 1965 relative à la protection de la faune et à l'exercice de la chasse, et de prendre en compte les Accords internationaux ratifiés par la Côte d'Ivoire. Il complètera le cadre juridique existant en matière de protection des espèces fauniques et floristiques122. Davantage, il serait important d'intégrer d'autres espaces parmi les aires protégées, notamment les sanctuaires de faune, qui sont des territoires servant de refuge pour la faune. A titre d'illustration, au Congo, les sanctuaires de faune, dont la définition est différente de celle de la Côte d'Ivoire et les zones d'intérêt cynégétique font partie des aires protégées. Ainsi, les textes juridiques relatifs à la protection des parcs nationaux et des réserves naturelles devraient être intégrés dans la loi précitée pour qu'un cadre global de conservation soit mis en place. 121 BRETTON (Jean Marie), op.cit, p. 217. 122 Ministère des Eaux et Forêts, Cadre institutionnel, législatif et réglementaire de la bonne gouvernance pour la gestion durable dans les secteurs de la forêt, de la faune et des ressources en eau, 2015, p.53. Disponible sur www.ministeredeseauxetforets.gouv.ci. Consulté le 13 août 2017. 78 En outre, il faudrait élargir la liste des animaux (mammifères, oiseaux, crocodiles, serpents, lézards, tortues, batraciens, mollusques, insectes et arachnides) de la définition de la faune. Elle restreint le champ de protection et de gestion durable à certaines espèces. Le Congo et le Cameroun ont opté pour une définition plus large, en prenant en compte « l'ensemble des animaux sauvages » (Congo) où « l'ensemble des espèces / toutes les espèces animales » (Cameroun)123. Dans ce domaine, il apparait nécessaire de réenvisager le régime d'exercice des activités cynégétiques, dans le temps et dans l'espace : la réglementation de la délivrance et de la détention des permis de chasse, d'octroi des permis scientifiques, des autorisations de capture et d'exportation des animaux vivants. Sans doute, est-ce sur ces derniers points, sur un plan juridique, que le `'toilettage» du cadre actuel est le plus urgent et indispensable, à partir d'études biologiques, écologiques, socio-ethnologiques et économiques. Les vicissitudes nombreuses de la protection de la faune et de la flore au regard du droit positif, c'est-à-dire de la réglementation en vigueur, régulièrement et clairement dénoncées, appellent dès lors, à la fois, une simplification et une intégration formelle du cadre et de la méthodologie des interventions attendues d'autorités qui soient dûment investies de compétences et d'attributions à cet effet124. Il serait aussi nécessaire de mettre fin à la chasse coutumière en autorisant les permis de chasse pour la chasse traditionnelle afin d'éviter toute amalgame entre chasseur traditionnel et braconnier. De plus, il faudrait intégrer la protection de la faune et de la flore dans le nouveau Code forestier ivoirien de 2014 pour une prise en compte globale de la protection de la nature. Il conviendrait d'intégrer dans la loi n°2002-102 du 11 février relative à la gestion et au financement des parcs et réserves naturelles, la procédure à suivre pour la sanction des infractions dans les aires protégées. En clair, l'appareil législatif et réglementaire peut être en ce domaine plus ou moins sophistiqué ou adapté, et il n'est pas exclu de procéder à sa relecture et s'il y a lieu, à son actualisation et/ou à sa refonte partielle 125. 123 Ministère des Eaux et Forêts, Gestion durable de la faune et des ressources cynégétiques en Côte d'Ivoire, 2015, p.59. Disponible sur www.ministeredeseauxetforets.gouv.ci. Consulté le 22 avril 2017. 124 BRETTON (Jean Marie), « La lutte contre le braconnage problématique institutionnelle et normative : l'exemple des pays d'Afrique noire francophone », In Revue juridique et politique indépendance et coopération, n°2, 1998, p.219. 125 BRETTON (Jean Marie), op.cit, p.222. 79 Toutefois, les mesures juridiques prises pour assurer la protection de la faune et de la flore doivent présenter un double caractère d'effectivité et d'efficacité d'où l'importance du renforcement de l'effectivité des sanctions juridictionnelles. 2-Renforcer l'effectivité des sanctions juridictionnelles Bien que formellement prévues dans la réglementation en vigueur, les sanctions applicables en matière de protection de faune et de flore ne sont que rarement mises en oeuvre dans des conditions telles qu'elles permettent de lutter efficacement contre les pratiques illégales en matière de protection de la faune et de la flore126. En effet, les sanctions prévues par les textes doivent être appliquées. L'exemplarité dans l'application de ces sanctions devrait contribuer à faire diminuer le nombre d'infraction et remotiver les agents qui les constatent127. Il serait souhaitable de donner aux agents forestiers la compétence pour agir comme ministère public en dehors des juridictions de droit commun en matière d'infraction128. Par ailleurs, l'effectivité de l'application des textes juridiques relève tout autant de la volonté politique que de la technique juridique, celle-ci en constituant, en l'occurrence, la composante la plus simple à satisfaire. L'effort doit porter conjointement sur le quantum, sur l'aggravation et sur l'applicabilité des peines129. De plus, il faudrait proroger le délai de prescription des délits sur la faune à un délai raisonnable qui excède un an. Les sanctions prévues par les différents textes doivent être appliqués avec rigueur sans atténuation. En effet, les délais, conditions et modalités de saisine du juge ; sa conviction de l'opportunité de la rigueur de la répression, la garantie de l'autonomie de sa décision, exclusive de toutes formes d'interférences extérieures ; le degré de sévérité des peines, la liaison de sa compétence dans leur prononcé et, surtout, la réalité de leur application intégrale 126 BRETON (Jean Marie), op.cit, p.221. 127 Ministère des Eaux et Forêts, Cadre institutionnel, législatif et réglementaire de la bonne gouvernance pour la gestion durable dans les secteurs de la forêt, de la faune et des ressources en eau, 2015, p.46. Disponible sur www.ministeredeseauxetforets.gouv.ci. Consulté le 13 août 2013. 128 FAO, La législation sur la faune et les aires protégées en Afrique, Etude législative n°25, Rome, 1981, p.47. Disponible sur www.fao.org. Consulté le 07 septembre 2017. 129 BRETTON (Jean Marie), « La lutte contre le braconnage problématique institutionnelle et normative : l'exemple des pays d'Afrique noire francophone », In Revue juridique et politique indépendance et coopération, n°2, 1998, pp. 222-223. 80 et non dérogatoire doivent être obligatoirement respectés et appliqués pour assurer une protection efficace des espèces animales et végétales130. En plus des recommandations apportées au niveau juridique, il est aussi nécessaire d'apporter des recommandations au niveau institutionnel. |
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